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Huit milliards d'êtres humains sur Terre : pourquoi la population mondiale devrait stagner avant la fin du siècle

Selon les Nations unies, la planète devrait compter environ 9,7 milliards d'habitants en 2050 avant d'atteindre un pic à 10,4 milliards vers 2080. La population mondiale pourrait ensuite commencer à stagner jusqu'à l'horizon 2100, avant de décroître. 

Article rédigé par franceinfo
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La foule sur un marché dans un quartier de New Delhi, en Inde, le 22 octobre 2022. (SAJJAD HUSSAIN / AFP)

En un peu plus de 70 ans, la population mondiale a été multipliée par plus de trois. Si nous étions 2,5 milliards en 1950, nous franchissons, mardi 15 novembre, la barre des 8 milliards d'êtres humains. Un seuil symbolique déterminé par une projection de l'ONU dévoilée mi-juillet à l'occasion de la Journée mondiale de la population. De quoi donner un certain vertige. Car, selon les estimations des Nations unies, la Terre devrait compter environ 9,7 milliards d'habitants en 2050 et autour de 10,4 milliards vers 2080.

Et ensuite ? Les spécialistes anticipent une pause jusqu'à l'horizon 2100, date à laquelle les démographes tablent même sur une stagnation, voire le début d'une inflexion de la courbe. Mais comment expliquer ce plafond quand, mathématiquement au moins, on pourrait imaginer une croissance infinie de la population mondiale ? 

Le nombre d'enfants par femme diminue

Pour Gilles Pison, chercheur à l'Institut national d'études démographiques (Ined), le fait que la population mondiale atteigne un pic vers la fin du siècle, avant de potentiellement stagner, résulte de tendances déjà bien connues des spécialistes. "Le démographe ne sait pas prédire les catastrophes ou les changement brutaux. Donc il prolonge les tendances d'aujourd'hui, explique-t-il. Et l'on observe que la croissance démographique se poursuit, mais à un rythme qui décélère depuis 60 ans déjà." 

En démographie, la fécondité correspond au nombre moyen d'enfants par femme en âge de procréer. Or, ce taux est en baisse partout dans le monde, explique-t-il. "C'est un mouvement qui ne date pas d'hier." 

"La limitation volontaire du nombre d'enfants est apparue il y a deux siècles déjà, d'abord en Europe et en Amérique du Nord, avant de se diffuser ensuite sur tous les continents."

Gilles Pison, démographe

à franceinfo

Aujourd'hui, les Européennes et Nord-Américaines ont en moyenne 1,5 enfant chacune, contre 1,9 en Asie et 1,8 en Amérique latine. "En Afrique, si on compte un peu plus de quatre enfants par femme, en moyenne, la fécondité y est en baisse également, poursuit-il. La limitation volontaire des naissances devrait s'y généraliser à terme, comme ailleurs", note-t-il, relevant toutefois une baisse qui "s'effectue à un rythme plus long que ce qui a été observé en Amérique latine ou en Asie il y a une quarantaine d'années."

Alors qu'une chute nette de la fécondité est constatée dans plusieurs pays développés, l'augmentation de la population attendue dans les prochaines décennies sera, selon l'ONU, concentrée pour plus de la moitié dans huit pays, cinq africains et trois asiatiques : la République démocratique du Congo, l'Egypte, l'Ethiopie, le Nigeria, la Tanzanie, le Pakistan, l'Inde et les Philippines. 

"Il y a désormais des forces internes propres à chaque région du monde qui limitent la reproduction", expliquait le démographe Christophe Z Guilmoto, chercheur de l'Institut de recherche pour le développement basé au Centre de sciences humaines à New Delhi (Inde), dans une interview accordée en juillet au JDD. Quoi qu'il en soit, "les femmes tendent à avoir au maximum deux enfants dans de nombreux pays. On est loin de la croissance infinie dont on s'inquiétait dans les années 1960."

La baisse de la mortalité liée à de lents progrès

Avec la baisse de la fécondité, les démographes prennent en compte l'allongement moyen de la durée de vie, lié à la baisse de la mortalité. Ces deux facteurs constituent "la transition démographique". Et là aussi, "tous les pays du monde l'ont connue ou la connaissent", souligne Gilles Pison, à commencer par les Européens et les Nord-Américains. En Asie et en Amérique latine, la transition démographique a été amorcée plus tard, mais elle s'est produite plus rapidement, assure-t-il. "Ces continents ont profité des progrès en matière d'hygiène, ainsi que de la médecine", poursuit le démographe. 

Enfin, en Afrique, dernier continent a avoir amorcé ces évolutions, "la mortalité a beaucoup baissé – même si c'est encore là qu'elle est la plus élevée – mais les évolutions ont été rapides". A l'échelle mondiale, "l'espérance de vie globale moyenne a augmenté, passant de 64,8 ans au début des années 1990 à 70 ans aujourd'hui", relevait l'ONU en publiant ses chiffres cet été.

Faut-il y voir un plafond atteint ? En 2008, le démographe avait publié sur Slate un article à ce sujet : si le taux de mortalité infantile et maternelle, déjà faible, peut encore sensiblement baisser, il "n'a pratiquement plus d'effet sur l'espérance de vie", écrivait-il. "Celle-ci ne peut progresser qu'en raison des succès remportés dans la lutte contre la mortalité adulte, en particulier aux âges élevés où se concentrent de plus en plus les décès." Or, si les plafonds déterminés ces dernières décennies ont été dépassés, les succès dans ce domaine résultent désormais de lents progrès scientifiques et médicaux (comme dans la lutte contre le cancer ou les maladies dégénératives).

Changer ses modes de vie pour respecter les ressources planétaires

La projection des Nations unies qui table sur une population qui plafonne à 10,4 milliards d'habitants à la fin de ce siècle, cohabite avec d'autres scénarios : les Nations unis estiment qu'il y a 95% de chance pour que la population, en 2100, s'établisse entre 8,9 et 12,4 milliards, explique Gilles Pison. La fourchette la plus haute, "très peu probable", grimpe même jusqu'à 15 milliards d'êtres humains.

Le démographe souligne que, quel que soit le scénario, il convient de partager de manière égalitaire et équitable les ressources disponibles. A ceux qui craignent une planète sur laquelle nous serions "trop nombreux", il rétorque que le problème n'est pas le nombre mais bien nos modes de consommation.

"Ce n'est pas une question de démographie. Si nous n'étions qu'un milliard sur Terre et que l'on vivait comme un habitant des pays du Nord, alors ce ne serait pas tenable."

Gilles Pison, démographe

à franceinfo

"C'est une minorité qui a été responsable du gros du rechaufffement climatique, donc on voit bien que la question, ce n'est pas le nombre d'humains mais celle de leur mode de vie. Alors qu'il est illusoire de penser pouvoir changer la courbe d'évolution d'ici 2050, les modes de vie doivent déjà être plus respectueux de l'environnement et de la biodiversité." 

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