Journalistes détenus en Papouasie depuis un mois : "La situation a trop duré"
Cela fait un mois tout juste que les deux journalistes français Thomas Dandois et Valentine Bourrat ont été arrêtés lors d'un reportage sur des rebelles séparatistes de la province de Papouasie. Christophe Deloire est le secrétaire général de Reporters Sans Frontières. L'organisation est en contact régulier avec les deux journalistes. Il répond aux questions de France Info.
Où sont-ils ?
Ils sont toujours à Jayapura, la capitale de cette province de Papouasie, sur l'île de Nouvelle-Guinée, à des milliers de kilomètres de la capitale de l'Indonésie Jakarta. Ils sont retenus dans les locaux de l'immigration. Les conditions de détention sont naturellement désagréables mais elles pourraient être pires, ils sont bien traités, ils sont aux mains d'autorités d'immigration. Il n'y a donc pas d'inquiétude immédiate pour leurs vie. Néanmoins la longueur de la procédure est de nature à inquiéter leurs familles, leurs employeurs, leurs confrères.
Que faisaient-ils là-bas ?
Ils travaillent pour une société de production Memento , qui elle-même avait proposé à la chaîne Arte un reportage sur cette province dont on parle très peu. Ce sont deux journalistes expérimentés. Thomas Dandois a 40 ans, il a réalisé de nombreux reportages en Birmanie, en Somalie, dans des pays extrêmement difficiles. Il avait d'ailleurs été retenu un mois en détention inquiétante au Niger en 2007. Valentine Bourrat est une plus jeune journaliste, elle a 30 ans, mais elle a déjà effectué plusieurs reportages. Elle est la fille de Patrick Bourrat, qui avait été tué lors d'un reportage au Koweït en 2002.
L'un et l'autre sont partis là-bas pour enquêter sur ce mouvement rebelle, ce qui ne consiste absolument pas à promouvoir ce mouvement rebel. Je crois que c'est l'un des éléments de cette affaire. Au début il leur était reproché deux choses : une infraction aux lois sur l'immigration au motif qu'ils ne s'étaient pas procuré un visa de journaliste, il faut un visa spécial dans cette région. Et puis la police affirmait les suspecter de propagande anti-indonésienne. C'est une affirmation absolument erronée, faire du journalisme ce n'est pas faire la propagande d'un camp.
Des visas de journalistes sont très rarement délivrés par les autorités ?
Ca fait partie de ces régions de monde où les autorités font en sorte soit de choisir les journalistes, soit qu'ils soient accompagnés. Et lorsque des visas sont délivrés pour aller dans cette région de Papouasie, au compte-gouttes, avec des délais extrêmement longs, c'est généralement surveiller, les journalistes sur place sont assortis de garde du corps, et il n'est pas possible dans ces conditions-là d'enquêter. Donc il m'arrivait moi-même de me rendre dans certaines régions du monde, avec un visa de touriste, sinon il n'y a pas de journalisme possible.
Comment ont-ils été arrêtés ? Dans quelles conditons ?
Thomas Dandois a été arrêté le premier dans un hôtel. Ils étaient manifestement surveillés depuis leur arrivée. Valentine Bourrat a été arrêtée le lendemain. La question maintenant est de savoir : allons-nous vers un procès ou pas ? ce que nous réclamons depuis le début c'est une expulsion. Nous ne contestons pas, et les deux journalistes ne contestent pas avoir commis une infraction aux règles sur l'immigration.
Mais maintenant les motifs de leur séjour sur place sont clairs. Sans doute les autorités ont-elles eu quelques inquiétudes au début, elles se sont demandées si ils étaient journalistes. Mais là tous les éléments ont été fournis, les cartes de presse, la chaîne pour laquelle ils travaillent. Maintenant les choses sont claires, les délais sont dépassés, ils doivent être expulsés au plus vite, si possible avant un procès. Parce qu'un procès c'est évidemment toujours dangereux.
Que risquent-ils ?
Les peines maximales sont de cinq ans, mais on ne saurait imaginer qu'ils aient une telle peine. Les employeurs eux-mêmes ont fait beaucoup d'actes de bonne volonté. On s'est abstenus de faire campagne, on a fait confiance aux autorités indonésiennes. Maintenant il faut qu'ils soient expulsés. La situation a trop duré. Les autorités indonésiennes, devant ces gestes de bonne volonté, doivent prendre conscience que si elles entendent faire une exemple, ce qui serait regrettable, cet exemple pourrait se retourner contre elles car ce serait attirer l'attention sur la Papouasie. Le nouveau président d'Indonésie, qui va prendre ses fonctions, a affirmé lui-même qu'il n'y avait rien à cacher en Papouasie, et donc que la Papouasie devait être ouverte.
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