Russie : Un professeur enseigne le totalitarisme en demandant à ses élèves de dénoncer leurs proches
En guise de devoirs, un enseignant russe a fait rédiger à des lycéens des lettres de délation pour leur faire comprendre ce qu'était la vie de leurs ancêtres sous le régime soviétique.
Apprendre par l'exemple. Cela pourrait être la maxime d'Alexander Fokin. Dans un lycée de Russie, ce jeune professeur a eu l'idée de demander à ses élèves de dénoncer leurs proches. Il voulait ainsi leur enseigner ce qu'était la vie de leurs aïeux sous le stalinisme, lorsque des millions d'ennemis supposés du régime soviétique étaient envoyés au goulag sur une simple lettre de dénonciation. L'enseignant de 32 ans a raconté son expérience pédagogique à Quartz (en anglais), un récit repéré par Slate, jeudi 16 juillet.
Un seul résistant à la délation
Il s'agissait "d'analyser la langue de l'ère stalinienne et de comprendre le rôle joué par la population dans la répression", fait valoir Alexander Fokin, qui donne un cours en option choisi par les lycéens souhaitant approfondir leurs leçons d'histoire. L'enseignant a d'abord montré à ses élèves d'authentiques courriers de dénonciation, puis il leur a demandé d'en rédiger en s'inspirant de ces modèles. Les lycéens ont ainsi dû dénoncer leurs parents, amis ou voisins.
Sur les 16 élèves de sa classe, un seul a refusé. Les autres ont écrit des phrases comme : "Il a beaucoup de livres en allemand, c'est probablement un espion." L'un d'entre eux a eu une idée plus originale : il a dénoncé Alexander Fokin lui-même en l'accusant de faire de l'humour antisoviétique et de ne pas prendre en compte "la réalité sociale" de ses élèves. D'autres sont allés chercher leur inspiration sur le site russe Staline se serait occupé de toi (en russe), un générateur automatique d'accusations dans le plus pur style stalinien.
La réalité a rejoint la fiction
Alexander Fokin, qui anime aussi des émissions humoristiques à la télévision et se produit sur des scènes de comédie, a également relaté cette expérience sur son compte Twitter. Et y a essuyé de vives critiques. Les uns l'accusant d'enseigner la délation, les autres lui reprochant de se moquer de l'histoire russe. Il a même reçu des messages peu amènes l'avertissant qu'il avait été signalé au FSB, les services de renseignement russes qui ont succédé au KGB.
"Ce sera intéressant de voir comment tout cela finit. Est-ce qu'il ne se passera rien, ou la police va-t-elle m'interroger sur le sujet ? Au final, cette histoire nous dira combien notre société a changé depuis les années 1930. Cela nous permettra de mesurer les progrès que nous avons faits", conclut-il, philosophe.
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