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Territoires palestiniens: 145 témoignages de soldats israéliens sur l'occupation

Le livre est choc. Il réunit les témoignages de soldats israéliens qui ont opéré dans les Territoires palestiniens occupés. Humiliations, intimidations, contrôles au quotidien… 145 récits sont regroupés dans ce «Livre noir de l’occupation israélienne».
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
«Livre noir de l’occupation israélienne», éditions Autrement. (Ed.Autrement)

Les témoignages ont été recueillis par les «briseurs de silence». Des Israéliens qui ont effectué leur période militaire dans les Territoires palestiniens occupés. «Ils ont choisi de dire tout haut ce que tout le monde sait mais ne pense que tout bas» sur la réalité de l’occupation, écrit le préfacier du livre, l’universitaire israélien Zeev Sternhell.
 
Breaking the silence a été fondé en 2004 par d'anciens soldats ayant servi dans l'armée israélienne depuis la seconde Intifada, en 2000. Le mouvement a pour objectif de révéler à l'opinion publique israélienne et internationale la réalité du quotidien dans les Territoires occupés et le lourd tribut payé par les populations palestiniennes, mais aussi par les soldats qui ont chaque jour pour mission de les «contrôler». Considérée comme l'unique porte-parole des voix des soldats, l'organisation est aujourd'hui bien connue en Israël, auprès de l'opinion et dans les médias.
 
Son fondateur, Yehuda Shaul, 30 ans, est né et a grandi à Jérusalem, dans une famille ultra-orthodoxe. Après avoir obtenu son diplôme de fin d'études secondaires dans le lycée talmudique d'une colonie juive de Cisjordanie, Yehuda Shaul a rejoint l'Armée de Défense d'Israël comme sergent et commandant dans le 50e bataillon de la Brigade Nahal entre 2001 et 2004. Il a participé à diverses opérations militaires en Cisjordanie pendant la deuxième Intifada, y compris l'Opération Rempart à Ramallah. Il a également servi pendant 14 mois à Hébron, la plus grande ville palestinienne du sud de la Cisjordanie (voir interview).
 
Pour Zeev Sternhell, sioniste partisan d’une solution pacifique avec les Palestiniens sur les bases d'avant 1967, les soldats de l’association Breaking the silence sont «l’honneur» de la société israélienne et «sonnent le tocsin» sur «l’occupation des Territoires conquis lors de la guerre des Six jours de juin 1967 (qui) constitue le plus grand désastre de l’histoire du sionnisme».


Au-delà de la brutalité des témoignages, le livre, qui oblige la société israélienne à se regarder, interroge le préfacier israélien : «Quel avenir voulons-nous pour notre pays et pour les générations furures, quelle existence nous attend si l’occupation se poursuit, si la colonisation se développe et réduit à néant les chances de la société israélienne de préserver les quelques vertus et valeurs d’antan ?»
 
Le livre reprend un rapport de Breaking the silence réalisé dix ans après le début de la seconde Intifada (2000-2010). Les histoires ne sont que rarement dramatiques. Mais elles témoignent d’un climat, d’une domination de tous les instants, du besoin de montrer la réalité d'une occupation aux Palestiniens : multiplication des contrôles, des checkpoints, des patrouilles... et souvent des vexations. «Il y avait un tas de mauvais traitements au checkpoint. C’était vers décembre ou janvier, un hiver dur. Il fait froid à Ramallah. Tu restes debout pendant douze heures, une balle dans la chambre de ton arme, tu as un casque sur la tête, un gilet pare-balles. Tu gèles à rester là et tu vois les Palestiniens qui arrivent dans leur voitures chauffées. On a inventé un jeu : la plupart des voitures palestiniennes étaient vieilles, le coffre ne s’ouvrait pas de l’intérieur, alors on leur disait de l’ouvrir pour qu’ils soient obligés de sortir dans le froid et la pluie», raconte un soldat en 2005.

Parfois, les violences peuvent être plus marquées. Après la mort d'un soldat, «on a brisé les ampoules de toutes les maisons où on est entrés, avec la crosse de nos fusils (...). J'ai enlevé toutes les limites à mes soldats sur le checkpoint. On faisait sortir les gens de leur voiture en les frappant avec le canon de nos armes...»

«Chaque Palestinien doit savoir qu'il a un soldat derrière lui», résume Yehuda Shaul qui met plus en cause la politique d'occupation que l'attitude individuelle des soldats d'une armée qui semble commandée et relativement respectueuse de règles.

«Le livre noir de l'occupation israélienne
Les soldats racontent»
Editions Autrement (394 pages, 22 euros)

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