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Pétrole pas cher, est-ce vraiment fini ?

Investisseurs, sociétés pétrolières, économistes… Tous rêvent d’une remontée des cours du pétrole. Ce qui ne peut venir que d’une limitation de la production ou d’une envolée de la consommation. La seconde solution n’étant pas à l’ordre du jour, leur espoir de hausse ne peut venir que d’un accord politique entre producteurs. Ces derniers se retrouvent le 17 avril à Doha, capitale du Qatar.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Exploitation du pétrole («Les Echos»)

Les cours du pétrole se sont effondrés depuis la mi-2014, passant d'un sommet de 115 dollars à un plancher de 27 dollars le baril, L’effondrement des cours a une cause simple, selon l’Agence internationale de l’Energie, le monde produit plus qu'il ne consomme et cela n’est, semble-t-il, pas fini.
 
Le prix est remonté à 45 dollars en 2016
Les cours sont remontés récemment autour de 40 dollars (voir même 45 dollars) avec une baisse accélérée de la production américaine et dans la perspective d'une réunion entre producteurs membres ou non de l'Opep, le 17 avril à Doha, et qui pourrait déboucher sur un plan de gel de la production mondiale. 


Le scénario de la baisse est connu. Il tient autant à la baisse de la consommation, liée notamment au recul de la croissance chinoise, qu’à la décision de l’Arabie Saoudite de produire un maximum en s’appuyant sur ses réserves pour limiter la concurrence. Le résultat a été immédiat, les prix du brut se sont effondrés avec pour conséquences des crises budgétaires dans tous les pays producteurs et des retombées en cascade dans les pays consommateurs. Ces derniers, après une satisfaction temporaire devant ce gain de pouvoir d’achat, se sont mis à craindre pour les investissements – notamment dans le secteur pétrolier – et avoir des inquiétudes sur le retour de la déflation.

Aujourd'hui, les observateurs se divisent en deux camps, les pessimistes qui ne voient pas de remontées à court terme des cours du brut et les optimistes qui parient sur une hausse des prix.

Dans le camp des pessimistes, on trouve l’AIE (Agence internationale de l'Energie). Un accord sur le gel de la production pétrolière entre pays de l'Opep et hors Opep aura un impact limité sur l'offre mondiale et les marchés ne devraient pas retrouver leur équilibre avant 2017, estime en effet l'Agence. «Sachant que l'Arabie Saoudite et la Russie produisent déjà à des rythmes record ou presque et qu'il existe très peu de potentiel d'augmentation sinon en Iran, un accord  éventuel n'aura pas d'impact significatif sur l'équilibre entre l'offre et la demande mondiale au premier semestre 2016», ajoute l’organisation.

Côté «bonnes nouvelles», «il y a des signes que la baisse de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis s'accélère (elle aurait reculé de 6% depuis le début de l’année). Début avril, le nombre de puits (en fonctionnement) était retombé de près de 80% par rapport à son pic d'octobre 2014 et on voit apparaître de nouvelles preuves des difficultés financières auxquelles sont confrontés les pionniers (du gaz et du pétrole ) de schiste», note l’AIE. Toujours au rayon bonnes nouvelles, le retour de l'Iran sur le marché a été plus mesuré que certains ne l'attendaient après la levée des sanctions en janvier.


Alors pourquoi le prix du pétrole remonte-t-il ?
Ce qui fait le prix du pétrole? «La demande, l'offre, la géo-politique et la spéculation», résume froidement Marie Viennot sur France Culture. Il est vrai que pour les marchés toute nouvelle est bonne à prendre. Et le jeu sur les stocks, allié à la spéculation, peut faire varier fortement les cours, même si aucune information réelle ne modifie la donne. 

Justement, les stocks mondiaux sont au maximum (ce qui devrait faire baisser les prix), mais leur progression est plus faible (ce qui a fait monter les cours)... Mais au final, les énormes quantités de brut stockées ces derniers mois en prévision d'une remontée des cours vont peser sur le marché, analyse Spencer Dale, chef économiste de BP. Au mieux, l'abondance des stocks va rendre la remontée des prix très lente.

Philippe Crouzet, le patron de Vallourec, entreprise para-pétrolière, est lui dans l’optimisme : «Les prix bas reflètent un excès d'offres qui commence à se réduire. La production a commencé à baisser aux Etats-Unis et ce mouvement s'accentuera l'an prochain. Une remontée des prix est en cours et pourrait se manifester fin 2016 ou début 2017 (…), ensuite la production devrait repartir.» L’enjeu est important puisque seule une remontée des prix peut permettre une reprise des investissements dans le secteur. Or, si le secteur n’investit pas, le pétrole pourrait manquer, sachant que «la production des puits décline de 5 à 6 % par an», selon lui.

Russes et Saoudiens d'accord !
Du côté des marchés, on joue aussi la montée des cours. «Le marché baissier est derrière nous, a confirmé le patron du trader genevois Gunvor, Torbjörn Tornqvist. La question est quand, pas si, le rééquilibrage du marché va avoir lieu.» Même optimisme pour le dirigeant de la société russe Rosneft, Igor Setchin«Le marché va inévitablement devenir plus stable, mais cela prendra du temps», a-t-il affirmé. Selon lui, l'excès d'offre devrait se résorber dès la mi-2016, à cause du tarissement des investissements. 

Résultat: les marchés jouent la hausse. Un gros gestionnaire de fonds a décidé du coup de tout miser sur les valeurs pétrolières estimant que la chute des prix n’est pas liée à une surproduction mais à une guerre des prix. Et «une guerre des prix peut cesser brutalement, dès que son auteur principal le décidera», note un financier.

Réunis en Suisse le 11 avril, les négociants en matières premières prédisent un barril à 50 dollars d'ici l'an prochain, et même 80 dollars en 2017, rapporte Bloomberg. 

Les Russes et les Saoudiens seraient d'accord pour geler leur niveau de production. Dans ce contexte, la réunion de Doha pourrait être déterminante. «Si l’Arabie Saoudite accepte l’accord, ce sera un facteur important de soutien des prix», estime Francis Perrin, président de Stratégies et Politiques énergétiques, cité par Les Echos. Mais rien ne dit que la réunion débouche sur un accord capable de peser sur la production. Et dans ce cas les cours pourraient repartir à la baisse...

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