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Poussée de l'extrême droite en Suède : "Le facteur fondamental, c'est la crise sociale depuis les années 1990"

Le sociologue Wojtek Kalinowski estime, dimanche sur franceinfo, que la crise migratoire n'est pas l'élément déterminant qui explique la percée de l'extrême droite en Suède.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Les Suédois votent dimanche 9 septembre pour les élections législatives. (JOHAN NILSSON / TT NEWS AGENCY)

La crise migratoire n'est "pas du tout la seule cause" de la poussée de l'extrême droite en Suède, a estimé le sociologue Wojtek Kalinowski, dimanche 9 septembre sur franceinfo. Pour le codirecteur de l'Institut Weblen, spécialiste du modèle suédois, la tentation du repli des Suédois sur le parti d'extrême droite des Démocrates de Suède, à l'occasion des élections législatives, s'explique surtout par "la crise sociale qui traverse la Suède depuis les années 1990" et par le sentiment de déclassement d'une partie de la population.

franceinfo : Comment peut-on expliquer la tentation de l'extrême droite en Suède, est-ce vraiment la crise migratoire qui explique la progression des extrémistes ?

Wojtek Kalinowski : Non, ce n'est pas du tout la seule cause. Le facteur fondamental, à mon sens, c'est surtout la crise sociale qui traverse la Suède depuis les années 1990. Quand on regarde la sociologie des électeurs et des élus de ce parti d'extrême droite, on voit bien qu'ils sont recrutés surtout dans des couches qui se sont paupérisées, en tout cas qui sont plutôt les perdants des transformations plutôt libérales des années 2000. Il y a donc une crise de l'État providence suédois que l'extrême droite est très habile à exploiter. Cette crise, elle donne le sentiment à beaucoup de Suédois que leurs conditions de vie se sont dégradées. Cette crise coïncide avec une immigration qui est forte. La Suède c'est un pays qui est resté longtemps homogène, culturellement, jusqu'aux années 1980.

Pourtant la politique d'intégration fonctionne plutôt bien en Suède, non ?

C'est pour ça que je reste quand même plutôt tranquille malgré cet essor exceptionnel de l'extrême droite, parce qu'au-delà des débats qui agitent la Suède aujourd'hui, on voit bien qu'il y a une politique d'intégration suédoise qui marche. Le taux d'emploi des immigrés par exemple progresse. C'est une politique qui est coûteuse pour l'État suédois, mais elle produit des résultats grâce au soutien à l'apprentissage de la langue, par exemple. Des politiques sociales qui sont coûteuses mais qui produisent des résultats, et la vague d'immigration de 2015, les Suédois réussiront à l'intégrer. Il est vrai que les années 2014 et 2015 ont vu l'entrée en Suède de 260 000 immigrés, soit 2,5% de la population, donc c'est un effort considérable. Aujourd'hui, il y a bien un accord entre la gauche et la droite sur deux points : d'abord, les gens qui sont rentrés en Suède vont rester, et ensuite, d'autre part, il faut diminuer pour pas mal d'années le flux d'entrée d'immigrés nouveaux.

Si cette percée de l'extrême droite se confirme, peut-elle fragiliser la démocratie suédoise qui a toujours été très stable, et le nouveau gouvernement sera t-il minoritaire comme il l'est aujourd'hui ?

Oui, je pense que ce sera un gouvernement minoritaire, mais je reste malgré tout optimiste. La démocratie suédoise est très très stable, elle a une longue tradition de coopération gauche-droite, et le gouvernement sortant, de gauche, était déjà minoritaire, et il a réussi à rester au pouvoir pendant quatre ans, et à passer pas mal de réformes en négociant, au cas par cas, avec la droite. La droite traditionnelle est très divisée en Suède sur la question d'une éventuelle collaboration avec l'extrême droite. Je ne vois pas aujourd'hui une majorité émerger qui serait prête à être soutenue par l'extrême droite via un accord politique au Parlement. C'est plutôt donc un gouvernement minoritaire qui va chercher comme aujourd'hui à faire avancer des politiques en négociant au cas par cas. Je pense que ça peut marcher, car les Suédois ont une tradition consensuelle, où l'on cherche de façon pragmatique à trouver une solution. Néanmoins, cette montée de l'extrême droite envoie quand même des signes très clairs à la classe politique et j'espère que les Suédois vont s'attaquer plus sérieusement que par le passé à la crise sociale qui est la vraie source de ce qu'il se passe aujourd'hui.

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