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Négociations Israël-Palestine : pourquoi les Etats-Unis s'entêtent

Après trois ans de blocage, les discussions entre Israéliens et Palestiniens reprennent, à Jérusalem. Les Américains sont, encore et toujours, à la manœuvre.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
John Kerry (au c.), lors d'une rencontre préliminaire aux négociations de paix israélo-palestinienne entre la ministre israélienne de la Justice, Tzipi Livni, et le négociateur palestinien, Saeb Erekat, le 30 juillet 2013, à Washington (Etats-Unis). (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Les Etats-Unis sont-ils optimistes ou masochistes ? Après plus de soixante ans de conflit israélo-palestinien, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, est à l'initiative d'une énième reprise de pourparlers entre Israéliens et Palestiniens, dont les détails ont été peaufinés fin juillet à Washington. Les deux camps doivent se rencontrer, mercredi 14 août, à Jérusalem, afin de relancer les négociations de paix interrompues il y a trois ans. Pourquoi les Etats-Unis se risquent-ils de nouveau à endosser le rôle de médiateur, ingrat et dont les résultats sont très incertains ?

Parce que le temps presse, selon Kerry

C'est déjà, en soi, un petit exploit. Après six mois de travail et autant de visites au Proche-Orient, John Kerry a mis fin à trois ans de disette dans les négociations de paix israélo-palestiniennes, qui avaient capoté en septembre 2010. Il a fait revenir les deux parties à la table du dialogue, sans garantie de succès. "Si nous ne réussissons pas maintenant, nous n'aurons peut-être pas d'autre chance", avait prévenu le secrétaire d'Etat américain, en juin, devant le Comité des juifs américains.

Au début de son premier mandat, Barack Obama avait fait d'un accord de paix l'une de ses priorités de politique étrangère, rappelle USA Today (lien en anglais). Six mois après avoir remplacé Hillary Clinton, John Kerry en a fait son obsession, quitte à délaisser les dossiers syrien et égyptien. Il redoute qu'il ne soit bientôt trop tard pour parvenir à une solution à deux Etats, en raison notamment du nombre grandissant de colons israéliens qu'il faudrait déloger et du déclin du président palestinien Mahmoud Abbas, affaibli par le Hamas, qui a pris le pouvoir dans la bande de Gaza.

Sous l'égide de l'ambassadeur Martin Indyk, représentant spécial américain sur ce dossier, les négociateurs israéliens et palestiniens se sont donnés neuf mois pour aboutir à un accord de paix portant sur les frontières, le statut de Jérusalem, le sort des réfugiés palestiniens et le partage des ressources en eau.   

Parce que les tête-à-tête sans médiateur sont vains

Pourquoi les Etats-Unis se mêlent-ils de ce dossier, plutôt que de laisser les Israéliens et les Palestiniens seuls en tête-à-tête ? Parce qu'"en matière de discussions de paix, les face-à-face ne marchent pas", estime Foreign Policy (en anglais, article payant). Le site américain revient sur les précédents accords de paix israélo-arabes, tous nés d'une médiation américaine, à une exception près (le traité de paix Israël-Jordanie de 1994). Les discussions entre les parties seraient donc nécessaires, mais pas suffisantes. Ainsi, à propos du traité conclu en 1978 entre l'Egypte et Israël, "[les dirigeants égyptien et israélien] Sadat et Begin l'ont rendu possible et [le président américain] Carter l'a rendu réel", résume Foreign Policy.

Pour que cette nouvelle tentative aboutisse, les Etats-Unis vont devoir faire plus que "réunir les deux camps dans une pièce et espérer le meilleur", estime Foreign Policy. Plus que des facilitateurs, Martin Indyk, John Kerry et même Barack Obama devront être de vrais négociateurs, aidant à cadrer le débat, proposant des idées et supervisant l'accord final, tant dans sa rédaction que son application. 

Parce qu'aucune autre force de médiation n'émerge

Si une médiation est nécessaire, doit-elle forcément venir des Etats-Unis ? Les Américains ne sont pas les seuls acteurs extérieurs impliqués dans le processus de paix. La Ligue arabe a relancé son plan de paix, qui prévoit notamment, en cas d'accord, l'ouverture d'ambassades israéliennes en Arabie saoudite, en Irak ou au Soudan. L'Union européenne a également participé aux efforts pour rétablir les pourparlers.

Mais comme le note le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin, sur son blog, personne ne peut rivaliser avec les arguments de John Kerry, "sonnants et trébuchants pour l’Autorité autonome de Mahmoud Abbas en situation de quasi faillite". Tandis que les Palestiniens bénéficient d'une aide économique de Washington, les Israéliens s'assurent, eux, d'une "aide militaire renforcée" et évitent un "isolement diplomatique" qu'ils redoutent. A croire que, du fait de leur force de frappe diplomatique, les Etats-Unis sont les seuls capables de réunir les deux camps et de surmonter les exigences de chacun, dans une manœuvre détaillée par Le Figaro.

Quitte à jouer un rôle central, comme ils s'y étaient engagés il y a vingt ans à Oslo, les Etats-Unis espèrent en tirer des avantages. Ils pensent encore qu'une solution négociée au conflit entre Israël et les Palestiniens contribuerait à résoudre d'autres problèmes dans la région. Surtout, souvent jugés partiaux et favorables à Israël, les Américains se disent qu'un accord pourrait leur rapporter le soutien des Etats arabes les plus modérés. Mais cela n'arrivera pas avant neuf mois, dans le meilleur des cas.

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