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La presse libanaise menacée de disparition

La presse libanaise est une référence dans le monde arabe. Or, elle est en crise, voire même à l’agonie aux yeux de certains observateurs. Deux des quotidiens majeurs, «As-Safir» et «An-Nahar» sont au bord de la fermeture, victimes de la concurrence des nouveaux médias mais aussi d’une perte d’intérêt.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La presse est en crise au Liban, la référence de la presse arabe. (Joseph Eid/AFP)

As-Safir, «la voix des sans voix», le quotidien proche de la cause palestinienne, a annoncé dans un premier temps l’arrêt de sa publication. Talal Salmane, son fondateur et rédacteur en chef, n’y va pas par quatre chemins. «Nous n’avons plus de fonds et nous cherchons désespérement un partenaire pour financer le journal.»
 
Financement iranien ?
Puis la direction a fait machine arrière, un manque de respect aux yeux de certains observateurs des média libanais. Dans la balance, il y a aussi plus de 150 salariés à l’avenir incertain. Aux dernières nouvelles, un financement iranien aurait été obtenu. Rumeur difficile à vérifier mais qui expliquerait cette volte-face. Il faut dire qu'As-safir a bien mérité des mollahs, en publiant sur huit colonnes à la une le mauvais état de santé du roi Salmane d’Arabie Saoudite.
 
Mais As-Safir n’est pas le seul en difficulté. Trois à quatre journaux libanais sont dans le même marasme économique. Ainsi, de l’autre côté de l’échiquier, le célèbre quotidien An-Nahar, créé en 1933, ne verse plus les salaires depuis sept mois.

 
Pourquoi ce bilan ?
Il y a d’abord la concurrence des chaînes TV comme Al-Jazira (elle-même en difficulté) ou d’internet. Les journaux n’ont pas senti l’évolution et ont raté le virage, comme l’a expliqué à Géopolis Fatima El Issawi du département Moyen-Orient à la London School of economics.
 
Elle dresse un tableau sans concession de la presse de son pays. Les journaux appartiennent à des familles, autant dire à des clans. «Il n’y a pas de processus éditorial», nous dit Fatima El Issawi. «Le propriétaire décide de tout. Les journalistes sont fragiles»… et l’information fatalement partiale !
 
Quel avenir ?
Cette presse d’opinion inféodée aux politiques n’aurait plus trop sa place. C’est en tout cas l’avis de Michel Touma, rédacteur en chef du quotidien francophone l’Orient le Jour. Ainsi As-Safir se voulait le porte-étendard du nassérisme et du nationalisme arabe. Aujourd'hui, il ne reste pas grand-chose de tous ces slogans, estime-t-il. «Le nassérisme et le nationalisme arabe ne sont plus qu'un vague souvenir d'un passé très lointain. Ils ont cédé la place au djihadisme sunnite et à l'intégrisme chiite… (...) La cause n’existe plus», nous explique-t-il par téléphone.
 
Au grand maximum, la presse écrite au Liban compte 300 journalistes. Autant dire que leur avenir ne va pas mobiliser le pays. Il reste, nous dit Fatima El Issani, la nostalgie d’une époque. «La disparition de cette presse sera la disparition d’une partie de notre histoire.»
 

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