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Le voyage au bout de l'enfer des enfants-soldats

Le nombre d'enfants enrôlés dans différents groupes armés et rébellions du monde serait compris entre 6.000 et 10.000, selon plusieurs estimations. Utiliser des enfants comme main d’œuvre s'avère très «pratique»: une fois conditionnés, ils sont dociles, efficaces, pas chers, sans limites et faciles à remplacer...
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Soudan du Sud, le 10 février 2015. Désarmement et démobilisation d'enfants-soldats sous l'égide de l'Unicef.


 (Samir Bol / Anadolu Agency)

Porteur, cuisinier, messager, combattant... autant de métiers dévolus aux enfants, filles et garçons, enrôlés de force dans les différentes armées rebelles (ou pas) du monde entier. «Petit plus» pour les filles, elles peuvent aussi devenir un «objet sexuel» pour le repos du guerrier.
 
Brutalement arrachés à leur famille, enrôlés de force ou recrutés avec des arguments mensongers, les enfants se retrouvent aux mains de personnes sans scrupules, ni états d’âme. «Les enfants enlevés sont ensuite utilisés comme soldats, boucliers humains, esclaves sexuels ou pour commettre des attentats suicide», selon Leila Zerrougui, représentante spéciale de l'ONU pour les enfants. De plus, un enfant passe facilement inaperçu pour rassembler des renseignements.

Mise en condition
Afin de casser toute velléité de résistance, de les maintenir dans un climat de terreur propre à une obéissance aveugle, et d’abolir leur discernement, on les oblige à tuer une personne de leurs mains. «Le troisième jour, on m’a donné un bâton et on m’a dit : "Tue cette femme ou tu es mort." J’ai frappé, il n’a fallu que cinq coups pour la tuer», raconte Orlando Moses dans la Libre BelgiqueParfois, ils se retrouvent même à devoir assassiner un membre de leur propre famille ou à le voir mourir sous leurs yeux.

Battus, maltraités, terrifiés, sous-nourris, sous l’effet de drogues ou d’alcool, ils sont comme anesthésiés par l’ampleur de leurs propres crimes et rongés de culpabilité. Ces enfants suivent alors leurs tourmenteurs et s’enfoncent dans la violence et les meurtres.
Et Orlando de poursuivre à propos du sort réservé à ceux qui auraient envie de fuir : «On leur attachait les mains et les pieds avant de les brûler vifs (...). Les rebelles nous disaient aussi qu’on serait tués par notre propre communauté si on retournait dans notre village.»

Au bout d’un moment, à tort ou à raison, ils ne se sentent plus la possibilité de revenir parmi les leurs. D’ailleurs, après quelques années de séparation, certains ne sont, en effet, plus les bienvenus dans leur communauté. Que le récit de leurs «exploits» ou leur réputation de sauvagerie, soient parvenus aux oreilles de proches ou qu’ils les aient tout simplement vus agir.

Un jeune qui est resté cinq ans avant de déserter avoue dans Voix d’Afrique : «Dans l’armée, on fait tout par peur. Je ne voulais pas faire ce que j’ai fait. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par peur. Au Congo, c’était le pire. J’ai vu trop de choses. Je suis très fatigué.»

Difficile réadaptation
Ces enfants armés sont pourtant d’une dangerosité extrême, imperméables à toute émotion. Galvanisés par l’alcool et les drogues, ils peuvent être extrêmement violents et inconscients de tous dangers. De nombreux pays d'Afrique sont concernés par le phénomène, mais pas seulement. Amérique du Sud et Asie ont aussi leur cortège de vies enfantines broyées.  

En Centrafrique, plus de 350 enfants viennent d'être libérés par des groupes armés en mai 2015. Les chefs de huit groupes armés s'étaient engagés la semaine précédente à en libérer plusieurs milliers et a arrêter d'en «recruter». Si des adultes pensent ces enfants irrécupérables, à l’inverse, de nombreuses associations se battent pour leur venir en aide et les sortir de l'enfer dans lequel ils sont enfermés. 

Pour certains, la réussite est au terme de plusieurs tentatives. Les enfants ayant du mal à se réadapter à une vie civile «normale», repartent découragés vers les milieux hostiles dont on veut les sortir et auxquels ils se sentent désormais appartenir. Plus le temps hors de la vie normale est long, plus difficile est la réadaptation. Maintenant, il faut admettre que certains enfants, ayant grandi pendant plusieurs années coupés de toute référence morale, ne sortiront jamais vivants de cette spirale de violence extrême.     

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