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Accord nucléaire iranien: «L'embargo sur le dollar devrait être aboli»
Au lendemain de la levée des sanctions financières contre l'Iran dans le cadre de l'accord sur le nucléaire, Téhéran accuse les Etats-Unis de jouer un double jeu. Car il est interdit aux banques étrangères d'utiliser le dollar dans leurs transactions avec l'Iran. La critique iranienne est-elle fondée? Le spécialiste de l'Iran Thierry Coville, chercheur à l’IRIS et professeur à Novancia, répond.
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Oui et non. Cet embargo sur le dollar concernant l'Iran a été mis en place par le gouvernement américain en 2007-2008. Les Etats-Unis à l’époque, et on ne l’a peut-être pas assez compris, essayaient de trouver de nouvelles armes contre l’Iran. Les Américains constatent que l’affrontement armé est une catastrophe: ils sont englués dans une guerre civile en Irak. Les Etats-Unis vont alors faire appel à un arsenal législatif mis en place après le 11-Septembre qui porte sur l’utilisation de sanctions financières.
A travers cet arsenal, les Américains commencent ainsi à mettre sous pression les banques du monde entier en leur disant qu’elles n’ont pas le droit de traiter avec l’Iran, notamment en dollar parce que c’est la monnaie des Etats-Unis. Dans le cas contraire, l’accès au marché américain leur serait interdit. Avant cet embargo sur le dollar, les banques utilisaient la devise américaine pour leurs transactions avec l’Iran et il y avait ensuite des opérations de compensation.
L’accord de juillet 2015 prévoit la levée des sanctions financières prises par l’Europe et les Etats-Unis. Mais cet embargo sur le dollar n’en faisait pas partie, parce lié à un affrontement plus global avec l’Iran. Légalement, rien n’oblige les Américains à mettre fin à ce dispositif. Mais dans l’esprit, puisque c’est une manière de faire pression sur Téhéran, il devrait être aboli. Dans cette optique, l'ayatollah Khamenei n’a pas tort. Si les Américains respectaient l'esprit de cet accord, ils lèveraient cet embargo. D’ailleurs, à l’intérieur du gouvernement américain, on commence à dire qu’on est prêt à le faire. Ce à quoi les républicains au Congrès sont farouchement opposés.
Les déclarations de Kerry pour rassurer et Téhéran et les banques étrangères s'apparentent donc à un simple exercice diplomatique?
Non, ces déclarations sont bienvenues car il y a un problème de confiance. Les banques européennes paniquent maintenant dès que le mot Iran apparaît dans une ligne de compte parce qu’elles craignent des représailles américaines. Les Etats-Unis ont, par exemple, pris des sanctions contre l’Iran au motif qu’il ne respectait pas les lois anti-blanchiment. Une banque européenne qui travaille avec un établissement financier iranien peut légitimement craindre d’être épinglée à ce sujet par les autorités américaines. C’est bien que John Kerry se montre rassurant quand il dit aux établissements bancaires européens: «Vous pouvez travailler avec les banques iraniennes, il ne vous arrivera rien !» Cependant, cela prendra un peu de avant qu'ils ne se sentent en confiance.
D’autant que l’Iran fait encore l’objet d’autres sanctions imposées par Washington pour soutien au terrorisme et violations des droits de l'Homme…
Effectivement, il y a un certain nombre de personnalités et d’institutions iraniennes qui sont sur les listes américaines pour ces motifs. Du coup, si une banque se retrouve en bout de course à traiter avec ces institutions, elle peut être attaquée par les Américains. En même temps, il incombe aux banques de s’assurer que leurs partenaires n’ont rien à se reprocher. Mais, à leur décharge, la transparence n’est pas toujours de mise en Iran. Les banques et les entreprises se doivent d'être vigilantes.
La Banque mondiale serait aussi frileuse à s’investir dans des projets en Iran, entre autres, pour ne pas froisser les Etats-Unis qui sont le principal contributeur de l’institution financière…
Ce n’est pas nouveau et c’est un peu logique. Les Américains et les Européens ont un rôle déterminant dans le fonctionnement de la Banque mondiale. L’institution avait commencé à s’engager dans des projets iraniens en 2000 et elle a arrêté, notamment sous la pression américaine. Nous entrons dans une nouvelle phase. Il faut laisser le temps faire son œuvre.
Selon vous, les Iraniens sont trop pressés parce que la situation finira par s'arranger?
Il faut prendre en compte le contexte politique en Iran où Khamenei et les durs ont intérêt, pour affaiblir le président Rohani, à montrer que l’accord a du plomb dans l’aile et que les Américains sont des «grands méchants». Les conservateurs ne veulent absolument pas qu'il récupère les bénéfices de cet accord. Aux Etats-Unis, les républicains se livrent au même jeu. Donald Trump (candidat à l’investiture républicaine pour la présidence, NDLR) a déclaré que l’Iran était «méchant». Les gouvernements d’Obama et de Rohani sont un peu coincés par leur opposition. Il y a des choses qu'il est désormais possible de faire en Iran mais des gens ont intérêt à noircir le tableau.
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