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L’opération séduction du président Rohani, un parfum de déjà vu avec Khatami

Au moment même où le président «modéré» iranien Hassan Rohani mène à Rome et à Paris son opération séduction des investisseurs étrangers, à Téhéran les «durs» préparent l’après. Si la présidence Rohani rappelle celle du réformateur Khatami, favorable en son temps au dialogue des civilisations, elle remet également en mémoire les années Ahmadinejad artisan du durcissement du régime qui a suivi.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des centaines d'opposants des moudjahidines du peuple iranien et activistes des droits de l'Homme ont manifesté le 27 janvier 2016, place de la République à Paris, contre la visite du président Rohani et les 2000 exécutions menées au cours de son mandat.  (CITIZENSIDE / GEORGES DARMON / CITIZENSIDE.COM / AFP)

Six mois après l’accord avec les Occidentaux sur son programme nucléaire contesté, l’Iran bat le fer tant qu’il est chaud. Misant sur la levée des sanctions internationales, le président Rohani a effectué une tournée en Italie et en France pour conforter l’ouverture et inviter les investisseurs étrangers à reprendre pied dans son pays.
 
l'Iran est le pays le plus sûr et stable de la région, selon Rohani
 «L’Iran est le pays le plus sûr, le plus stable de toute la région», a-t-il lancé à des dizaines de patrons italiens pour les inciter à investir davantage. Une allusion sans doute au chaos qui règne dans les pays arabes voisins, auquel Téhéran n’est pas étranger.
 
Pour cette opération de séduction extérieure, le président Rohani est présenté comme la figure de proue d’un Iran modéré. Il a en effet été élu le 14 juin 2013 avec 50,7% des voix grâce au soutien des réformateurs dont celui de son lointain prédécesseur Mohammad Khatami.

Khatami faisait lui aussi figure de président modéré 
Elu le 23 mai 1997 avec 70% des voix dont une majorité de femmes et de jeunes, ce dernier faisait lui aussi à l’époque figure d’homme de l’ouverture. Il sera même réélu en juin 2001 sans parvenir, au terme de ce deuxième mandat, à réaliser les réformes promises à son électorat.
 
Pourtant, tout comme Rohani, il avait effectué en mars 1999 la première visite d’un président iranien au Vatican et une rencontre historique avec le pape Jean Paul II.
 
En octobre de la même année il était invité en France et reçu par Jacques Chirac pour le goûter, en raison du refus iranien, le même que pour Rohani, de voir du vin servi à table pour le déjeuner.
 
L’euphorie du «dialogue des civilisations», credo du président Khatami, sera toutefois de courte durée. Grâce aux directives du Guide suprême, Ali Khamenei, c’est Mahmoud Ahmadinejad, ancien officier de l’unité d’élite Al Qods des Gardiens de la révolution, qui prendra le relais en 2005 avec 61,6% des votes.

Avec Mahmoud Ahmadinejad, recul des libertés et isolement de l'Iran
A l’actif de ce «plus fervent adepte du Guide», opposé aux réformes de Khatami et aux négociations sur le nucléaire, le durcissement du régime: recul des libertés individuelles, retour aux idéaux islamiques, prééminence des Gardiens de la révolution, des Bassidjs et des religieux.
 
Mais surtout isolement de l’Iran par la multiplication des déclarations révisionnistes sur la Shoah, les annonces «de future disparition d'Israël» et l’accélération du programme nucléaire.

Sa réélection en juin 2009, avec la bénédiction du guide, entraînera un mouvement de contestation sans précédent dans la République Islamique.
 
Le mouvement dit «vert» sera rapidement et sévèrement réprimé et toute velléité réformatrice enterrée jusqu’à l’accession, il y a deux ans, de Hassan Rohani à la présidence.
 
Une alternance entre durs et modérés orchestrée par le Guide suprême
Une alternance à l’iranienne, orchestrée par le Guide, entre conservateurs et réformateurs qui semble se poursuivre à l’approche des prochaines élections du 26 février 2016.

Une alternance entre «modérés», le président Hassan Rohani et l'ancien président Akbar Hashemi Rafsandjani, et conservateurs, orchestrée par le Guide suprême Ali Khamenei, ici lors d'une rencontre avec l'Assemblée des experts à Téhéran le 3 septembre 2015. (AFP PHOTO / HO / KHAMENEI.IR)

Même s’il n’a pas tenu ses promesses de faire libérer les prisonniers politiques et de démuseler la presse, et que son pays reste «celui qui exécute le plus de mineurs dans le monde» selon Amesty international, le président Rohani continue de bénéficier de l’image du «modéré» contre lequel les conservateurs déjà mobilisés.
 
Arborant le même sourire engageant que Mohammad Khatami lors de sa tournée européenne, l’actuel président iranien pourrait voir ce sourire s’estomper en rentrant au pays.

Un camouflet conservateur au président Rohani en son absence 
Pendant son absence, ses détracteurs ont semé des chausse-trappes en prévision du double scrutin à venir.
 
Le Conseil des gardiens qui supervise les élections et la législation a invalidé 80% des candidatures à l’Assemblée des experts, le collège chargé de l’élection du Guide suprême, au profit des conservateurs.
 
Un camouflet au président Rohani, qui intervient une semaine après la disqualification de 7.000 candidatures aux élections législatives sur 12.000, dont la quasi-totalité des réformateurs et modérés.

Le petit-fils de Khomeiny privé d'élections 
Parmi les recalés, Hassan Khomeiny, 43 ans, petit fils du fondateur de la République Islamique et allié informel de Rohani et de l’ancien président Rafsandjani, autre figure modérée du pays.
 
Le président a déjà critiqué ces invalidations et indiqué qu’il «userait de tous ses pouvoirs pour protéger les droits de ses candidats». Mais le président du Conseil des gardiens, Ahmad Jannati, qui a le soutien du Guide, a prévenu que l’entité qu’il dirige ne serait «touchée par aucune pression. Seuls ceux qui croient à la République islamique et ses valeurs doivent être autorisés à siéger au parlement». 

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