L'Egypte juge son "raïs"
Actualisé à 9h05
Il y a quelques mois encore, ses portraits ornaient tous les bâtiments publics d'Egypte. Les effigies d'Hosni Moubarak qui s'affichent aujourd'hui sur les murs le représentent bien souvent en position peu avantageuse. Et sur la place Tahrir, haut lieu de la révolution, des figurines grimaçantes du “raïs”, qui fut le maître craint de l'Egypte pendant 30 ans, se vendent pour quelques livres.
Hosni Moubarak ne sera pas le seul à comparaître devant tribunal pénal du Caire. A ses côtés, ses deux fils, vilipendés par les révolutionnaires : Gamal, qui était pressenti comme son successeur, et Alaa, homme d'affaires à la prospérité douteuse. (LIRE NOTRE ARTICLE) L'ex-ministre de l'Intérieur, Habib al-Adli sera également sur le banc des accusés. C'est lui qui aurait ordonné de positionner des snipers durant la révolte. Six de ses adjoints seront aussi jugés, ainsi qu'un homme d'affaires, détenu en Espagne.
Ils doivent répondre d'homicides avec préméditation, qualification passible de la peine de mort, pour les 850 morts (et 6.000 blessés) de janvier-février. Il leur est aussi reproché des abus de pouvoir et des détournements de fonds publics portant sur des millions de dollars.
Facultés mentales
Depuis sa chute, le 11 février, après 18 jours d'émeutes et de batailles rangées, le “raïs” n'est plus apparu en public. Sera-t-il présent à son procès, qui débute aujourd'hui ? Il faudra attendre pour le savoir. En début de semaine, le ministre de la Santé assurait que rien ne s'y opposait et le ministre de l'Intérieur affirmait qu'il était “transférable” . Peu après 7 heures ce matin, l'ex-président a d'ailleurs quitté l'hôpital de Charm el-Cheikh où il était hospitalisé. Il a été transféré au Caire en avion. Il est arrivé au tribunal peu après 9 heures.
Selon son avocat, il souffre d'un cancer de l'estomac, mais l'information a été démentie par l'hôpital. D'autres sources le décrivent comme dépressif et incapable de marcher. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait été admis à l'hôpital pour un problème cardiaque. Et selon les médecins, les facultés mentales du vieil homme de 83 ans se dégradent.
Les nouvelles autorités, sous la pression de la rue, savent qu'une non-comparution du raïs, et plus encore un report du procès, serait perçu comme une volonté des généraux d'éviter une humiliation à leur ancien chef. Et les opposants n'oublient pas que le dirigeant du Conseil supérieur des forces armées, le maréchal Hussein Tantaoui, a été le ministre de la Défense d'Hosni Moubarak pendant 20 ans.
“Celui qui a tué doit être tué” (un manifestant)
Le pouvoir et la justice, qui jouent leur crédibilité, tentent de donner des gages aux manifestants : le procureur a demandé au ministre de l'Intérieur qu'Hosni Moubarak soit présent au Caire pour son procès. Le juge Ahmed Refaat, qui présidera les débats, a promis que le procès serait rapide, et qu'il se tiendra “tous les jours jusqu'à son terme”. La salle - située dans l'école de police, au nord du Caire - ne pouvant accueillir que 600 personnes, les audiences seront retransmises par la télévision d'Etat, comme l'ont été de nombreux procès liés à l'ancien régime, alors que la justice égyptienne avait toujours jusqu'ici refusé les caméras.
Face à ce procès, la rue égyptienne semble divisée. Pour ceux qui ont participé à la révolution, et plus encore s'ils ont perdu des proches, “c'est un meurtrier, celui qui a tué doit être tué”, comme le lâche un cairote qui a perdu son frère jumeau. “Il est vieux et très malade et puis il n'est que l'un de ceux qui ont participé aux violences”, tempère un homme âgé.
Grégoire Lecalot, avec agences
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