Cet article date de plus de douze ans.

Royaume-Uni. Un scandale de pédophilie pourrait éclabousser VIP et employés de la BBC

Après l'arrestation d'une ex-pop star dimanche, francetv info revient en détails sur cette affaire, au cœur de laquelle se trouve l'ancien animateur star de la BBC Jimmy Savile.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'ancien animateur britannique Jimmy Savile à Southampton (Angleterre), le 11 octobre 2010. (HUSSEIN SAMIR / SIPA)

EUROPE - Avec une première arrestation de Scotland Yard, le scandale d'abus sexuels et de pédophilie qui a éclaté début octobre au Royaume-Uni prend de l'ampleur. Gary Glitter, une ancienne pop star soupçonnée de délits sexuels, a été arrêté dimanche 28 octobre à Londres, avant d'être libéré sous caution en fin d'après-midi. Il nie les faits.

Au cœur du scandale se trouve Jimmy Savile, ancien animateur star de la BBC dans les années 1970-1980, connu pour sa chevelure blonde platine et ses costumes tape-à-l'œil. Aujourd'hui mort, il est soupçonné d'avoir agressé sexuellement des mineurs pendant une quarantaine d'années. Scotland Yard le décrit comme un "prédateur sexuel" et estime les victimes potentielles à environ 300. Pour mieux comprendre, francetv info revient sur les détails de cette affaire.

Qui était Jimmy Savile ?

Présentateur excentrique, Jimmy Savile, mort en octobre 2011 à l'âge de 84 ans, a animé l'émission pour enfants "Jim'll Fix It" et le célèbre show musical "Top of the Pops". Véritable icône en Grande-Bretagne avant les premières révélations, il était aussi engagé dans des causes humanitaires, ce qui lui a valu d'être anobli par la reine. Les correspondants de France 2 à Londres reviennent sur la vie de cet homme :

Toutefois, quelques rares personnes de son entourage avaient remarqué des aspects plus troubles de sa personnalité avant que ne soit révélé le scandale, selon la BBC (lien en anglais) qui a dressé un portrait de lui le 23 octobre. 

Après la seconde guerre mondiale, Savile était devenu DJ dans une discothèque, et déjà, il faisait venir des filles dans son bureau, d'après un de ses collègues de l'époque. "C'était généralement des filles qui allaient vers les hommes. On ne pensait pas à leur demander : 'Avez-vous 16 ans ?' Jimmy était visiblement plus âgé. Il aurait dû poser ces questions. Il aurait dû leur demander leur âge et si elles avaient moins de 16 ans", relate-t-il. De son côté, le videur de la discothèque raconte que Jimmy Savile avait été convoqué au tribunal pour une "histoire avec deux filles", mais que les charges avaient été abandonnées parce qu'il avait payé le tribunal. Savile a rejoint ensuite la BBC, où son attrait pour les jeunes filles était un secret de polichinelle, selon Roger Holt, un des ses anciens collaborateurs.

Aujourd'hui, les révélations se multiplient. Lundi 29 octobre, le Telegraph (lien en anglais) a révélé qu'il avait été exclu de "Children in Need", émission annuelle de la BBC qui permet de récolter des fonds pour les enfants pauvres et malades, parce qu'il avait une attitude suspecte avec les enfants depuis plus de dix ans.

Pourquoi l'affaire resurgit-elle maintenant ?

L'affaire a éclaté le 3 octobre. Ce jour-là, la chaîne de télévision britannique ITV diffuse un documentaire dans lequel cinq femmes se disent victimes d'abus sexuels de la part de Jimmy Savile, alors qu'elles étaient mineures. L'une d'elles raconte la scène suivante : alors que Gary Glitter viole une fille de 13 ans dans la loge de Jimmy Savile, celui-ci abuse d'une collégienne de 14 ans. 

Ce document a entraîné une cascade de témoignages. La police britannique a parlé avec 130 des 300 victimes présumées – toutes des femmes sauf deux garçons – qui se sont manifestées. Leurs témoignages ont été jugés crédibles par les enquêteurs car elles "disent toutes la même chose séparément". La plupart ont porté plainte. Seules sept plaintes avaient été enregistrées du vivant de Jimmy Savile, selon le Guardian (lien en anglais).

