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Syrie: la troïka Russie, Iran, Turquie orchestre les pourparlers d'Astana

Venant couronner la reprise d'Alep par le régime de Bachar al-Assad et ses soutiens, les pourparlers de paix sous l'égide de Moscou, Ankara et Téhéran se sont ouverts à Astana avec un premier blocage de forme: le refus des délégués de l'opposition de discuter directement avec les représentants de Damas. Prévue pour deux jours, la rencontre doit permettre, «a minima», de consolider le cessez-le-feu
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
L'émissaire spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, à son arrivée à l'hôtel Rixos pour l'ouverture des pourparlers entre le régime d'Assad et la rébellion, le 27 janvier 2017, au Kazakhstan. (Kirill KUDRYAVTSEV/AFP)

C'est sous le triple parrainage de la Russie et l’Iran, principaux soutiens du régime de Bachar al-Assad? et de la Turquie, au titre d’associé de Moscou et mentor d’une partie de la rébellion syrienne, que s’ouvrent les pourparlers d’Astana sur la Syrie.
 
La capitale Kazakhe abrite à partir du 23 janvier 2017 une rencontre qui devait être d'un genre nouveau comparé aux précédentes négociations dites «indirectes» de Genève.
 
Les pourparlers entre le représentants du régime et les combattants de la rébellion devaient se dérouler pour la première fois en direct et face à face. Une procédure annulée en dernière minute par les rebelles, pour cette première session, en raison du non respect du cessez-le-feu.

Le médiateur de l'ONU participe à la rencontre
Les précédentes négociations s'étaient déroulées par le truchement des navettes d’un salon à l’autre, de Staffan de Mistura, le médiateur de l’ONU pour la Syrie.

Ce dernier, qui devait se faire représenter par son adjoint, a annoncé finalement sa participation personnelle à la rencontre, à la demande du nouveau secrétaire général de l’ONU. C’est «à la lumière de la complexité et de l’importance des problèmes susceptibles d’être abordés à Astana» qu’Antonio Gutteres a pris sa décision, a indiqué son porte-parole.
 
Marginalisés avec la reprise d’Alep par l’armée syrienne, soutenue par les milices chiites pro-iraniennes et l’aviation russe, Washington et Paris seront présents comme observateurs à Astana sans trop pouvoir peser sur le cours des discussions.

Objectif commun pour intérêts différents 
En revanche, les organisateurs se sont fixés des objectifs communs, chacun selon ses intérêts stratégiques, sans qu’ils s’agissent des mêmes pour autant.
 
Cheville ouvrière de la rencontre, la Russie a besoin d’un succès diplomatique pour conforter sa position de maître du jeu en Syrie et redorer son blason, terni par le soutien qu’elle apporte à la stratégie meurtrière du régime.
 
Conscient toutefois de la difficulté à tenir un tel pari, le chef de la diplomatie de Vladimir Poutine a fixé un plus petit dénominateur commun. «D’abord, évidemment, consolider le régime de cessez-le-feu», a déclaré Sergueï Lavrov, et «initier la participation des chefs de combattants sur le terrain au processus politique», tout en continuant d’exclure les djihadistes de Daech et d’al-Qaïda.
 
De son côté, l’Iran, tuteur politique et militaire du régime syrien, entend défendre à Astana son rôle de «première puissance régionale» comme la République islamique s’est autoproclamée après la prise d’Alep. Il cherche avant tout à maintenir le clan alaouite au pouvoir pour éviter que celui ci ne tombe aux mains des combattants sunnites et par ricochet dans la sébile du Royaume saoudien.

Occasion pour un premier contact entre Poutine et l'administration Trump 
Pour rappeler son influence, Téhéran a bien essayé de s’opposer à l’invitation des Etats-Unis à Astana, mais en vain. Vladimir Poutine a besoin de la présence américaine pour une première prise de contact avec la nouvelle administration Trump.
 
Quant à la Turquie, co-parrain de la trêve instaurée après la chute d’Alep et influente sur une partie des combattants rebelles, elle a radicalement changé de stratégie. Donnant la priorité à empêcher tout acquis kurde le long de sa frontière, elle s’est alignée sur son partenaire moscovite.
 
Favorable dès le début de la crise au départ de Bachar al-Assad, Ankara estime désormais que «la situation sur le terrain a changé de façon spectaculaire et la Turquie ne peut plus insister sur un règlement sans Assad. Ce n’est pas réaliste», a déclaré le vice-Premier ministre turc, Mehmet Simsek, au Forum économique de Davos.
 
Pour l’opposant Saleh Hamwi, proche d’al-Qaïda et cité par le journal du Hezbollah Al Manar, «la Turquie veut donner l’impression qu’elle respectera son engagement avec la Russie, malgré le fait qu’elle est entièrement consciente que la rencontre va se solder par un échec.»
 
Bachar al-Assad exclut toute solution sans lui
Même si son avenir semble désormais entre les mains des trois dirigeants russe, iranien et turc, le principal concerné par ces pourparlers, lui, n’a toujours pas dit son dernier mot. Dans un entretien avec une chaîne japonaise Bachar al-Assad a espéré que les négociations au Kazakhstan permettront de conclure des accords de «réconciliation» locaux avec les groupes rebelles qui accepteraient de déposer les armes en échange d’une amnistie.
 
Une manière de rappeler à ses alliés, et ralliés, qu’il est toujours aux manettes et qu’aucune solution ne pourra intervenir sans lui.

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