Guerre entre Israël et le Hamas : ce que l'on sait de la situation à l'hôpital al-Chifa, au cœur des combats à Gaza

Selon le vice-ministre de la Santé du gouvernement du Hamas, un bâtiment du plus grand hôpital de la bande de Gaza a été détruit par une frappe de l'armée israélienne. Celle-ci n'a pas encore réagi à cette accusation, mais a dénoncé ces derniers jours de "fausses informations".
Article rédigé par franceinfo avec AFP, Fabien Magnenou
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
L'extérieur de l'hôpital al-Chifa dans la ville de Gaza, le 10 novembre 2023. (ISMAIL ZANOUN / AFP)

C'est le plus grand complexe hospitalier de la bande de Gaza. Une frappe aérienne israélienne a "entièrement détruit" le bâtiment du service des maladies cardiaques de l'hôpital al-Chifa, a affirmé à l'AFP le vice-ministre de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza, dimanche 12 novembre. L'établissement est situé dans la ville de Gaza, dans le nord de ce territoire palestinien pilonné par Israël depuis les attaques du Hamas le 7 octobre. L'armée israélienne n'a pour l'heure pas réagi à cette accusation. Voici ce que l'on sait de la situation.

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Le Hamas évoque un bâtiment "entièrement détruit"

"Le bâtiment de deux étages du service des maladies cardiaques a été entièrement détruit dans une frappe aérienne", a déclaré le vice-ministre de la Santé du Hamas, Youssef Abou Rich. Il a aussitôt imputé cette frappe à l'armée israélienne. L'AFP n'était pas en mesure de confirmer sur place ce bombardement, mais au moins un témoin présent dans l'hôpital a confirmé des raids et des dégâts. "Nous sommes en état de siège. Il y a des tirs et des bombardements partout autour de l'hôpital", témoigne Marwan Abou Saada, chirurgien à l'hôpital al-Chifa, joint par franceinfo. "Personne ne peut sortir ni entrer. La situation est difficile. Nous nous occupons d'un très grand nombre de blessés qui se trouvent encore à l'hôpital."

"Nous avons plus de 600 patients blessés qui se trouvent dans l’hôpital, dans l’unité de soins intensifs et dans un autre bâtiment."

Marwan Abou Saada, chirurgien à l'hôpital al-Chifa

à franceinfo

"Nous avons transformé le service de cardiologie en unité de soins intensifs supplémentaire. Aujourd'hui, c'est la sixième fois que cette unité (...) que nous avons mise en place est bombardée, explique le médecin. Il y a eu des dégâts importants sur les équipements et le bâtiment. Heureusement, il n’y a pas eu de blessé, car nous avions installé ces patients dans le couloir principal."

"Il y a eu une nouvelle frappe sur le département de chirurgie et sur celui de chirurgie ambulatoire", a affirmé le vice-ministre Youssef Abou Rich. Il a fait état de "cinq obus tirés depuis le matin dans le complexe". "Les chars [israéliens] assiègent complètement l'hôpital al-Chifa", a ajouté le responsable du Hamas. "Ils tirent sur tous ceux qui essayent de sortir de tous les bâtiments du complexe hospitalier", a-t-il précisé, sans donner de bilan. Marwan Abou Saada déclare quant à lui à franceinfo ne pas voir les chars. Autour de l'hôpital, "il y a des dizaines de corps dans les rues, des centaines de blessés", a également assuré le vice-ministre de la Santé du Hamas.

Israël dément cibler l'hôpital

L'armée israélienne n'a pas réagi aux dernières accusations du Hamas, mais elle avait démenti samedi avoir ciblé l'hôpital al-Chifa. Le porte-parole de l'armée, Daniel Hagari, a ainsi qualifié de "fausses" les informations selon lesquelles ses troupes "encerclent et frappent" l'établissement. "Le Hamas ment sur ce qui se passe dans les hôpitaux", avait-il affirmé.

"Hier [vendredi], [le Hamas] s'est empressé de nous accuser d'être responsables de l'attaque contre l'hôpital al-Chifa. Nous avons vérifié nos systèmes et nous avons constaté qu'il s'agissait d'une roquette mal tirée appartenant à des organisations terroristes de la bande de Gaza", a déclaré le responsable. Il a réaffirmé qu'il existait "un passage défini pour sortir et entrer du côté est de l'hôpital".

