Reportage "On essaie juste d’offrir un avenir à nos enfants" : des civils fuyant le Liban prennent le risque de rentrer illégalement en Syrie

Plusieurs centaines de millier de civils rejoignent la Syrie et prennent le risque de rentrer parfois illégalement dans la zone contrôlée par le régime de Bachar el Assad. Franceinfo s'est rendu avec un passeur et des civils syriens sur l'une de ces routes interdites.
Article rédigé par franceinfo - Arthur Sarradin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des Syriens et des Libanais vivant au Liban passent du côté syrien avec ce qu'ils ont pu emporter après les attaques israéliennes à Massna, au Liban, le 4 octobre 2024. (MURAT SENGUL / ANADOLU / VIA AFP)

Le nombre de déplacés explose au Liban alors que la guerre se poursuit entre le Hezbollah et l'armée israélienne. Ils seraient 1 300 000 à avoir quitté le sud du pays ou la banlieue sud de Beyrouth. Plusieurs centaines de milliers de civils libanais rejoignent même la Syrie en rentrant parfois illégalement dans la zone contrôlée par le régime de Bachar el-Assad.

Sur des montagnes rocailleuses près de la ville de Masnaa, des dizaines de familles tentent ainsi de rejoindre la Syrie illégalement, à pied, sans aucun bagage à la main. Nader est parti avec ses petites filles. Il y a quelques jours leur maison de la banlieue sud de Beyrouth a été entièrement détruite. "Cela fait 13 ans que je n’ai pas revu la Syrie, raconte Nader. Ici les passeurs se battent pour nous avoir, ils ne demandent que dix dollars par tête. Nous, on essaie juste d’offrir un avenir à nos enfants."

Il y a quelques minutes, l’armée israélienne a annoncé qu’elle bombarderait le point de passage, accusant le Hezbollah d’y faire transiter des armes. Un passeur nous confie avoir baissé ses tarifs pour franchir la frontière. Avant la guerre, la traversée coûtait 150 dollars, et chaque jour 80 personnes empruntaient  ces routes interdites. Aujourd’hui, ils seraient plus d’un millier par jour.

"Je n’ai pas vu la Syrie depuis 25 ans, je suis terrifié"

Ali marche en queue de file, il est originaire de Deir Ezzor, en Syrie. "Je viens du sud, je n’ai pris avec moi que les habits que je porte, explique-t-il. Je n’ai pas vu la Syrie depuis 25 ans, je suis terrifié. Je n’ai jamais connu mon pays en guerre." La plupart de ces réfugiés sont sans papiers, d’après les passeurs, un tiers d’entre eux sont recherchés par le régime de Bachar el Assad, et risquent la mort si l’armée les arrête de l’autre côté.  Depuis plusieurs jours, l’armée libanaise laisse passer les réfugiés sans tenter de les arrêter.

Mohammad, un jeune agriculteur syrien de la région, pourrait lui aussi s’en aller. Fuir les bombardements israéliens qui frappent sa région de la Bekaa. Il a pourtant choisi de rester.  "Je ne peux pas revenir car je n’ai pas fait mon service militaire en Syrie, on pourrait m'y prendre pour 10 ou 15 ans, explique Mohammad. Malgré la guerre au Liban, plein de jeunes comme moi ne peuvent pas retourner en Syrie. Et puis là-bas il y a encore la guerre, il n’y a plus de travail pour vivre, rien du tout… On ne sait pas ce qu’il peut nous arriver."

On estime à 300 000 le nombre de personnes déplacées en Syrie. Des Libanais, mais aussi des Syriens qui ne savent pas ce qui les attendra de l’autre côté. Vendredi matin, l'armée israélienne a finalement bombardé le passage de Masnaa. Ces civils en fuite n’échappent jamais vraiment au spectre de la guerre.

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