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Plombée par la crise, la Croatie devient le 28e pays de l'UE

Commencé il y a dix ans, le processus d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne se termine le 1er juillet 2013. A cette date, la Croatie devient le 28e Etat de l’UE. Une entrée qui se fait dans un climat morose pour ce pays à l’économie plus que fragile.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Drapeaux de l'Europe et de la Croatie sur un bâtiment de Zagreb (Croatie). (AFP/Tibor Bognar / Photononstop)

«En matière économique, l’ouverture du marché intérieur à la concurrence demeure insuffisante et le pays souffre d’un défaut de compétitivité important. En outre, au niveau juridique, le pays doit progresser dans sa lutte contre la corruption, l’évasion fiscale ou l’économie souterraine de façon à asseoir les bases d’une croissance robuste », résume une étude de l’OFCE consacrée à l’arrivée de la Croatie dans l’Union.
 
Le constat est sévère mais il semble partagé. «La Croatie  fait face à d'importants défis en termes de relance de sa  croissance, du renforcement des finances publiques et de l'amélioration de la  compétitivité», estime pour sa part la Commission européenne dans son style très neutre. De façon moins diplomatique, le journal Bild, le plus gros tirage de la presse allemande, n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur Zagreb. «Des dettes, de la corruption et un fort taux de chômage, voilà ce qu'est la Croatie», a affirmé le quotidien allemand en présentant ce pays «comme la prochaine Grèce qui engloutira les milliards de Berlin».

Une économie en crise
Le tableau économique n’est en effet pas rose. L'économie est en récession depuis 2009 (-6,9% cette année-là) dans ce pays où le taux de chômage est en forte hausse. En 2012, le PIB a reculé de 2% . Alors que Zagreb table sur une prévision de croissance de 0,7% pour 2013 et de 2,4% en 2014, la Commission prévoit une baisse du PIB de 1,0% en 2013 et une faible reprise (0,2%) pour 2014.

Le déficit budgétaire devrait atteindre 4,7% du PIB cette année et pourrait même être de 5,6% en 2014, au-delà du plafond des 3% prévus par l'UE, et le taux de chômage dépasse les 18%.
 
La dette de la Croatie représente actuellement environ 54% du PIB mais, selon la Commission, elle devrait largement dépasser la barre des 60% en 2014, au-delà des limites fixées par l'UE.

La Croatie a connu une forte croissance entre 1994 et 2007 au point que le PIB par habitant est d’environ 61% de la moyenne européenne, ce qui est supérieur à celui des pays de l’Est qui ont adhéré à l’UE. Une croissance massivement due à la consommation, financée par des capitaux européens. Mais après ce phénomène de rattrapage, les inquiétudes portent sur les capacités d'un pays qui reste boosté par le tourisme, 15,4% de son PIB en 2012.

«Après Standard & Poor's en décembre 2012, l'agence Moody's a rabaissé la note du pays de Baa3 à Ba1 en février dernier. L'agence avait justifié sa décision par "l'absence de reprise économique (...) et de consolidation budgétaire". De son côté, S&P avait critiqué des réformes structurelles et budgétaires "insuffisantes pour favoriser la croissance économique et placer les finances publiques sur une trajectoire plus soutenable"», rappelle La Tribune.

Zagreb espère que l'adhésion va attirer des investisseurs et compte sur une aide européenne estimée à 11,7 milliards d'euros d'ici à 2020 pour redresser l'économie.


La question de la corruption
Zagreb a commencé une lutte contre la corruption et a condamné l'ex-Premier ministre, Ivo Sanader (2003-2009), en novembre 2012, à dix ans de prison pour corruption, mais nombre de Croates estiment que le fléau est loin d'être éradiqué. Un autre ancien ministre est actuellement poursuivi dans une affaire de détournement de fonds dans une affaire d'achat de camions militaires remontant à 2004.

Les indices sont nombreux montrant une situation dégradée en Croatie dans ce domaine. Selon un récent sondage, conduit dans 36 pays du monde par l'entreprise Ernst&Young sur la corruption dans les milieux des affaires, la Croatie arrive en troisième place, derrière la Slovénie et le Kenya.

«Dans le classement Doing Business 2013 de la Banque mondiale, la Croatie se place en 84e position (sur 185 pays), derrière la Moldavie, et derrière l’ensemble des 27 pays de l’UE» note l’OFCE qui précise que selon les données de Global Financial Integrity, «la Croatie a présenté des flux financiers illicites de l’ordre de 300 dollars par habitant par an en moyenne au cours de la dernière décennie. Parmi les pays émergents membres de l’UE pour lesquels nous disposons de données, c’est le montant par habitant le plus élevé, notamment plus du double de celui enregistré pour la Bulgarie ou la Hongrie.»
 
«Dès lors, on peut s’étonner que l’Union européenne n’ait pas tiré les leçons des cas roumain et bulgare. En d’autres termes, pourquoi les instances européennes ont-elles autorisé l’adhésion de la Croatie avant qu’elle n’ait effectivement résolu son problème de corruption ?», résume l'OFCE.

Mais la situation serait en train de s’améliorer. Selon l’Index mondial de la perception de la corruption, publié par l’organisme Transparency International, la Croatie se classe fin 2012 en effet 62e sur un total de 176 pays examinés. Dans le rapport de 2012, le pays pointait au 66e rang.

L’Europe a déjà adopté la cravate, accessoire venu de Croatie au 17e siècle. Elle adopte aujourd’hui la Croatie comme 28e pays de l’UE. Cela suffira-t-il à attacher ce pays des Balkans au continent européen ? En tout cas, cette adhésion a lancé le processus de l'entrée de la Serbie. En attendant sans doute les autres pays de l'ex-Yougoslavie.

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