Témoignage "Il n'y a plus aucun moyen sûr de distribuer l'aide" : au nord de Gaza, l'acheminement chaotique des convois humanitaires

Au nord de la bande de Gaza, les rares distributions alimentaires se font dans le chaos. Un journaliste présent sur place, joint par franceinfo, livre son témoignage.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un centre de distribution de nourriture pris d'assaut à Gaza le 28 octobre 2023. (MOHAMMED ABED / AFP)

À Gaza, si rien ne change, la famine au nord de l’enclave est inévitable. Il n’y a pas assez de camions qui passent et les efforts des grandes familles gazaouies pour organiser la distribution ont été sabotés par l’armée israélienne, d’après les Palestiniens. Dans une vidéo postée sur Instagram, Abdelkader Sabbah explique comment l’armée israélienne est soupçonnée de vouloir entraver la sécurisation et le stockage de l’aide humanitaire dans la partie nord de l’enclave. Il est journaliste et documente ce qui se passe au nord.

Joint par franceinfo, il explique que la distribution de l’aide humanitaire était devenue chaotique. Les convois étaient stoppés sur la route quelques centaines de mètres après le barrage militaire israélien. Ils étaient pillés par des milliers de personnes au détriment des communautés plus au Nord qui avaient difficilement accès à l’aide.

"L'armée israélienne n'a pas apprécié cette situation"

L’ONU a donc sollicité les chefs de famille, il y a quelques semaines, pour permettre aux camions d’avancer et d’atteindre les communautés plus au nord. "On a réussi à faire en sorte que les communautés, les quartiers s’organisent. Ça n’a pas été facile, le secteur est extrêmement dangereux, juge Georgios Petropoulos, qui dirige la coordination de l’ONU à Gaza. C'est difficile pour des gens qui sont à ce niveau de désespoir et de famine de se montrer patients et disciplinés autour d’une organisation qui a été plus compliquée que prévu. On ne sait pas combien de temps ça va tenir."

"On espérait, au départ, faire passer 40 camions par jour. On voulait inonder le nord de nourriture. Et en fait, on a entre sept et huit camions tous les deux jours."

Georgios Petropoulos

franceinfo

D’après Abdelkader Sabbah, les clans du nord de Gaza ont donc commencé à sécuriser les convois en coordination avec la police du Hamas. Ils ont permis à l’aide humanitaire de monter plus au Nord pour être stockée. Mais il assure que l'armée israélienne a ciblé des responsables. "L'armée israélienne n'a pas apprécié cette situation, elle a donc bombardé la plupart des entrepôts qui contenaient la nourriture. Il n'y avait plus aucun moyen sûr de distribuer l'aide comme l'armée ne permettait à personne de la sécuriser, déplore-t-il. Parce que lorsque la sécurité tentait d'être présente aux carrefours proches de l'arrivée des camions, elle était bombardée. Le mois dernier par exemple, il y a eu des tentatives pour sécuriser l’arrivée de l'aide mais les gens ont été bombardés."

"Les services de sécurité ont commencé à s'éloigner des camions, poursuit Abdelkader Sabbah, et les gens ont recommencé à se bousculer vers les camions et à prendre ce qu'ils pouvaient prendre." Des coordinateurs et des responsables policiers palestiniens ont été tués par les Israéliens ces 15 derniers jours. L’armée israélienne aurait cherché à recruter, sans succès, des familles pour faire sécuriser les convois privés. Elle affirme, aujourd’hui, qu’elle n’impose aucune limite à l’aide humanitaire. Dans ce contexte chaotique, fin mars, le Programme alimentaire mondial a quand même réussi à faire passer sept camions au nord de Gaza.

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