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Législatives aux Pays-Bas : la victoire de l'extrême droite "est un choc" mais "il va y avoir un cordon sanitaire pour éviter" son accession au pouvoir, selon Patrick Martin-Genier

Les sondages à la sortie des urnes suggèrent que le parti néerlandais d'extrême droite islamophobe de Geert Wilders a remporté les élections législatives mercredi.
Article rédigé par franceinfo
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Le leader du PVV, Geert Wilders, prononce un discours après l'annonce des premiers sondages de sortie des élections générales, le 22 novembre 2023. (JOHN THYS / AFP)

"C'est un véritable choc" et "une douche froide", a réagi mercredi 22 novembre sur franceinfo Patrick Martin-Genier, enseignant à Science Po et à l'Inalco, spécialiste de l’Europe, après la victoire annoncée de l'extrême droite aux élections législatives aux Pays-Bas. Le leader d'extrême droite Geert Wilders est donné vainqueur, selon les sondages de sortie des urnes. Mais pour Patrick Martin-Genier, il lui sera "difficile" de former un gouvernement. "Il va y avoir une sorte de ceinture autour de lui pour éviter qu'il arrive au pouvoir", analyse le spécialiste de l'Europe qui reste inquiet pour les élections européennes de juin 2024. "L'Europe est en train de se donner à l'extrême droite."

franceinfo : Quelles peuvent être les conséquences de la victoire de l'extrême droite aux élections législatives aux Pays-Bas ?

Patrick Martin-Genier : C'est un véritable choc aux Pays-Bas, dans un pays que Mark Rutte, un centriste-libéral, a gouverné pendant 13 ans. C'est une véritable douche froide parce qu'on pensait que l'extrême droite pourrait gagner des sièges, mais on le donnait à environ 27 ou 28 sièges. On attendait une progression, mais pas de cette façon extraordinaire. Il est à 35, voire 36 sièges. C'est un véritable choc de voir qu'aujourd'hui, ce pays se donne à l'extrême droite de cette façon, même si cela va être très difficile pour former un nouveau gouvernement.

Le leader d'extrême droite Geert Wilders n'est-il pas un novice en politique ?

Non. C'est quelqu'un qui a porté la thématique anti-migratoire. Il veut un arrêt de l'immigration. C'est quelqu'un qui veut fermer toutes les mosquées aux Pays-Bas. Donc il a un programme anti-islam. Et c'est quelqu'un qui surfe sur toutes les difficultés sociales et sur toutes les difficultés qui, selon lui, sont issues de l'immigration et qui suscitent un choc aux Pays-Bas. En jouant sur les peurs, c'est ce qui peut expliquer la progression de ce parti d'extrême droite.

Est-ce que Geert Wilders arrivera à former une coalition pour s'installer pour la première fois au pouvoir ou est-ce que cela s'annonce très compliqué ?

Pour moi, c'est carrément impossible. Le choc qui a été créé par cette victoire, c'est qu'il va y avoir une sorte de ceinture autour de lui pour éviter qu'il arrive au pouvoir. Ne serait-ce que parce qu'avec 35 sièges, il est dans l'impossibilité de former un gouvernement. Même si, par ailleurs, il va falloir que les autres partis puissent s'allier pour faire un gouvernement de coalition.

"Tout va être fait pour éviter que Geert Wilders arrive comme Premier ministre, ce qui serait un choc dans ce pays, mais ce qui serait un revers considérable également pour l'Union européenne."

Patrick Martin-Genier, enseignant à Science Po et à l'Inalco

à franceinfo

Quelles sont les autres solutions ? Une coalition des autres partis arrivés derrière ou de nouvelles élections ?

Il va falloir voir qui peut former un gouvernement de coalition. Frans Timmermans, l'ancien commissaire européen, à la tête d'une alliance verte gauche, ce sera difficile pour lui de s'allier avec les partisans de Mark Rutte, même si ce sont des partis démocratiques. Donc on va voir s'il y a la possibilité d'avoir, comme en Allemagne, une sorte de grande coalition. N'oublions pas le parti du Nouveau contrat social, qui est un parti qui n'existait pas il y a quelques années, qui a été créé et qui a obtenu une vingtaine de sièges.

Ce parti politique sera en quelque sorte faiseur de roi. Et on peut imaginer une grande coalition à l'allemande qui pourrait rassembler les modérés des différents partis politiques, des sociaux-démocrates jusqu'à ce parti du contrat social. Il ne faut pas oublier également qu'il y a environ douze autres partis politiques qui se répartissent environ une cinquantaine de sièges. Donc les jeux ne sont pas faits. Il va y avoir une sorte de cordon sanitaire qui sera mis pour éviter que l'extrême droite n'arrive au pouvoir.

Est-ce qu'il peut y avoir des conséquences pour l'Union européenne et pour les élections qui arrivent en 2024 ?

Bien sûr, c'est un choc également pour les Européennes. Je pense que l'extrême droite, aux Pays-Bas comme dans l'Europe, risque de progresser considérablement aux élections du mois de juin 2024. Geert Wilders est anti-européen. Donc cela peut avoir des conséquences sur tout ce qui est réglementation européenne en matière d'environnement, par exemple, en matière de protection sociale, en matière d'immigration avec le pacte asile immigration qui a été mis en avant au Parlement européen par Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne), sur lesquels les Etats sont en désaccord. Cela pourrait avoir également des conséquences sur l'aide à l'Ukraine. On voit bien que l'Europe, c'est triste à dire, est en train de se donner à l'extrême droite.

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