L'armée confirme être ainsi déployée autour de l'hôpital, tout en permettant une sortie vers l'est, ouverte aux milliers de déplacés hébergés dans le bâtiment. Israël accuse régulièrement le Hamas d'utiliser des civils comme "boucliers humains", notamment dans des écoles et des établissements de santé. L'armée a ainsi prévenu qu'elle "tuerait" les combattants du Hamas "qui tirent à partir des hôpitaux" à Gaza. Israël cherche à "anéantir" le mouvement islamiste palestinien après l'attaque sans précédent perpétrée le 7 octobre. 

Une situation sanitaire dramatique

Depuis vendredi, de nombreux témoignages font état d'une intensification des combats autour de l'hôpital al-Chifa. L'établissement accueille, outre les patients, des milliers de réfugiés. Dans un communiqué, le directeur de l'hôpital, Mohammed Abou Salmiya, a assuré que celui-ci était "totalement encerclé" par les forces israéliennes et que des bombardements "se poursuivent dans ses environs".

"L'équipe médicale ne peut pas travailler et les corps, par dizaines, ne peuvent être transportés ni enterrés."

Mohammed Abou Salmiya, directeur de l'hôpital al-Chifa

dans un communiqué

"Le principal problème, c’est que nous avons plusieurs dizaines de cadavres dehors, devant notre service d'urgence. Depuis deux jours, nous ne pouvons pas les enterrer parce qu'il est trop dangereux de sortir de l'hôpital al-Chifa pour le faire", relate le chirurgien Marwan Abou Saada à franceinfo. Le ministère de la Santé du Hamas ne publie plus le bilan quotidien des morts depuis vendredi, affirmant ne plus pouvoir établir de contacts avec tous les hôpitaux et être incapable d'envoyer ses ambulances en raison de la violence des combats et des frappes.

Dans l'hôpital al-Chifa, il y a "650 patients, une quarantaine d'enfants en couveuse, tous menacés de mort, et 15 000 déplacés", d'après le vice-ministre Youssef Abou Rich. Depuis samedi, l'électricité est coupée dans le bâtiment et des dizaines de patients en soins intensifs et de bébés en couveuse sont en danger de mort, selon plusieurs ONG internationales. "Malheureusement, nous n'avons pas de carburant pour faire fonctionner notre générateur et nous n'avons donc pas d'électricité, confirme Marwan Abou Saada. Nous manquons aussi d’eau et de nourriture. Nous n'avons pas de lumière dans le bloc opératoire principal, donc nous opérons dans la salle de repos, qui est alimentée grâce à l’énergie solaire."

Le chef de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s'est alarmé tôt dimanche d'avoir "perdu le contact" avec ses interlocuteurs au sein de l'hôpital al-Chifa, selon lui objet d'"attaques répétées" depuis quelques jours. 

"L'OMS est gravement préoccupée par la sécurité du personnel de santé, des centaines de patients malades et blessés, y compris des bébés sous assistance respiratoire, et des personnes déplacées qui restent à l'intérieur de l'hôpital."

L'Organisation mondiale de la santé

dans un communiqué

De son côté, Médecins sans frontières (MSF) a réclamé dimanche "un cessez-le-feu ou au minimum une évacuation médicale des patients" des hôpitaux de Gaza-ville, qui pourraient devenir "une morgue". Samedi, MSF a annoncé que deux bébés prématurés étaient morts dans cet hôpital après l'arrêt des soins faute d'électricité. Les bébés "sont morts parce que leur incubateur ne fonctionnait plus", a témoigné Mohammed Obeid, chirurgien de MSF au service de néonatalogie. Selon ce médecin, une quarantaine de nouveau-nés sont hospitalisés, dont 17 en soins intensifs. L'armée israélienne a affirmé, dans une allocution diffusée sur X, qu'elle allait aider dimanche à l'évacuation de ces bébés prématurés en danger "vers un hôpital plus sûr".

Mais les secours palestiniens ont rapporté que d'autres établissements de Gaza-ville, qui manquent également de matériel, avaient aussi été touchés par les combats à proximité. "Nous demandons, au moins, d'avoir du fuel pour maintenir des activités. Un nombre considérable de blessés se trouvent actuellement à al-Chifa, plaide Marwan Abou Saada. On aimerait voir s'il est possible de transporter ces patients vers l'Egypte ou dans un autre hôpital pour qu'ils soient pris en charge. Mais le problème, c’est qu’aucun endroit ne peut accueillir autant de blessés." D'après le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), 20 des 36 hôpitaux de la bande de Gaza sont "hors service".

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