Cet article date de plus de dix ans.

La presse turque ciblée par le pouvoir

La police turque a interpellé dimanche 24 personnes lors de perquisitions dans les locaux de médias, notamment la chaîne de télévision Samanyolu et le journal Zaman, considérés comme proches du dignitaire musulman Fethullah Gülen, grand rival du président Recep Tayyip Erdogan.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Ekrem Dumanli, directeur du journal Zaman, visé par un coup de filet ordonné par le président turc Erdogan © REUTERS/Murad Sezer)

Les perquisitions et les arrestations menées dans les locaux de médias turcs marquent une escalade dans l'offensive menée par le président Erdogan contre Fethullah Gülen, un ancien allié qui vit aux Etats-Unis et avec lequel il est en conflit ouvert  depuis plus d'un an. Dans un communiqué, le procureur général d'Istanbul, Hadi Salihoglu, a annoncé que des mandats  d'arrêt avaient été lancés contre 31 personnes accusées de vouloir mettre en place "un groupe terroriste ", ainsi que de faux et de diffamation. L'Union européenne a protesté contre cette vague d'arrestation qu'elle considère comme contraire aux valeurs européennes.

Ex-policiers et journalistes interpellés

La chaîne de télévision TRT Haber rapporte que deux anciens chefs de la police ont été arrêtés. Le président de la chaîne Samanyolu et un producteur de télévision sont au nombre des personnes interpellées. "On ne peut pas réduire la presse libre au silence ! " a scandé la foule dans les locaux stambouliotes du journal Zaman, alors que son directeur, Ekrem Dumanli,  s'adressait à elle avant que les policiers ne l'emmènent. Le personnel du journal, rassemblé sur les balcons de l'immeuble, l'a acclamé et applaudi. "Ceux qui ont commis de crimes peuvent avoir peur, nous pas ! ", a lancé Dumanli avant d'être poussé dans une voiture de la police.

"C'est un spectacle honteux pour la Turquie ", a déclaré à la presse le président du groupe de télé Samanyolu, Hidayet Karaca, lui aussi interpellé. "C'est triste, mais au XXIe siècle, voilà le traitement qu'ils réservent à un groupe de médias qui compte des dizaines de chaînes de télévision et de radio, de médias internet et de magazines ", a-t-il ajouté.

"Un coup d'Etat est en cours contre la démocratie "

   

S'exprimant sur ces perquisitions, le chef de file du principal parti d'opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, laïque),  Kemal Kilicdaroglu, a dénoncé "un gouvernement putschiste". "Un coup d'Etat est en cours contre la démocratie ", a-t-il dit. Mais pour le ministre de la Santé Mehmet Muezzinoglu, "ceux qui se sont mal conduits doivent payer ". Un compte Twitter bien informé faisait état il y a quelques jours d'une vague d'arrestation de 400 personnes liées à Gülen, dont 150 journalistes.

Fethullah Gülen est exilé depuis 1999 aux Etats-Unis. Il a estimé cette année que la répression menée par Recep Tayyip Erdogan était "dix fois pire " que celle qu'a connue la Turquie après le putsch militaire de 1980. Voici un an, des enquêtes pour corruption ont visé le premier cercle des collaborateurs d'Erdogan, alors Premier ministre. Pour ce dernier, ces enquêtes participaient d'un complot orchestré contre lui par une "structure parallèle " constituée de partisans de Gülen, nombreux dans la justice et la police.

Opposants pourchassés "jusque dans leurs tannières "

L'enquête avait entraîné la démission de trois ministres et poussé Erdogan à procéder à une reprise en main de l'appareil

d'Etat: des milliers de policiers et des centaines de juges et de procureurs ont été mutés. Vendredi dernier, le président a promis de pourchasser "jusque dans leurs tanières" les partisans de Gülen, qu'il présente comme des "terroristes " et des "traîtres ".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.