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Au Caire, la «société terrasse» face à la crise du logement

Au bout d'un couloir sombre, un dédale de coursives et d'escaliers de fer à ciel ouvert. Dans les quartiers historiques du Caire, une ville surpeuplée, de véritable mondes parallèles se sont formés au sommet des immeubles.
Article rédigé par Valerie Kowal
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2min
Vue des toits des immeubles au Caire (janvier 2014). (AFP)

Un toit-terrasse surplombant la place Tahrir. C'est là que vit une communauté de Cairotes depuis quelques années. Dans la plus grande mégalopole d'Afrique, le problème du logement est criant. Pour la famille de Choukri Mahmoud, l'unique solution pour trouver un foyer est venue «d'en haut». «Je suis né ici, j'ai grandi ici, je me suis marié ici», explique-t-il.

Roman Stadnicki, responsable du pôle Ville et Développement durable du Caire analyse ainsi la situation : «Cette verticalisation de l'habitat est une réponse à la crise du logement et du désengagement de l'Etat». Et dans la capitale égyptienne, le logement «informel» s'est peu à peu imposé comme la nouvelle norme urbaine. La romancière Alaa al-Aswany décrit avec justesse dans son best-seller L'Immeuble Yacoubian cette «société de la terrasse». Elle évoque «des voix, des cris, des rires, l'odeur de l'eau chaude en train de bouillir, du thé, du café et des narguilés».

Sayyida, l'épouse de Choukir, n'envisage plus de déménager pour un logmement dit «normal». «Ici, nous nous connaissons tous, on se comprend, je ne pourrais pas m'habituer à de nouveaux voisins dans un quartier que je connais pas.» «Les seuls appartements bon marché se trouvent loin», à plus de 30 kilomètres du centre-ville du Caire où travaille Choukir.

Les villes construites dans le désert dans les années 60 pour faire face à l'explosion démographique n'ont pas attiré les habitants du Caire. C'est un échec, elles sont vides. La spéculation immobilière sauvage a conduit à un étrange paradoxe : alors que certains vivent sur les toits (ou dans les cimetières), 30 à 40% des logements de la capitale sont vacants. 

A quelques mètres de l'appartement de Choukri, se dresse une petite porte en bois avec butoir, cachée derrière les paraboles et les antennes du toit de l'immeuble. Derrière cette porte, l'appartement de deux frères de 60 ans, Gamad et Mahmoud. Ils vivent là depuis leur adolescence quand leur père, concièrge de l'immeuble, s'est vu attribuer une parcelle de la terrasse du toit. Gamad a aménagé les lieux tout seul : cloisons en contre-plaqué, quatre chambres, cuisine et petit salon. Les frères sont très attachés à leur appartement. «A chaque fois qu'il y a un nouveau propriétaire dans l'immeuble, il veut nous dégager, mais pour aller où?», explique Gamal. «Les gens que j'ai rencontrés ici et nos relations valent plus que tout l'argent du monde.»

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