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Une commission d'enquête sur les migrations "détricote" la politique du gouvernement avec trente recommandations

"Il faut revenir à une vision beaucoup plus apaisée", a expliqué en conférence de presse la rapporteure Sonia Krimi, issue de l'aile gauche de LREM.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des migrants patientent devant une distribution alimentaire à Calais (Pas-de-Calais), en juin 2021. (MATTEO PLACUCCI / HANS LUCAS VIA AFP)

Restriction de l'octroi des visas, gestion "policière" de l'immigration, durcissement de l'accès des étrangers aux soins... La commission d'enquête parlementaire (CEP) sur les migrations n'épargne pas la politique du gouvernement. Dans son rapport publié mardi 16 novembre, elle formule trente recommandations pour "trouver des solutions pragmatiques et humaines" à l'immigration. Ce document est le fruit de six mois d'auditions et de travail terrain portés par le député Sébastien Nadot (Libertés et Territoires) et la députée Sonia Krimi, issue de l'aile gauche de LREM.

Les auteurs prônent notamment la mise en place d'un "véritable asile européen", avec la création d’une agence à l'échelle continentale qui permettra "une meilleure reconnaissance des décisions et une harmonisation des critères". Elle estime que "la présidence française de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2022 devrait permettre "de porter cette proposition avec force".

Ouvrir de nouveaux emplois aux étrangers non européens

Constatant que le gouvernement a durci les conditions d'accès aux soins pour les exilés en 2019, la commission recommande de supprimer le délai de carence de trois mois pour que les demandeurs d'asile puissent bénéficier immédiatement de la Protection universelle maladie. Elle insiste également sur la "nécessité d'un bilan de santé initial pour les étrangers primo-arrivants" et recommande d'ouvrir de nouveaux emplois aux étrangers, en particulier non européens, dans certains postes techniques de la fonction publique.  

Le gouvernement avait par ailleurs annoncé, fin septembre, avoir réduit massivement le nombre de visas octroyés aux ressortissants du Maghreb, pour contraindre ces pays à délivrer davantage de laissez-passer consulaires dans le but d'augmenter les expulsions. La CEP, de son côté, appelle à "ne pas pénaliser les populations par une réduction drastique de la délivrance des visas". A Calais, où le gouvernement a dû dépêcher un médiateur fin octobre pour déminer une crise symbolisée par la grève de la faim de militants associatifs, le rapport invite à "mettre fin à la politique 'zéro point de fixation'".

Créer un haut-commissariat à l'immigration 

Ce document, qui a peu de chances d'être repris par l'exécutif à cinq mois de la présidentielle, propose une réforme du pilotage de la question migratoire, qui doit selon la commission sortir du giron du ministère de l'Intérieur pour "dépasser la seule gestion policière de l'immigration". Elle propose ainsi la création d'un haut-commissariat à l'immigration auprès du Premier ministre, qui aurait une portée interministérielle.

"Je ne peux pas demander au ministère de l'Intérieur de faire ce qu'il ne sait pas faire, c'est-à-dire du logement, de l'intégration, du travail... Il faut revenir à une vision beaucoup plus apaisée."

Sonia Krimi, député LREM et rapporteure

en conférence de presse

Avec la proposition d'une "politique migratoire en plusieurs ministères, vous ne prenez pas le modèle des grands pays migratoires comme l'Allemagne, vous prenez l'exemple de la Grèce : est-ce le modèle que vous voulez ?", a rétorqué devant l'Assemblée nationale le ministre de l'Intérieur. Gérald Darmanin a par ailleurs souligné que l'Etat dépensait quatre millions d'euros par an en distributions alimentaires à Calais : "Je n'appelle pas cela du harcèlement d'État".

Les préconisations de la commission "se résument (...) à un détricotage du pilotage actuel de la politique migratoire de notre pays, au motif que, relevant du ministère de l'Intérieur, il aurait une orientation trop sécuritaire", regrette de son côté le député du Nord Vincent Ledoux (Agir), seul parlementaire à s'être abstenu lors du vote du rapport à la commission. Le député déplore une "addition impressionniste de propositions" sans "aucun bilan global et chiffré des moyens financiers et humains" consacrés à l'immigration.

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