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Ukraine: de bien curieux «ultras» dans les manifestations

Des jeunes «ultras» attirent l’attention en Ukraine par leurs violences sur les barricades. Incontrôlables, ils semblent issus des rangs des hooligans du football et proches de l’extrême droite, puissante dans le pays. De son côté, le pouvoir semble avoir recours à des bandes similaires, les «tituskies» qui, eux, attaqueraient les manifestants.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Manifestants anti-gouvernementaux à Kiev le 16 février 2014. (Reuters - Gleb Garanich)

Lors de l’euro de football en juin 2012, qui se tenait en Ukraine et en Pologne, le phénomène du hooliganisme avait mobilisé les organisateurs. «Exhibition de symboles nazis, racisme et violences émaillent très régulièrement les matchs dans le pays», rapporte ainsi Libération.

Aujourd’hui, les hooligans, issus des milieux nationalistes de supporters de football «ultras», se sont en quelque sorte recyclés dans les manifestations anti-gouvernementales qui agitent l’Ukraine. Et avaient fait au moins 28 morts le 20 février au matin, selon l’AFP. «Ils ont trouvé une rédemption politique en protégeant» les protestataires, observe, non sans ironie, le site de Radio Free Europe-Radio Liberty (RFERL), média financé par les autorités américaines.
 
Avec la radicalisation du mouvement, les ultras jouent apparemment un rôle important dans les violences de Kiev. «Une surprenante transformation pour un secteur de la société plus connu pour ses beuveries et ses bagarres que pour ses passions politiques», commente RFERL. Ils font un usage intensif de Facebook. Et notamment de sa déclinaison russe Vkontakte (qui a également une version anglaise).
 
Ces jeunes, souvent issus de milieux modestes, se regroupent notamment dans un groupuscule ultranationaliste appelé Secteur Droit (en russe, le mot «secteur» désigne les rangées de gradins d'un stade). Ils ont leur propre style : généralement par groupe de deux, ils s'attaquent casqués et masqués aux forces de l'ordre, armés de bâtons, de barres de fer et protégés par des boucliers pris aux policiers anti-émeute. «Certains d’entre eux ont même construit une catapulte, véritable trébuchet moyenâgeux utilisé contre les forces de l’ordre», rapporte Le Figaro.

Des manifestants anti-gouvernementaux utilisent une catapulte artisanale (fabriquée à partir de l'épave d'un véhicule calciné) pendant les heurts avec la police le 20 janvier 2014. (Reuters - Gleb Garanich)

Ultras contre «tituskys»
On ignore exactement combien ils sont. Certaines sources parlent de plusieurs centaines de militants dans les rues de Kiev. Ils ne cachent pas leur dégoût pour les manifestations pacifiques et comptent surtout sur les cocktails Molotov et les pavés pour imposer leurs vues.

Ils ne prêtent allégeance à aucun parti politique. Ils n'ont pas de drapeau et ne brandissent aucune banderole. Pourtant, le leader du parti d’extrême droite Svoboda, Oleh Tyahnybok, leur a rendu hommage le 25 janvier, selon le site de RFERL. Petite précision : ce parti se réclame d’un mouvement, l’Organisation des nationalistes ukrainiens, dont la branche armée collabora activement avec les nazis pendant la Seconde guerre mondiale.

De leur côté, ces jeunes revendiquent la mémoire du «grand patriote Stepan Bandera». Un «patriote», qui «créa en 1939 la Légion ukrainienne, ces bataillons qui combattirent dans l’armée nazie contre les communistes», rapporte Le Nouvel Observateur. Des bataillons qui «participèrent avec rage aux massacres de juifs dans tout le pays».

Violences, hooliganisme… On retrouve là le phénomène de bande qui semble également caractériser les «tituskys», des «voyous pro-gouvernementaux» (dixit RFERL). Stipendiés par le pouvoir, ils s’attaqueraient aux manifestants. Dans ce contexte, dans de nombreuses régions, les ultras seraient moins motivés par le soutien à l’opposition «que par leur antipathie vis-à-vis des titushkys dont les rangs sont peuplés d’individus qui ont à peu près la même origine qu’eux», conclut le site de RFERL… 


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