Le documentaire, diffusé un an après la mort de Jimmy Savile, a donc délié les langues. Trop tard ? La BBC aurait pu diffuser un sujet consacré aux témoignages des victimes en décembre 2011, mais elle a refusé. Raison invoquée par la chaîne à l'époque : le manque de preuves. "Une équipe de production a été témoin de l'une des agressions. Pourquoi personne n'a rien fait ?", s'interroge une ancienne collègue de Jimmy Savile dans le journal britannique Daily Mail. C'est désormais à la police de déterminer "à quel point le personnel de la BBC était au courant (...) de comportements illégaux" de l'animateur, ajoute le quotidien.

Quelles sont les conséquences pour la BBC ?

Le scandale a provoqué un séisme à la BBC, accusée d'avoir étouffé l'affaire. Le groupe a présenté ses excuses et a lancé deux enquêtes internes indépendantes, le 16 octobre. A partir de lundi, Janet Smith, une ancienne juge de la Haute cour de justice, se penche sur "la culture et les pratiques de la BBC". De son côté, Nick Pollard, ancien directeur de la chaîne britannique Sky News, doit éclaircir les raisons de la déprogrammation du documentaire consacré à Jimmy Savile. 

La BBC a reconnu, le 22 octobre, que l'explication donnée sur son blog (lien en anglais) par Peter Rippon, le rédacteur en chef de l'émission "Newsnight", pour justifier le retrait du premier documentaire sur Jimmy Savile, était "incorrecte ou incomplète à certains égards". A la suite de quoi Peter Rippon a quitté "son poste avec effet immédiat". Comme lui, dix personnes sont susceptibles d'être impliquées dans cette affaire, selon un organigramme établi par la BBC (lien en anglais). 

L'animateur star Jimmy Savile dans l'émission "Top of the Pops" de la BBC, le 18 octobre 2001. (ALPHA PRESS / MAXPPP)

Dans une tribune publiée dimanche dans le Daily Mail (lien en anglais), le président de la BBC, Chris Patten, a averti que le groupe "risquait de perdre la confiance du public" à cause de cette affaire. "Est-ce que certains ont fermé les yeux sur des actes criminels ? Est-ce que certains ont préféré ne pas accorder de crédit à leurs suspicions en raison de la popularité de ce criminel (...) ? Même ceux d'entre nous qui n'étaient pas là au moment des faits ont hérité de cette honte", estime-t-il.

"La BBC est d'autant plus dans la tourmente que si le scandale avait éclaté du temps du vivant de l'animateur, c'est lui qui aurait dû répondre à la justice. Aujourd'hui, c'est à la chaîne publique de répondre à sa place", précise Jacques Cardoze, correspondant de France 2 à Londres.

Quelles autres personnalités pourraient être touchées par ce scandale ?

Des médecins. Les policiers s'intéressent aux agissements de trois médecins ayant travaillé dans des hôpitaux où Jimmy Savile aurait aussi sévi, selon des informations publiées dans la presse britannique le 25 octobre. Mais le chef de l'enquête a affirmé que ces informations ne lui étaient "pas encore parvenues".

Des célébrités. "Depuis les révélations sur les pratiques pédophiles de Savile, une quinzaine de stars des années 1960 et 1970 auraient contacté, paniquées, leurs agents", affirme Le Figaro. Mark Williams-Thomas, le réalisateur du documentaire diffusé sur ITV le 3 octobre, a indiqué dimanche sur Twitter que l'arrestation de Gary Glitter serait notamment suivie de celles d'autres personnes connues.

Les convocations devraient s'enchaîner. Parmi les suspects, le Telegraph (lien en anglais) évoque un légendaire producteur de radio, un photographe connu et un DJ. Un ancien associé de Savile aurait, quant à lui, pris la fuite, et un producteur serait caché. Toujours selon le quotidien britannique, Freddie Starr, un comédien, se prépare à être interrogé par la police après la plainte d'une femme qui l'accuse d'avoir voulu l'agresser sexuellement lorsqu'elle avait 14 ans, dans le bureau de Jimmy Savile à la BBC, ce qu'il dément.

Des employés de la BBC. Dimanche, Esther Rantzen, animatrice de télévision et fondatrice d'une association caritative, a transmis à la police des e-mails contenant des accusations d'abus sexuels à l'encontre de trois employés de la BBC haut placés. Le Daily Mail (lien en anglais), qui donne l'information, précise que, eux, sont toujours en vie.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.