: Reportage "Si tu respires, tu t'étouffes" : des Libanais dénoncent l'utilisation de phosphore blanc par l'armée israélienne
Dans ce champ du village de Dhayra, le long de la frontiĂšre entre le Liban et IsraĂ«l, des Ă©clats dâobus jonchent le sol. C'est l'autre front de cette guerre dĂ©clenchĂ©e le 7 octobre par les attaques terroristes du Hamas : au nord d'IsraĂ«l, les bombardements ont Ă©tĂ© nombreux entre le Hezbollah libanais et l'armĂ©e israĂ©lienne. Ils ont dĂ©jĂ fait plus dâune centaine de morts.
Le calme est revenu depuis le dĂ©but de la trĂȘve Ă Gaza, permettant aux journalistes d'accĂ©der aux villages bombardĂ©s. Les habitants accusent lâarmĂ©e israĂ©lienne dâavoir utilisĂ© du phosphore blanc lors de certaines attaques. Et sur plusieurs de ces Ă©clats d'obus se trouvent effectivement l'inscription "WP", les initiales anglaises de "phosphore blanc", une substance extrĂȘmement toxique, utilisĂ©e pour provoquer des Ă©crans de fumĂ©e ou des incendies.
"Si tu respires, tu t'étouffes immédiatement"
Oday, le propriĂ©taire des lieux, nous montre ces centaines de dĂ©bris noires qui prennent feu lorsquâon les Ă©crase : "Ăa, câest du phosphore. Câest lĂ depuis une quarantaine de jours, et regardez, il est toujours actif. Si tu respires, tu tâĂ©touffes immĂ©diatement", explique-t-il. Des caractĂ©ristiques typiques de la substance chimique, dâaprĂšs plusieurs experts. Son utilisation est interdite dans les zones civiles, selon le droit international humanitaire.
Pourtant, ici, on retrouve des rĂ©sidus jusquâĂ lâintĂ©rieur des maisons ravagĂ©es par les flammes. Le 16 octobre dernier, alors que son village est lourdement bombardĂ© par lâarmĂ©e israĂ©lienne, Ibtissem est chez elle avec son mari.
"Jâai senti une odeur de fumĂ©e. Je lui ai dit : 'Ă©teins ta cigarette'. Mais en fait, ça venait de lâextĂ©rieur ! Il y avait des flammes devant la porte."
Ibtissem, habitante de DhayraĂ franceinfo
Ibtissem raconte avoir essayé d'éteindre les flammes. "Puis, je me suis évanouie", ajoute-t-elle.
L'armée israélienne ne nie pas
Comme elle, une dizaine dâhabitants sont transfĂ©rĂ©s Ă lâhĂŽpital. Les mĂ©decins diagnostiquent tous des intoxications au phosphore blanc. Le Liban annonce quâil va porter plainte auprĂšs des Nations unies. "Dans la mesure oĂč elle utilise une arme d'une maniĂšre qui, intrinsĂšquement, ne peut pas distinguer entre cibles civiles et militaires, parce qu'elle est explosĂ©e dans l'air au-dessus d'une zone peuplĂ©e, c'est une violation des lois de la guerre, par dĂ©finition", assure Ahmed Benchemsi, qui travaille pour lâONG Human Rights Watch.Â
Amnesty International demande dâailleurs lâouverture dâune enquĂȘte pour "crime de guerre". Joint par tĂ©lĂ©phone, le porte-parole de lâarmĂ©e israĂ©lienne, Olivier Rafowicz, ne nie pas lâusage de munitions au phosphore dans le sud du Liban : "Mais ces obus-lĂ sont utilisĂ©s pour crĂ©er des Ă©crans de fumĂ©e et non pas pour viser, ni pour crĂ©er des Ă©lĂ©ments incendiaires, et surtout pas dans des zones de population dense, assure-t-il. Et ceci dans le cadre des exigences du droit international." L'utilisation lĂ©gale du phosphore blanc sur un thĂ©Ăątre de guerre est encadrĂ©e par le protocole III de la Convention sur certaines armes classiques. IsraĂ«l nâa jamais ratifiĂ© ce protocole.Â
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