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Conclave: un scandale de pédophilie rattrape un cardinal américain

Le cardinal américain à la retraite, Roger Mahony, a l'intention de se rendre à Rome en mars pour le conclave. Mais de nombreux catholiques s'opposent à sa participation en raison de son implication dans un scandale de pédophilie aux Etats-Unis.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Cardinal Roger Mahony, archevêque de Los Angeles de 1985 à 2011, est accusé d'avoir couvert des prêtres accusés d'abus sexuels. (ROBYN BECK - AFP )

La polémique enfle autour de la présence de l'ex-archevêque de Los Angeles à Rome. Roger Mahony fait partie des 117 cardinaux qui devront choisir le successeur de Benoît XVI. Mais sa participation à ce conclave papal est contestée par une association de catholiques américains, Catholics United (un Américain sur quatre se dit catholique). Une pétition en ligne avait reçu à la date du 18 février plus de 5.000 signatures.

«Cher Cardinal Mahony, restez à la maison. Votre implication dans le scandale de pédophilie de l’Eglise et votre interdiction d’exercer un ministère public par l’archevêché de Los Angeles devraient être pour vous une indication que vous ne devez pas assister au prochain conclave papal», réclame cette pétition.

Il compte bien se rendre à Rome
Le cardinal Mahony, 76 ans, est en effet accusé d'avoir couvert des cas de pédophilie présumés commis par une centaine d'hommes d'Eglise. Dans les années 80, le prélat avait fait en sorte d'envoyer les prêtres connus pour violences sexuelles sur enfants hors de l'Etat de Californie afin de les aider à échapper à la justice, selon des dossiers de l'Eglise rendus publics en janvier 2013 sur ordre de la justice américaine.


Bien que son successeur à Los Angeles, l'archevêque Jose Gomez, l'ait relevé de toutes ses fonctions «publiques et administratives», Roger Mahony a fait connaître son intention de se rendre à Rome.

«Si un cardinal est privé de ministère public dans son diocèse, pourquoi serait-il récompensé en étant autorisé à voter pour le prochain pape ?», interroge le texte qui accompagne la pétition. «Le cardinal Mahony aggraverait le scandale et la honte sur notre Eglise en assistant au conclave papal», est-il ajouté.

Des documents compromettants
L'archevêque Jose Gomez s'est dit, cependant, favorable à la participation du cardinal Mahony au conclave, selon un communiqué de Catholics United.

En 2007, l'archevêché de Los Angeles, alors dirigé par Mahony, avait accepté de verser 660 millions de dollars à 500 victimes présumées. L'accord prévoyait aussi la publication des dossiers personnels des prêtres accusés d'abus. Des documents compromettants publiés dans la presse montraient des échanges confidentiels entre Mgr Mahony et un haut conseiller, réfléchissant aux moyens d'empêcher des prêtres pédophiles de tomber aux mains de la police.

 Mgr Scicluna : il a «commis des erreurs» 
«La situation n'est pas simple pour lui. Il prendra sa décision en conscience de cause, mais je pense qu'il y participera», a déclaré de son côté l'ex-procureur anti-pédophilie du Vatican (entre 1995 et 2012), Charles Scicluna, dans un entretien au quotidien italien La Repubblica. Selon Mgr Scicluna, qui est désormais évêque auxiliaire de Malte, «il n'existait  auparavant aucune règle de conduite claire, surtout au niveau des diocèses. Comme tous les autres évêques, Mahony a cherché à comprendre, et dans certains cas il a commis des erreurs». Les évêques américains ont promis en 2002 une «tolérance zéro» pour les cas d'abus sexuels sur mineurs après une vague de dénonciations.

En réaction à la pétition, l'influent hebdomadaire italien Famiglia Cristiana (Famille chrétienne) a demandé à ses lecteurs si Roger Mahony, archevêque de Los Angeles de 1985 à 2011, devait participer au conclave chargé d'élire le prochain pape. Ils ont répondu «non» à une écrasante majorité.

Une vague de révélations
Benoît XVI a annoncé mi-février que sa renonciation serait effective le 28 du même mois. Les huit années de son pontificat ont notamment été marquées par le scandale des prêtres pédophiles. Une première série d'affaires a éclaté il y a plus d'une dizaine d'années, touchant particulièrement les Etats-Unis. Ce scandale a rebondi en 2010 avec une vague de révélations en Irlande, en Australie, aux Etats-Unis et dans l'Allemagne du pape, Joseph Ratzinger. Lors de sa visite à Londres, en 2010, le pape s'était explicitement excusé pour ces scandales.


«Nous ne sommes absolument pas optimistes», a estimé Sue Cox, membre de l'association britannique Survivors Europe, et elle-même victime d'un prêtre pédophile. «Ils voudraient que l'affaire soit close et essaieront d'étouffer le passé.» 

Plusieurs cardinaux élécteurs mis en cause
Outre Roger Mahony, d'autres cardinaux qui participeront au conclave seraient directement ou indirectement impliqués, selon des militants anti-pédophilie. Le cardinal belge, Godfried Danneels, 79 ans, a été mis en cause il y a trois ans après la saisie de documents informatiques à son domicile. Ceux-ci prouvent qu'il aurait aidé à cacher des centaines de cas de pédophilie. Le cardinal irlandais Sean Brady, 73 ans, chef de l'Eglise irlandaise pendant seize ans, avait présenté des excuses publiques en mai 2012 pour n'avoir pas référé à la police des exactions d'un prêtre pédophile de son diocèse commises dans les années 70.

Des associations de victimes, dont le Snap, demandent à l'Eglise de publier les noms des prêtres prédateurs sur internet et d'ordonner à tous les évêques de signaler systématiquement les cas d'abus à la police. Prises en main par de puissants cabinets d'avocats américains, ces affaires ont conduit huit diocèses américains à la faillite, en obtenant pour les victimes d'importants dommages et intérêts.

Le règlement à l'amiable des affaires de pédophilie a coûté plus de deux milliards à l'Eglise. Le Vatican a indiqué récemment qu'il continuait de recevoir près de 600 plaintes chaque année, pour des cas de pédophilie datant surtout des années 60, 70 et 80.
 

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