Le tourisme médical en plein essor un peu partout dans le monde
Les chiffres sont éloquents. Le secteur du tourisme médical, qui pesait déjà en 2015 quelque 60 milliards de dollars (56,2 milliards d’euros), devrait augmenter de 25% par an sur la prochaine décennie, selon une étude récente de Visa et Oxford Economics. Et entre 2007 et 2012, le nombre de malades voyageant à l’étranger pour recevoir des soins, serait passé de 7,5 millions à 16 millions.
«La demande grandit en partie à cause du vieillissement de la population, mais aussi à cause d'une classe moyenne (en augmentation) dans le monde entier, qui est, par internet, informée qu’on trouve des traitements ailleurs», explique Julie Munro, présidente de la Medical Travel Quality Alliance (MTQUA). Laquelle établit un classement des dix meilleurs hôpitaux pour voyageurs.
Le tourisme médical est loin d'être la chasse gardée de quelques pays ou de se limiter à des habitants de pays riches allant dans des pays moins chers. Il se pratique aussi bien en Turquie (ophtalmologie), en Espagne, Pologne, Hongrie (soins dentaires), qu’en Thaïlande (dents, chirurgie cardiaque, plastique…), Tunisie (chirurgie esthétique)… Il s’agit ainsi pour les malades voyageurs d’éviter de longues listes d'attente, d’accéder à des soins de meilleure qualité. Ou d’échapper à des traitements onéreux dans leurs propre pays.
A titre d’exemple, un pontage coronarien coûte en moyenne 102.000 euros aux Etats-Unis, 9000 en Inde et 6400 en Pologne. Une prothèse de hanche revient 42.400 euros aux Etats-Unis, 10.800 en Thaïlande, 5500 en Pologne. Il y a quelques mois, une clinique dentaire hongroise contactait des médias français pour vanter ses implants et autres prothèses, nettement moins chers que dans l’Hexagone… Où ces soins sont très mal remboursés.
Une offre plus que variée
L’activité «est vraiment mondiale. En Allemagne, nombre d'Allemands vont par exemple en Pologne ou en Croatie recevoir des soins dentaires moins chers. Mais il y a aussi beaucoup de Russes et d'habitants de la péninsule arabique venant en Allemagne car on y trouve des hôpitaux de qualité et des soins qu'ils n'ont pas dans leurs pays», observe Thomas Bömkes, directeur de l'agence de marketing Diversity Tourism, cité par l’AFP.
Le réseau de cliniques ophtalmologiques Worldeye (Dünyagöz), d’origine turque, mais présent également en Allemagne et bientôt aux Pays-Bas, affirme accueillir chaque année 50.000 patients étrangers de 107 pays. «Nous travaillons avec des agences (de voyage) et nous offrons des packages complets» avec accueil dès l'aéroport, indique Jacco Vroegop, directeur des cliniques d'Amsterdam et Francfort.
Soins dentaires, chirurgie esthétique, traitements cancéreux ou cardiaques, rééducation, examens préventifs… L'offre du tourisme médical est variée. Mais avant de se décider à partir, les patients vérifient si le pays d’accueil bénéficie d’installations médicales de qualité et de bonnes infrastructures. Et comme pour le reste de l’activité touristique, les conditions de sécurité jouent un rôle essentiel dans le choix des «clients» : les personnes souhaitant se faire soigner ailleurs que chez eux auront tendance à se détourner d’un pays en crise. Comme l’est la Turquie.
Aujourd’hui, de nouveaux Etats se lancent dans la course. Tel Dubaï, qui dit avoir accueilli, en 2015, près de 300.000 personnes venues dans l’émirat pour des soins. Dont 30% originaires de pays arabes.
Un pays comme le Portugal s’intéresse, lui aussi, à la manne des malades venus d’ailleurs. «Nous sommes encore en train de préparer notre stratégie», explique Joaquim Cunha , du Health Cluster Portugal. Cette stratégie repose d'abord sur «un parc moderne d'hôpitaux privés, car nous ne pensons pas que nous pouvons utiliser des hôpitaux publics à des fins de tourisme médical», souligne-t-il.
L’activité peut être un recours pour des nations pauvres. Ainsi, en Inde, plus de 80% des malades étrangers viennent d’Afrique, du Bangladesh, du Sri Lanka, d’Irak, d’Afghanistan, Etats ravagés par la guerre. «La grande majorité de ces étrangers vient à Delhi par nécessité. Parce qu’ils ne trouvent pas le traitement dont ils ont besoin chez eux», explique l’universitaire suisse Heidi Kaspar cité par La Tribune. En raison aussi de la qualité reconnue de la médecine indienne (comme l’illustre l’affaire Rocard en 2007). Ils représentent aujourd’hui «20% de l’activité des grands hôpitaux privés du pays». Lesquels s’intéressent désormais aussi aux «clients» occidentaux…
Et la France dans tout ça ?
L’Hexagone s’intéresse, lui aussi, aux malades étrangers. Des patients britanniques se font ainsi opérer à Calais. Et en 2015, l’institut Gustave-Roussy de lutte contre le cancer, mondialement connu, recevait quelque 1400 patients venus d’ailleurs (pour un total de plus de 47.500 malades). Mais d’une manière générale, l’Hexagone serait à la traîne en matière de tourisme des soins, alors même qu’il jouit d’une bonne réputation en matière médicale.
«Il y a encore pas mal de résistances au sein de nos hôpitaux», constate un cardiologue dans La Croix. Certains observateurs étrangers y voient «une certaine forme d’arrogance (de la part des) hôpitaux français qui sont tellement persuadés d’être les meilleurs qu’ils ne font guère d’effort pour accueillir» les patients étrangers. Pour autant, la réticence peut aussi s’expliquer par le fait que ces derniers sont parfois des mauvais payeurs : en 2015, l’Assistance Publique de Paris comptait «118 millions d’euros d’impayés de la part de clients solvables», révèle le quotidien catholique. Un an plus tôt, la privatisation d’un étage de l’hôpital public Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) par un émir du Golfe avait suscité quelques remous…
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.