Quand le Liban prend ses distances avec le régime de Bachar Al Assad
L'arrestation de Michel Samaha à son domicile, ainsi que celle de deux de ses complices —des hauts responsables syriens— est une mesure sans précédent. Et un coup dur porté au puissant voisin du Liban, la Syrie, qui joue un rôle majeur dans les affaires libanaises depuis des décennies.
Cet ancien ministre chrétien orthodoxe est accusé d'avoir mis sur pied une bande armée qui prévoyait de faire exploser, notamment dans le nord du Liban, 110 kilos de bombes préparées en Syrie. Le but : inciter les violences interreligieuses qui déstabiliseraient toute la région. Plusieurs personnalités politiques et religieuses étaient menacées par ces attaques ainsi que la communauté sunnite.
En 2007, son nom était apparu sur une liste publiée par Washington pointant du doigt des personnalités syriennes et libanaises soupçonnées de mettre en place des complots dans le but de mettre à mal l'équilibre du Liban.
Le gouvernement libanais défie le régime de Damas
C'est la justice militaire libanaise qui a réussi à déjouer l'attentat après qu'un des hommes de confiance de Michel Samaha l'ait dénoncé. Ce dernier a avoué aux autorités avoir stocké et transporté des explosifs dans sa voiture.
La majorité libanaise dominée par le Hezbollah qui soutient Damas est restée très discrète.
«C'est un coup terrible pour nous, qui défendons le régime syrien», avait déclaré, néanmoins, un proche du gouvernement libanais. Le régime syrien est également resté silencieux, même si Bachar Al Assad aurait essayé d'intervenir, sans succès, auprès du président libanais.
Pour sauver les apparences, le Premier ministre libanais, lui, a réagi énergiquement : «Nous ne permettrons à personne de s'ingérer dans nos affaires, ou de transformer à nouveau le Liban en un terrain de règlements de comptes ou d'exportation de conflits étrangers». En fait, le Hezbollah pense déjà à l'après Bachar.
Michel Samaha, l'agent de Bachar
Avant son arrestation, Michel Samaha avait fait le tour des plateaux de télévisions arabes pour défendre farouchement le régime syrien. Ce qui n'est pas étonnant venant d'un homme qui n'a jamais caché sa filiation avec le régime d'Assad.
En 2002, après un échec électoral et un parcours politique chaotique, il renoue avec les courants prosyriens. Il est nommé alors ministre de l'Information en 2003, au sein du gouvernement de Rafiq Hariri, assassiné en 2005 lors d'un attentat suicide. Récemment, il a encore confirmé sa fidélité au régime de Damas en rejoignant le Rassemblement national, un regroupement de personnalités prosyriennes.
Titulaire de l'Ordre du Mérite français, pour services rendus, il avait été l'intermédiaire entre Bachar Al Assad et la France : ses efforts de Michel Samaha sont à l'origine de la venue du dictateur à Paris en 2009.
Alors qu'il comparaissait le17 août 2012 devant la justice, sa mise en examen soulève de nombreuses questions.
Son arrestation est-elle une faille du système du parti de Dieu ?
Michel Samaha paraît réunir toutes les qualités pour avoir les grâces du Hezbollah —le parti de Dieu— et pourtant, il a bel et bien été arrêté par les Forces de sécurité intérieure (FSI). Semblerait-il qu'une scission soit en train de s'opérer entre le parti de Dieu, les FSI et la justice qui ne recule devant rien pour que cet agent de Damas reste derrière les barreaux. Le tout puissant Hezbollah doit aussi composer avec l'opinion publique.
Le Hezbollah serait-il prêt à lâcher un peu pour plaire à ses militants, de plus en plus sensibles à la cause du peuple syrien ?
Au fur et à mesure que le conflit en Syrie s'intensifie, les chiites libanais ne sont plus en accord total avec le Hezbollah et le régime de Bachar. De nouvelles forces contestataires émergent, notamment, grâce à Internet. De nombreux Libanais de confession chiite qui soutenaient le principal parti politique voient désormais la révolution en Syrie d'un bon œil. Hani Fahes, un représentant très respecté de cette communauté a même invité les fidèles à accueillir des réfugiés syriens.
Les chrétiens libanais seraient-ils menacés par le régime de Bachar ?
Le patriarche maronite, Monseigneur Béchara Raï, était parmi les personnes ciblées par l'attaque orchestrée par Michel Samaha. Il s'agirait d'une nouvelle tentative de semer le chaos et d'accuser des terroristes d'attaquer des chrétiens. Le régime de Bachar a recours à ce genre de méthode pour s'assurer le soutien des chrétiens fidèles au régime, qui craignent que la chute du régime n'entraine la leur. Tout en rassurant les chrétiens syriens, Bachar Al Assad envisageait avec Michel Samaha de replonger le Liban dans une nouvelle crise.
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