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Qui est Félix Croft, le passeur de migrants bénévole arrêté à Vintimille ?

Le bénévole français arrêté l'été dernier au péage italien de Vintimille avec une famille de migrants soudanais est poursuivi en Italie pour aide à l'immigration clandestine. Felix Croft, 28 ans, encourt jusqu'à quinze ans de prison. Franceinfo l'a rencontré.

Article rédigé par Benjamin Illy, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
C'est en venant aider à Vintimille avec d'autres bénévoles que Félix Croft a pris dans sont break Citroën une famille alors hébergée dans une église. (RADIO FRANCE / BENJAMIN ILLY)

Félix, casquette sur la tête, s'est assis à la table du bistrot dans lequel nous le rencontrons et s'indigne du prix du café. Ne parlez pas à "Monsieur-tout-le-monde", comme il se décrit, de désobéissance civile. Lui préfère "Obéissance citoyenne" : "Je suis un citoyen de la République française et j'obéis à ses préceptes : fraternité, c'est le fondement d'une société, égalité, liberté."

Félix Croft est poursuivi en Italie pour aide à l'immigration clandestine, une première dans cette région frontalière de la France. L'affaire, déjà renvoyée deux fois, devrait entrer dans le vif le 16 février avec les réquisitions attendues du ministère public italien devant le tribunal d'Imperia. 

Cinquante et une heures de garde à vue

Très engagé auprès des migrants, Félix a passé un "petit moment" dans le camp de réfugiés de Grande-Synthe, dans le Nord, comme bénévole. Le 22 juillet, il est interpellé au péage de Vintimille, à la frontière franco-italienne. Il restera 51 heures en garde à vue. Le jeune homme a tenté de traverser la frontière avec,  à bord de son break Citroën, une famille de migrants soudanais originaires de la région du Darfour, rencontrés dans une église à Vintimille où il était venu aider pour l'hébergement d'urgence. 

Dans la vie, Felix Croft est ouvrier dans le bâtiment. Il travaille aussi aux États-Unis, la moitié de l'année, où il est pêcheur de homards. (RADIO FRANCE / BENJAMIN ILLY)

"C'était la première fois que je faisais ça, explique-t-il. Il y avait deux enfants, de trois et cinq ans. La femme était enceinte de six mois. Six personnes au total, donc, si on compte le bébé. Ils ont quitté le Soudan parce que leur village a brûlé... Le petit de cinq ans en a gardé des séquelles : tout son flanc droit a été brûlé. Pour moi, il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il fallait que je les aide..."  Les deux tiers des migrants en transit à Vintimille sont originaires du Soudan et pour 10% d'entre eux d'Ethiopie et d'Erythrée, dont le régime totalitaire rend les ressortissants éligibles à l'asile en France.

Pas un "passeur"

Et s'il devait expliquer à un juge italien la différence entre ce qu'il a fait, lui, et un passeur ? "Un passeur, répond Félix Croft, demande aux personnes entre 100 et 150 euros pour leur faire faire quarante kilomètres. Il ne les dépose jamais en sécurité : parfois en plein milieu de Nice, parfois sur l'autoroute, parfois, même, il ne traverse même pas l'Italie. Moi, ce que j'ai fait, c'est transporter ces personnes confortablement installées dans mon véhicule, pour les emmener en France. Je voulais les confier à une association qui fait le travail de l'État français."

Dans la vie, Félix Croft est ouvrier dans le bâtiment. Il travaille aussi aux États-Unis, la moitié de l'année, où il est pêcheur de homards. Un père américain, une mère française, d'origine italienne. Des origines familiales, un "background général", dont il pense tirer cette sensibilité : "Comme la plupart des citoyens français, et comme messieurs Ciotti, Sarkozy, Estrosi, qui sont tous des pas très français de souche, je ne suis pas... de 'souche' ", s'amuse-t-il.

Hubert Jourdan préside l'association Habitat et citonneyeté et voit dans l'acte de Felix un acte "tout à fait normal". (RADIO FRANCE / BENJAMIN ILLY)

Le "passeur bénévole" se lève pour nous emmener voir Hubert Jourdan, surnommé "Baba", qui préside Habitat et citonneyeté, une association qui prend en charge des réfugiés et des personnes en situation de régularisation.

Lui voit dans l'acte de Félix un acte "tout à fait normal", que "n'importe quel citoyen devrait faire et faisait d'ailleurs auparavant et ne fait plus maintenant", soupire-t-il. "Nous sommes des couillons de base, poursuit "Baba", qui nous retrouvons dans des situations où nous devons assurer. 'J'ai envie de dire à Félix : Continue !'" A quelques heures de son procès, Félix dit "respirer" mais ne s'estime pas..."serein".

Qui est Felix Croft, le passeur de migrants bénévole arrêté à Vintimille ?

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