Grèce : dans les quartiers chics, on se met aussi à "regarder les prix"
Les mesures proposées à Bruxelles par le Premier ministre Alexis Tsipras pour rembourser les créanciers du pays, lundi, visent, en partie, le portefeuille des Grecs les plus fortunés.
Rien ne va plus à Kolonaki. Dans ce quartier aisé d'Athènes, "les riches se mettent à regarder les prix" dans l'épicerie gourmet Nora's Deli. Une ex-ministre de droite a même osé "se plaindre des tarifs du crabe", assurent les gérantes. Nora et Natalie sont affirmatives : "La crise n'a pas forcément affecté les revenus des habitants de Kolonaki, mais il y a un impact psychologique, une crainte."
En ce mardi 23 juin, les clients continuent d'acheter leurs smoothies bio venus d'Aquitaine, leurs galettes bretonnes et leur fromage anglais. Une mobylette de livraison sillonne toujours les étroites ruelles du quartier pour satisfaire les gourmets les plus âgés. Mais l'inquiétude gagne les deux patronnes, car le gouvernement grec a proposé de nouvelles taxes sur les entreprises et les hauts revenus. Et si les riches se mettaient eux aussi à pâtir de la crise ?
"Des mesures qui vont dissuader les investisseurs"
Le Premier ministre Alexis Tsipras a dévoilé, lundi, une série de mesures destinées à convaincre les créanciers de la Grèce de lui éviter un défaut de paiement. La facture s'annonce salée pour les plus aisés : augmentation de la taxe sur les produits de luxe, hausse de l'imposition des revenus annuels supérieurs à 50 000 euros, taxe exceptionnelle pour les chiffres d'affaires supérieurs à 500 000 euros...
"Je m'attendais à des réformes difficiles pour nous", reconnaît Kostantinos, amer. Cet avocat d'affaires de 45 ans, installé à Kolonaki, se dit "inquiet" de la politique menée par le gouvernement Tsipras, pour lequel il n'a pas voté. Sa priorité est toutefois qu'un accord soit conclu entre la Grèce et ses partenaires, pour "rester dans l'Union européenne".
Dimitris, habitant d'une banlieue huppée située au nord de la ville, est plus vindicatif. Ce quinquagénaire, entrepreneur dans l'aviation, gagne 150 000 euros par an, en brut, 80 000 en net. Epargné jusque-là par la crise, comme il le reconnaît lui-même, il sait que ses revenus vont être touchés par ces nouvelles taxes. Mais ce n'est pas tellement sa situation personnelle qui l'inquiète. Il se désole plutôt de "mesures qui vont dissuader l'investissement privé" et freiner l'économie. Le contraire de ce qu'il faudrait faire pour sortir de la crise, selon lui.
"Mes amis envoient leur argent à l'étranger"
Kolonaki, situé dans le centre-ville de la capitale grecque, près du Parlement et des ambassades, reste un îlot paisible formé de rues piétonnes et de voies à sens unique bordées d'orangers. On s'y affiche en terrasse, on y flâne en croisant d'anciens Premiers ministres, des patrons de presse et des éditeurs.
On y vient aussi pour se faire coiffer chez Giorgos Sazeidis, pour une coupe à 45 euros. Les cheveux encore humides, Panos, 50 ans, raconte avoir grandi dans le quartier. Après une expatriation au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, cet entrepreneur a ouvert deux restaurants dans une banlieue cossue d'Athènes. "On a moins subi la crise qu'ailleurs", souligne-t-il, fier de n'avoir encore licencié aucun de ses 16 employés.
La situation risque toutefois de se compliquer, surtout si la TVA sur la restauration passe de 13% à 23%. "Il y a beaucoup de mesures anti-business. J'ai des amis qui ont commencé à envoyer leur argent à l'étranger ce mois-ci", affirme-t-il, évoquant des sommes dépassant parfois le million d'euros. Lui reste fidèle à la Grèce et au gouvernement Tsipras. Il est le seul dans son entourage à avoir voté pour la gauche radicale Syriza, après des années de vote à droite. "Je ne le regrette pas", assure-t-il. Enfin, "pas encore", corrige-t-il aussitôt.
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