"House of Cards", la série télé qui va révolutionner les séries télé
La série américaine "House of Cards" est diffusée sur internet dès le départ dans son intégralité. Une réponse à la tendance du "binge viewing", le visionnage marathon des séries.
Arriver au travail les yeux rouges, en manque de sommeil, après avoir avalé d'un coup les deux saisons de cette série dont tout le monde parle au bureau, vous l'avez déjà fait ? Vous êtes victime de binge viewing, le visionnage marathon de plusieurs épisodes, voire d'une saison d'une série, en une seule fois - le terme anglais "binge" signifie "se goinfrer". House of Cards, la nouvelle série du réalisateur David Fincher lancée aux Etats-Unis le 2 février, est justement faite pour être consommée d'un seul coup. Conçue pour être diffusée exclusivement sur Netflix, fournisseur à la demande de contenus sur internet en streaming, cette série sur le parcours d’un politicien chevronné de Washington, incarné par Kevin Spacey, est disponible aux Etats-Unis tout de suite en intégralité. En France, c'est Canal Plus qui vient de faire son acquisition.
Francetv info revient sur ce phénomène, qui commence à influencer la façon dont on consomme et crée des séries télé.
Un nouveau regard
"Le visionnage à la file des épisodes de séries comme Breaking Bad est sans doute le meilleur moyen d'en profiter pleinement", estime Emily Nussbaum, une critique de télévision, dans New York Magazine (en anglais), après s'être lancée dans un marathon Breaking Bad.
Les téléspectateurs arrivent à mieux saisir les détails, s'immerger entièrement dans l'histoire, et s'identifier aux personnages. Le PDG de Netflix, Reed Hastings, assure que le binge viewing, qu'il compare à la lecture, est l'avenir de la télévision. "Imaginez que les livres sortent un chapitre par semaine et que l'on ne puisse les lire que le jeudi à 20 heures. Et que soudainement, quelqu'un change cette pratique, permettant aux gens de lire un livre entier, chez eux", explique-t-il, cité par Entertainment Weekly (en anglais).
Le binge viewing permet également de redonner une deuxième vie aux séries datant d'il y a quelques années déjà. C'est le cas de Arrested Developpment (Les Nouveaux Pauvres), une série diffusée de 2003 à 2006 sur la chaîne Fox et arrêtée ensuite faute d'audience. "L'humour dans la série reposait en grande partie sur les événements qui avaient lieu [dans des épisodes diffusés] quelques semaines ou mois avant." Grâce au binge viewing, le téléspectateur s'en souvient et apprécie mieux l'humour, explique le site The Age.com (en anglais).
Une nouvelle écriture
"La semaine dernière, dans House of Cards" : cette fameuse phrase, vous ne l'entendrez plus. House of Cards part du principe que "les téléspectateurs savent à tout moment ce qui se passe dans la série, alors que dans le cas des séries diffusées à la télé, on doit supposer qu'une grande partie des téléspectateurs viennent d'allumer la télé", explique Ted Sarandos, le chef du contenu à Netflix, au New York Times (en anglais). Sur Netflix, pas besoin de résumés au début de chaque épisode, ni de flashbacks.
Autre nouveauté, la suppression des coupures pub. Les séries américaines contiennent en général trois ou quatre pauses publicitaires, ce qui oblige les scénaristes à découper les épisodes en séquences qui se terminent chacune par un mini suspens. Les scénaristes de House of Cards ont pu prendre davantage le temps de développer les situations et les personnages. D’après le magazine Wired (en anglais), les épisodes ont même des durées variables, en fonction des besoins de réalisation de scénario.
La frontière entre télévision et cinéma devient de plus en plus floue. La nouvelle écriture des séries doit être "moins sérialisée", estime Mitch Hurwitz, créateur de Arrested Development dont la nouvelle saison sera diffusée en entier sur Netflix, en mai 2013. Il en est sûr, les amateurs de la série "dévoreront la saison entière en une seule fois". C'est pourquoi il a décidé d'étaler la même intrigue sur plusieurs épisodes, rapporte le Wall Street Journal (en anglais).
Un nouveau modèle de distribution
Et si trop de séries tuait la série ? Selon Variety (en anglais), certaines séries américaines comme Last Resort ou 666 Park Avenue n'ont pas échoué faute d'audience, mais à cause des binge viewers. Ces téléspectateurs préférant regarder les séries d'un seul coup qu'épisode par épisode attendent qu'une saison de la série se termine pour en commencer le visionnage. Et pendant qu'ils attendent, les chaînes, insatisfaites des audiences, arrêtent la série.
Avec son nouveau mode de diffusion, Netflix ne court pas ce risque. Mais en décidant de briser le mode de diffusion classique des séries, le fournisseur fait aussi un pari osé. "Là où Netflix fait fort, c'est qu'en lançant la série sur ce mode, il cumule tous les modes d'exploitation dès le premier jour d’exploitation : l'exclusivité, la catch up, le catalogue. C'est donc un profond changement des habitudes de consommation que Reed Hastings [PDG de Netflix] cherche à imposer au marché américain", estime ZDNet.
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