Le Japon ne s’interdit plus d’exporter des armes
La question des exportations d'armes est un sujet sensible dans l’ex-Empire du Soleil Levant. Dans un récent sondage publié par l’agence japonaise Kyodo, près de 67% des Japonais seraient opposés à la nouvelle politique gouvernementale d’abroger l’interdiction des exportations d’armes, contre 26% qui y seraient favorables.
Le Japon va désormais pouvoir exporter du matériel de «défense» – terme moins martial que «militaire» – en Indonésie, au Vietnam ou aux Philippines. Ces pays riverains de la mer de Chine méridionale s'inquiètent, comme le Japon, des ambitions maritimes grandissantes de la Chine. Tokyo pourrait ainsi leur vendre des navires d'occasion.
Selon les nouvelles règles, le pays s'interdit toutefois les exportations d'armes qui pourraient représenter une menace pour la paix et la sécurité mondiales. Par exemple, des chars et des avions de chasse ou des armes létales. Le gouvernement Abe a insisté sur le fait qu'il s'assurera que les armes vendues ne soient pas réexportées vers un pays tiers.
Le Japon produit notamment des munitions, des fusils d'assaut, des chars, des navires, des chasseurs-bombardiers F2, un hydravion quadri-moteur longue portée, l'US-2, qu'il essaye de vendre notamment en Inde.
En assouplissant sa législation sur les exportations d'armes, le Japon cherche à redresser le secteur japonais de l'armement pénalisé, entre 2003 et 2012, par une baisse régulière du budget de la Défense. Celui de Pékin a progressé de 175%, contre 10,7% pour Tokyo durant cette période.
«Virage à droite» de Shinzo Abe?
La Chine a déclaré qu'elle observait avec «grande attention» cet assouplissement des exportations d'armes, voyant dans cette décision un nouveau signe du «virage à droite» de la politique de Shinzo Abe. «Nous invitons les Japonais à tirer les leçons de l'histoire, à répondre sérieusement aux profondes inquiétudes des pays de la région en la matière (...) et à agir davantage au bénéfice du développement pacifique de la région», a ainsi déclaré Hong Lei, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Le ressentiment envers le militarisme nippon des années 1930 et 1940 reste profond en Chine et dans la péninsule coréenne. Toute décision de Tokyo pour devenir plus actif dans le domaine militaire risque ainsi d’accentuer la tension dans la région. En 1967, en pleine Guerre froide, le Japon avait adopté trois principes: la vente interdite aux pays communistes, à ceux impliqués dans des conflits internationaux et ceux sanctionnés par l’ONU. Ce qui dans les faits revenait à une interdiction totale d’exporter, de concevoir et produire des armes avec tout pays, hormis les Etats-Unis.
Crispations autour des îles Senkaku
Ces restrictions avaient été encore renforcées en 1976, sous le gouvernement de Tekeo Miki, aboutissant à une interdiction totale des ventes d'armes. Plus qu'une interdiction, cette décision représentait un interdit quasi moral pour le Japon, pays vaincu par les Etats-Unis en 1945. Les forces d'autodéfense japonaises, nom officiel de l'armée japonaise, est une armée strictement défensive, comme le prévoit sa Constitution d'après-guerre imposée par Washington et selon laquelle le pays renonce «à jamais à la guerre».
C'est justement cette Constitution que le Premier ministre conservateur Shinzo Abe entend réformer avec en ligne de mire son fameux article 9 qui empêche les forces nippones de se consacrer à autre chose que défendre le territoire national. La question de l'article 9 refait régulièrement surface dans le débat politique japonais, alors que les relations du Japon avec ses voisins immédiats, Chine et Corée du Sud, sont toujours profondément marquées par les contentieux non soldés de l'Histoire. Comme les îles Senkaku, revendiquées par ces pays depuis le début des années 70.
Avec cette nouvelle législation, le Japon devrait surtout collaborer avec son allié américain (notamment sur le bombardier furtif F-35) ou des pays d'Europe membres de l'OTAN. Par exemple sur des projets de conception d'armes ou de soutien logistique à des fins humanitaires et pacifiques lors de missions de maintien de paix de l'ONU.
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