Cet article date de plus de dix ans.

Liban : du rap contre les violences faites aux femmes

La violence domestique est une pratique encore trop répandue au pays du Cèdre. Initiative insolite dans le milieu du rap, souvent jugé violent, le groupe Mn el-Ekher a décidé de s'attaquer à ce fléau. Il dédie son dernier morceau à toutes les Libanaises maltraitées.
Article rédigé par Valerie Kowal
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Capture d'écran du clip du groupe de rap Mn el-Ekhner, le 8 mars 2014. (Youtube)
«La femme est maltraitée, stéréotypée, marginale : ses droits sont érodés, négligés, ignorés...» : les paroles de la chanson sont sans équivoque. S'attaquer à la violence domestique était devenu vital pour ces rappeurs. Selon Marie Kostrz pour le site du Point«les membres du groupe ont eux-même été témoins de mauvais traitements subis par l'une de leurs amies». Issa Noman chanteur du groupe se souvient : «Il y a deux mois, elle est arrivée chez nous avec des bleus sur le visage et le bras cassé. Son mari l'avait battue avec un cadre à photo parce qu'elle n'avait pas mis assez de sel dans un plat qu'elle avait cuisiné.» Ce dramatique incident a été l'élément déclencheur dans l'écriture de la chanson.

Le 8 mars, 4000 manifestants réclamaient à Beyrouth la ratification d'un projet de loi contre les violences conjugales datant de 2010. A l'époque, ce texte avait été rejeté par les influentes autorités musulmanes, dans un pays où le statut personnel est du ressort des tribunaux religieux. Salué par les associations de défense de la femme, ce texte intervenait 10 jours après qu'une femme de 33 ans, Roula Yaacoub, avait été battue à mort par son mari dans le nord du Liban. Une mort qui avait soulevé l'indignation des médias et de la société civile.

Ce 8 mars, des femmes, des hommes et des enfants ont défilé dans les rues de la capitale libanaise. Ils réclamaient au Parlement une ratification rapide de ce projet de loi resté dans les tiroirs depuis 4 ans. «Le temps du machisme est révolu... bye», «brisez le silence», proclamaient les pancartes brandies par les manifestants.

Issan Noman, Ehab Nuhaïly et Abdul Rahman Bkhit ont formé leur groupe en 2012. Ils vivent à Tripoli, dans le nord du pays, et sont désespérés de constater que les violences faites aux femmes ne reculent pas. «Elles ont toujours existé, mais ça devient une mode de taper sa femme. Les hommes se vantent de frapper leur compagne et ne se remettent pas en cause», explique Issan. Le clip de leur chanson met en scène une femme malmenée par son mari. Jetée à terre, couverte de bleus... elle finit allongée à la morgue.


Considéré comme le pays le plus libéral du monde arabe, le Liban accuse un sérieux retard dans la législation sur les droits des femmes. Un homme qui viole une femme est exonéré s'il l'épouse, une Libanaise ne peut pas transmettre sa nationalité à ses enfants, un époux peut confisquer le passeport de sa femme... La liste est longue et traduit une situation anachronique au XXIe siècle : aucune loi ne protège la femme libanaise.

Le groupe Mn el-Ekher espère changer les mentalités. Mais son combat semble loin d'être gagné. «Les combattants de notre quartier considèrent qu'on ne fait rien avec notre musique comparé à eux avec leurs armes. Ils nous traitent de gays, car le rap n'a pas de sens pour eux.» Dans le monde arabe, conservateur, rares sont les pays dotés d'une législation protégeant les femmes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.