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Migrants : quatre preuves que la crise est en train de disloquer l'Union européenne

Tandis que certains responsables prônent davantage d'intégration européenne, certains pays membres ferment leur frontières, tournant le dos à la solidarité entre les pays de l'UE.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des migrants attendent à la frontière entre la Grèce et la Macédoine, à Idomeni, le 1er mars 2016. (MARKO DJURICA / REUTERS)

L'Union européenne est en pleine crise existentielle. La solidarité européenne s'effrite face à l'afflux de migrants et de réfugiés, qui se retrouvent désormais bloqués dans des pays qui ne veulent pas d'eux, faute de pouvoir traverser les frontières qui, y compris à l'intérieur de l'espace Schengen, se referment.

Un sommet européen extraordinaire est prévu lundi 7 mars, à Bruxelles, auquel participera la Turquie, dont la coopération est indispensable. Il doit permettre de trouver une réponse commune à la crise migratoire, qui menace de désintégrer l'Union européenne.

Francetv info liste quatre preuves que l'UE se disloque face à cette crise des migrants.

Les Etats membres se replient sur eux-mêmes

Les voisins qui naguère laissaient leurs portes ouvertes ne se font plus confiance. A l'intérieur même de l'espace Schengen, des murs sont érigés et les contrôles aux frontières sont renforcés. Sept Etats membres de l'UE (Belgique, Danemark, Allemagne, Hongrie, Autriche, Slovénie, Suède) ainsi que la Norvège (non membre de l'UE, mais qui appartient à l'espace Schengen) ont réintroduit des contrôles temporaires depuis septembre. De son côté, le gouvernement croate a approuvé, vendredi, une réforme qui lui permet de déployer l'armée aux frontières du pays pour contenir, si nécessaire, l'afflux de migrants souhaitant se rendre en Europe du Nord.

Ces signes manifestes de repli inquiètent le libéral Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge. Interrogé par l'AFP, il voit d'un mauvais œil le "retour des hommes politiques qui pensent qu'on peut résoudre les problèmes en se retranchant derrière les frontières nationales". Cette figure du Parlement européen met en garde contre l'effondrement de la libre-circulation des personnes dans l'espace Schengen, un acquis emblématique de l'Europe. "On a l'impression qu'il y a une insensibilité incroyable, que c'est du chacun pour soi, et ça, c'est très dangereux pour l'idée européenne", déplore Daniel Cohn-Bendit, député européen écologiste jusqu'en 2014.

Les 28 ne s'accordent que sur un point : la nécessité de créer un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes européens. Un premier pas vers une Europe plus intégrée, voire une Défense européenne. Cette idée de la Commission européenne doit encore être approuvée par le Parlement d'ici à l'été 2016.

Des décisions votées ne sont pas appliquées

Alain Lamassoure, député européen (centre-droit) depuis 1989, interrogé par l'AFP, estime que l'Union européenne fait face à sa "crise la plus grave" parce que, "pour la première fois, les dirigeants nationaux n'appliquent pas les décisions qu'ils ont prises eux-mêmes dans le cadre de l'UE"

Le plan de répartition de 160 000 réfugiés dans les pays de l'Union, décidé en septembre 2015 et censé incarner la solidarité européenne, n'est pas respecté. Moins de 1 000 personnes ont été réparties jusqu'à présent. La France s'était engagée à ouvrir ses portes à 30 700 réfugiés sur deux ans. Mais au bout de quatre mois, seules 62 personnes ont été accueillies. "Non seulement ce plan n'est pas appliqué par les pays qui ont voté contre [et qui doivent quand même l'appliquer], mais il n'est même pas appliqué par les pays qui ont voté pour", regrette Alain Lamassoure.

En cause, notamment, les difficultés pour la Grèce et l'Italie à mettre en place les "hotspots", des centres d'enregistrement censés gérer l'accueil et la répartition des migrants. La France a envoyé des renforts, mais d'autres pays tardent à participer à l'opération, comme l'explique "L'Oeil du 20 heures".

L'UE annonce une aide humanitaire d'urgence

La Grèce, où se trouvent actuellement quelque 32 000 réfugiés et migrants, se retrouve donc menacée de devenir un seul "hotspot" géant, voire un gigantesque camp de rétention. A tel point que l'Union européenne en est arrivée à mettre sur pied un projet sans précédent : fournir une aide humanitaire d'urgence aux pays qui se trouvent en première ligne.

Si elle est approuvée par le Parlement européen et les Etats membres, la proposition de la Commission aboutira au transfert de 300 millions d'euros vers ce nouveau fonds d'aide urgence, puis de 200 millions en 2017 et autant en 2018. Les fonds pourront être employés à l'achat de tentes, d'abris, de couvertures, de vivres, de médicaments et au financement de services essentiels.

Jusqu’à présent, l'aide humanitaire d'urgence européenne (via le programme Echo) servait à "aider les victimes de catastrophes naturelles ou d’origine humaine dans le monde entier". Jamais elle n'avait servi à des pays membres. "C’est la conséquence, malheureuse, de décisions non coordonnées prises par les gouvernements d’autres pays membres de l’Union qui ont, ces derniers jours, presque fermé leurs frontières aux migrants, y compris aux réfugiés, violant, par la même occasion, les conventions de Genève", explique Le Monde.

L'Europe appelle l'Otan à la rescousse

Jusqu'à présent, l'Otan avait toujours refusé de s'impliquer dans le dossier épineux des migrants en Europe. Mais sur proposition de l'Allemagne et de la Turquie, les 28 ministres de la Défense de l'Alliance atlantique ont finalement donné, en février, leur feu vert à une mission de surveillance des frontières maritimes turques en mer Egée. C'est par là que passent des centaines de milliers de migrants pour arriver sur le sol européen, depuis près d'un an.

François Hollande a d'ailleurs annoncé vendredi que la France allait envoyer "un bateau" dans le cadre de la force de l'Otan. Mais la mission est complexe. La question de la zone d'opérations, notamment, est un dossier sensible, entre la Grèce et la Turquie qui se querellent depuis des décennies sur des questions de souveraineté. "Les îles grecques de la mer Egée bordent les côtes turques, transformant quasiment cette mer en mer grecque", explique Geopolis.

Malgré des demandes de déploiement par le commandant allemand du groupement maritime de l'Otan, "les Turcs ont refusé", ce week-end, que les navires entrent dans leurs eaux territoriales, selon des diplomates cités par l'AFP. Ankara dément. "Prétendre qu'elle s'oppose à sa propre idée n'est ni logique, ni cohérent", a réagi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères turc. Conséquence, l'opération n'a toujours pas débuté.

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