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Journée de la femme 2013: trop d'Indiennes manquent à l'appel

En Inde, pays de contraste, certaines femmes arrivent au sommet de l’Etat, alors même que d’autres sont éliminées avant leur naissance. Dans le domaine de la condition féminine, le sous-continent a des progrès à faire. Explications.
Article rédigé par Florencia Valdés Andino
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Rassemblement de femmes à Madras, en Inde, le 3 mars 2013. Les manifestants protestent contre les attaques à l'acide envers les femmes et demandent des aides médicale et juridique pour ces dernières. (The Times of India/ S L Shanth Kumar)

Malgré la croissance et le développement économique de l'Inde, les mentalités ne changent pas au rythme effréné des constructions de buildings. De nombreuses familles voient dans la naissance d’une fille une véritable contrainte. 

Un million de filles disparaissent des registres tous les ans faute d'être « rentables ». Parmi elles, une moitié est tuée in utéro même si le diagnostic prénatal est interdit, et si l’IVG basé sur le sexe est illégal depuis 1996. Les autres 500.000 ne survivent pas à leur première année : elles sont tuées ou délaissées jusqu’à ce que mort s’en suive.

Ce sont surtout les familles hindoues, riches et éduquées qui font le choix de se débarrasser de leurs filles. Ces familles privilégient les garçons, symboles d’une future réussite. Chez les familles les plus pauvres, avoir une progéniture féminine représente un lourd poids économique.  Ce qui peut les pousser à s’en débarrasser pour échapper à la dot, interdite néanmoins depuis 1961. Les garçons, eux, sont considérés comme des soutiens financiers pour les vieux jours.

Selon une étude du Centre du marché et de l’organisation publics de l’Université de Bristol, les Indiens seront plus nombreux que les Indiennes dans quelques années.

En 2011, le nombre de fœticides féminins a atteint un record

Russia Today, avril 2011.

Le Pendjab, champion des fœticides
Cette province du nord de l’Inde bat tous les records en matière de disparition de filles. La disproportion entre les deux sexes à la naissance y est le plus important de tout le pays. De nombreux fonctionnaires de l’Etat, comme des sages-femmes ou des médecins, contribuent au phénomène. Pour très peu d’argent, ces professionnels de la santé peuvent pratiquer un avortement avec des techniques qui se sont beaucoup simplifiées.

Les autorités locales ont pris le problème à-bras-le-corps. Leurs politiques ont porté leurs fruits dès 2009, année où la population féminine a fait un bond. Le gouvernement du Pendjab ne lâche pas prise. Depuis 2011, il accorde une bourse aux journalistes ou aux ONG qui parlent du sujet et il a décrété la gratuité de l’école pour les filles dans les établissements publics ou semi-publics.

Il existe une rupture entre le nord et le sud
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Des allocations pour les sauver
Dès 2008, le gouvernement fédéral indien a essayé de mettre fin à ces pratiques en proposant une allocation, dans sept Etats différents dont le Pendjab, aux familles qui garderaient et élèveraient leurs filles. Ces dernières, arrivées à l’âge de 18 ans, reçoivent 1630 euros si elles continuent leurs études et si elles ne sont pas mariées. Les femmes qui ont recours à la stérilisation reçoivent également des primes, mais la plupart ne se fait pas stériliser tant qu’elle n’a pas eu un garçon.

Ces campagnes n’ont pas le succès escompté, même si elles font progresser les choses. La plupart des familles qui ont recours à l’avortement sélectif appartiennent aux classes privilégiées qui n’ont pas besoin de l’aide de l’Etat. C’est là où les brigades anti-foeticide entrent en scène. Des membres de la Croix-Rouge et de la société civile vont à la rencontre des futures mères dans les villages reculés et les fêtes de mariage. Ils font appel à la superstition pour les faire jurer qu’elles n’avorteront pas si elles portent une fille.

Une campagne choc pour lutter contre ce fléau

Strawberry Frogg, en collaboration avec l'ONG Project Nanhi Kali, avril 2012.

La pénurie de femmes engendre la violence
Quand celles-ci survivent et grandissent, leur pari n’est pas encore gagné. La pénurie de femmes, 933 pour 1.000 hommes dans tout le pays, fait augmenter les violences à leur encontre comme les viols et les enlèvements. Les mœurs commencent même à changer à cause de ce manque de femmes.

A cela s’ajoute l'insatisfaction des jeunes hommes devant épouser une fiancée, parfois, de castes inférieures. Dans ce climat de frustration, difficile pour une jeune fille de se promener dans la rue ou de prendre des transports en commun où elles sont constamment victimes d’attouchements. La création de wagons dans les trains destinés exclusivement à la gent féminine en atteste.

Les puissantes de l'Inde
S’il est difficile pour une femme d’évoluer dans cette atmosphère de tensions, il lui est encore plus dur d’accéder aux postes de responsabilité. Les exceptions à la règle sont pourtant légion. A commencer par Pratibha Patil, première femme à occuper la plus haute fonction de l'Inde, dont le mandat vient de s’achever. Elle a emboîté le pas d'une grande femme politique du pays, Indira Gandhi, Première ministre pendant treize ans. Autre exemple, la présidente du Parti du Congrès de l’Inde, Sonia Gandhi.  C’est la plus connue parmi ces dames au pouvoir et la septième femme la plus puissante au monde d'après le magazine Forbes.

Des quotas prévus dans la Constitution de 1993 permettent à de nombreuses femmes de devenir chef de village

 The VJMovement, janvier 2011.

Sunita Choudhary, défenseure des droits, politique et seule chauffeure de rickshaws, montre la voie à tous ceux qui veulent réussir en étant issue des couches modestes de la société. Depuis 1993, plus d’un million de femmes sont devenues chef de village grâce à un amendement dans la Constitution. Dans la Kerala matriarcal, elles sont hautement respectées.  Des milliers de femmes, de plus en plus éduquées, se battent dans les milieux universitaires, politiques, intellectuels et des affaires pour donner à leurs sœurs la place qu’elles méritent dans la société.

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