Guerre entre Israël et le Hamas : on vous explique les tensions dans plusieurs universités américaines après des manifestations propalestiniennes

Des centaines de personnes ont été interpellées ces derniers jours à Columbia, à l'université de New York et à Yale, alors que le débat gagne la sphère politique.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des tentes installées par des manifestants propalestiniens sur le campus de Columbia, université de New York (Etats-Unis), le 23 avril 2024. (SELCUK ACAR / ANADOLU / AFP)

Les campus américains s'embrasent en raison du conflit entre Israël et le Hamas. A l'université de New York, 120 personnes ont été interpellées, puis relâchées, dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril, a déclaré la police. Depuis le début du conflit, les universités sont le théâtre de débats parfois houleux entre étudiants aux Etats-Unis. Franceinfo vous en dit plus sur ces tensions qui ont fait réagir jusqu'à la Maison Blanche.

Une audition tendue devant le Congrès pour la présidente de Columbia 

La récente vague de protestation est partie de Columbia. Nemat Shafik, présidente de la prestigieuse université new-yorkaise, a défendu le 17 avril devant des parlementaires son action pour lutter contre l'antisémitisme sur son campus. En décembre, la présidente de l'université de Pennsylvanie, Elizabeth Magill, et son homologue d'Harvard, Claudine Gay, avaient également dû répondre aux questions des parlementaires du Congrès. Ces auditions avaient conduit à leur démission

Columbia est "un berceau pour l'antisémitisme et la haine", a attaqué l'élue républicaine Virginia Foxx, présidente de la commission sur l'éducation, à l'origine de l'audition parlementaire. "L'antisémitisme ne doit trouver aucun refuge dans les universités américaines", a-t-elle ajouté. Nemat Shafik a avancé que 15 étudiants, sur les 37 000 que compte l'établissement, ont été suspendus et que plusieurs professeurs sont visés par des procédures disciplinaires. Il s'agit de "tout petits chiffres", a-t-elle commenté

"Columbia s'efforce d'être un espace sans haine ni discrimination dans toutes leurs formes, et nous condamnons un antisémitisme devenu aujourd'hui omniprésent."

Nemat Shafik, présidente de l'université de Columbia

lors d'une audition devant le Congrès américain

Cette audition était très attendue par certains étudiants propalestiniens de l'université, puisque des manifestants avaient "construit un campement dans les heures qui ont précédé l'audition", écrit le New York Times. Sur place, au milieu des tentes, les manifestants ont appelé leur université, qui a notamment un programme d'échanges avec Tel-Aviv, à boycotter toute activité en lien avec Israël.

Une centaine d'arrestations sur le campus de Columbia

Vingt-quatre heures après son audition devant le Congrès, Nemat Shafik a demandé, le 18 avril, dans une lettre, l'intervention de la police pour déloger les manifestants installés sur le campus, jugeant que les organisateurs avaient "violé une longue liste de règles" relatives à la sécurité. Cette action constitue une première depuis 1996, a précisé un chroniqueur du The New York Times. "Les officiers de police (...) ont procédé à plus de 108 arrestations et se sont assurés qu'il n'y ait eu ni violences ni blessés", a déclaré le 18 avril le maire démocrate de New York, Eric Adams, qui a autorisé l'intervention.

Des dizaines d'étudiants ont continué à manifester sur le campus, y installant notamment des tentes pour ne pas se faire déloger. Lundi, l'université a décidé d'effectuer tous ses cours en distanciel. "Nous avons besoin de remettre les choses dans l'ordre", a déclaré dans un communiqué sa présidente.

La décision a provoqué la colère d'enseignants, tant parmi ceux qui défendent les manifestants que chez leurs opposants. Le professeur israélo-américain Shai Davidai s'est ainsi insurgé sur le réseau social X : "Aujourd'hui, l'université de Columbia a refusé de me laisser entrer sur le campus. Pourquoi ? Parce qu'ils ne peuvent pas protéger ma sécurité en tant que professeur juif. "Nous sommes en 1938, [période où les Juifs étaient persécutés par les nazis]."

De son côté, Marianne Hirsch, enseignante à Columbia et elle-même de confession juive, se dit "extrêmement secouée en ce moment par le fait de voir comment l'antisémitisme est instrumentalisé, et utilisé à mauvais escient (...), pour mettre fin à la liberté académique, au libre débat, à la pensée critique". Sarah Borus, étudiante juive propalestinienne, partage cette opinion : "L'administration de mon université, mes élus au Congrès, et même le président se comportent comme s'ils étaient des porte-parole de la communauté juive, assimilant l'antisionisme à l'antisémitisme. Ils nous réduisent au silence, nous suspendent."

Le mouvement gagne d'autres universités

Les tensions se sont accentuées sur d'autres campus. Dans la nuit de lundi à mardi, 120 personnes ont été interpellées devant des locaux de l'université de New York (NYU). Pour déloger les manifestants qui s'y étaient installés, la direction, à l'instar de celle de Columbia, a demandé aux forces de l'ordre de les "évacuer""S'ils refusent de partir, nous demanderons à la NYPD [la police de New York] de prendre des mesures coercitives en conséquence, pouvant aller jusqu'à l'arrestation", était-il écrit dans un courrier publié par la police.

L'université a affirmé avoir constaté des comportements "hostiles et perturbant l'ordre public""Nous avons aussi appris qu'il y avait des slogans intimidants et que plusieurs incidents antisémites avaient été rapportés", a rapporté un porte-parole de la NYU. Dans un communiqué, l'Association américaine des professeurs d'université a vivement dénoncé la décision "injustifiée" de l'université d'appeler la police, arguant, en outre, que "personne sur la place n'avait été, à aucun moment, violent ou antisémite". Toutes les personnes interpellées ont ensuite été relâchées, a exprimé à l'AFP un porte-parole de la NYPD.

A Yale, prestigieuse université située dans l'Etat du Connecticut, une quarantaine de personnes ont été arrêtées dans ces circonstances similaires, selon un porte-parole de l'établissement cité par le New York Times. Peter Salovey, président de l'université, a affirmé lundi que les personnes interpellées avaient "rejeté l'ultime demande qui leur avait été faite de quitter les lieux volontairement", rapporte le quotidien américain. Les manifestants pro-palestiniens étaient installés sur le campus depuis vendredi.

Joe Biden et Donald Trump réagissent

A quelques mois de l'élection présidentielle (5 novembre), ces événements ont secoué le monde politique américain. Le président de la Chambre des représentants, le républicain Mike Johnson, a annoncé qu'il rencontrerait mercredi des étudiants juifs à Columbia mercredi pour évoquer "l'inquiétante montée d'un antisémitisme virulent" sur les campus.

Avant d'entrer dans la salle d'audience pour la reprise de son procès à New York, Donald Trump, leader des républicains pour la présidentielle, a estimé mardi que "des gens très radicaux veulent démanteler les facs" et que ce "qui se passe au niveau des universités, à Columbia, NYU et d'autres, est une honte".

La situation est compliquée pour le président Joe Biden, pris en tenaille entre son soutien "inébranlable" à Israël et le soutien à la cause palestinienne d'une partie de l'électorat démocrate. Il est revenu sur les manifestations dimanche, à la veille de la Pâque juive. "Ces derniers jours, nous avons été témoins de harcèlement et d'appels à la violence contre des juifs", a-t-il affirmé. "Cet antisémitisme flagrant est répréhensible et dangereux, et il n'a absolument pas sa place sur les campus universitaires, ni nulle part dans notre pays", a ajouté le locataire de la Maison Blanche.

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