Soupçons de corruption au sein du Parlement européen : "J'ai moi-même été approchée par des lobbyistes qatariens", révèle Nathalie Loiseau
L'ancienne ministre chargée des Affaires européennes n'hésite pas à critiquer franchement ses collègues soupçonnés de corruption.
Alors que le Parlement européen est secoué par des soupçons de corruption impliquant le Qatar, l'eurodéputée Renaissance (ex-LREM) Nathalie Loiseau révèle samedi 10 décembre sur franceinfo avoir elle-même "été approchée par des lobbyistes qatariens". "Ils m'ont en quelque sorte menacée." Après l'arrestation vendredi 9 décembre de cinq personnes, dont une vice-présidente du parlement et un ancien eurodéputé, l'ancienne ministre chargée des Affaires européennes se montre très critique vis-à-vis de ses collègues soupçonnés. "Si ces gens n'ont pas de conviction mais seulement des comptes en banque, ils n'ont rien à faire au Parlement européen." Elle appelle à "lutter contre les courroies de transmission de l'ingérence", y compris de la Russie sur "certains eurodéputés français d'extrême droite".
franceinfo : Avez-vous été approchée par des représentants du Qatar ?
Nathalie Loiseau : Oui, j'ai moi-même été approchée par des lobbyistes qatariens il y a quelques mois. Ils trouvaient que j'étais trop critique sur le Qatar et m'ont en quelque sorte menacée de contre-écrans sans être plus précis que ça. Je leur avais fait savoir que j'avais pris des captures d'écran de leurs messages et que je me réservais le droit de réagir s'il se passait quoi que ce soit.
Faut-il une expérience comme la votre pour ne pas céder à ces lobbyistes ?
Il y a une poignée de gens clairement malhonnêtes qui aurait cédé à ces actes de corruption. Ce n'est pas eux qui ont infléchi les décisions du Parlement européen, puisqu'on parle d'une infime minorité, mais ils jettent l'opprobre sur l'ensemble de l'institution. Je dois partager avec vous un sentiment de très grande colère à leur endroit. Si ces gens n'ont pas de conviction mais seulement des comptes en banque, ils n'ont rien à faire au Parlement européen.
S'ils ont reçu des menaces comme vous, cela ne suffit-il pas à les dédouaner ?
Ce n'est pas parce qu'on vous dit que votre position déplaît que vous devez en changer. Vous n'êtes pas là pour plaire à un pays étranger, vous êtes là pour représenter les intérêts des électeurs qui vous ont élu. Vous n'avez jamais à céder à des tentatives de corruption. On parle aujourd'hui du Qatar, mais parlons aussi de ceux dans notre parlement qui continuent, mois après mois, à soutenir la position de la Russie dans sa guerre en Ukraine. C'est une minorité qui me rend malade. Je parle de certains eurodéputés français d'extrême droite, parfois d'extrême gauche de certains pays. Il faut qu'on lutte de manière générale contre les courroies de transmission de l'ingérence.
Ce lobbyisme du Qatar peut-il expliquer l'actuelle magnanimité politique vis-à-vis de l'organisation du Mondial de football ?
Le Qatar est en train d'assister à un effet boomerang. On n'a jamais autant parlé des violations des droits des travailleurs au Qatar. Ils ont peut-être tenté d'éviter des votes de textes au Parlement européen sur les Droits de l'homme au Qatar. Ça a échoué. Et aujourd'hui, tout nouveau texte concernant les pays du Golfe sera regardé à la loupe pour s'assurer qu'il n'y a pas d'ingérence étrangère. Si ce lobbyisme là a eu lieu, ils ont eu l'effet exactement contraire.
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