Migrants : la Roya, vallée désobéissante des Alpes-Maritimes
Un agriculteur de 37 ans est jugé mercredi au tribunal correctionnel de Nice pour avoir accueilli chez lui plus de 200 migrants, arrivés en France par l'Italie.
Pour avoir accueilli chez lui plus de 200 migrants, Cédric Herrou, un agriculteur des Alpes-Maritimes de 37 ans, est appelé à comparaître mercredi 4 janvier au tribunal correctionnel de Nice, pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour d’étrangers en situation irrégulière. Il risque jusqu’à cinq ans de prison ferme et 30 000 euros d'amende.
Des migrants passés par l'Italie
Cédric Herrou habite une petite maison à flanc de montagne, noyée sous les oliviers, à l’entrée du village de Breil-sur-Roya (Alpes-Maritime), tout en haut d'un chemin en pierre. Depuis 18 mois, l'agriculteur au visage souriant héberge dans son jardin des dizaines de migrants. Il les installe au milieu de son élevage de poules, dans des tentes et des caravanes. Les 18 hôtes du moment sont emmitouflés dans d'épaisses couvertures pour se protéger du froid. "Ils arrivent la nuit, entre minuit et 2h du matin, par la voie ferrée que vous voyez là, en face. Ils restent ici en moyenne une semaine", précise l'agriculteur.
Autour du feu, tôt ce matin de décembre, des Soudanais, des Egyptiens, et des Tchadiens se réchauffent, après une bonne nuit de sommeil. Parmi eux, le jeune Hassan, 20 ans, repose ses jambes fatiguées, recouvertes de bandages. Hassan est arrivé de Vintimille, en Italie, il y a quelques jours : "J'ai fait une longue marche de 20h jusqu’à 4h du matin". Le jeune garçon a dû fuir le Tchad, persécuté dans son pays, parce qu'il est homosexuel.
Hassan est arrivé ici épuisé, mais il se sent désormais en paix. "Je mange beaucoup, je me repose", raconte-t-il. Le jeune Tchadien remercie Cédric : "Il nous accueille bien, il nous traite bien ici."
Un prévenu à la "tête libre"
Cédric Herrou encourt le risque d'être condamné pour avoir transporté des migrants chez lui ou dans les gares aux alentours. Il lui est aussi reproché d'avoir ouvert un squat clandestin, dans les locaux d’une colonie de vacances désaffectée de la SNCF, quand les migrants étaient trop nombreux cet été. "J'ai envie de demander au procureur ce que j'ai fait de mal, dit-il. Je veux bien être jugé, mais j'ai envie que les pouvoirs publics soient eux aussi jugés."
L'homme cite l'exemple de décisions visant plusieurs jeunes migrants : "Quand on prend des gamins dans les Alpes-Maritimes, tous ont été reconduits jusqu'à douze fois à la frontière, alors que c'est interdit". Son procès l'inquiète, mais il ne regrette rien et affirme : "Moi je préfère être enfermé avec la tête libre que de mettre des œillères, comme Monsieur Tout-le-monde".
"Le moins bronzé devant"
Si Cédric a décidé de se faire discret, d’autres habitants dans la vallée ont pris le relais en famille. Ils sont une trentaine à accueillir les migrants, à les soigner comme Florence, infirmière bénévole, écœurée par les poursuites engagées : "Je ne comprends pas pourquoi on nous reproche ça. Qu'on puisse nous traiter de délinquants dans la vallée, c’est injuste."
D'autres habitants poursuivent même les convoyages clandestins dans les gares aux alentours. "Nous n'avons pas le choix", explique l'un d'eux qui préfère rester anonyme. "On ne fait que leur permettre de continuer leur voyage et d'aller où ils ont envie d'aller". Au moment d'un départ, l'un des conducteurs, soucieux de ne pas se faire repérer, lance aux passagers : "Le moins bronzé devant." Le convoi démarre avec les migrants à bord, pour de longues heures de route en dehors des sentiers battus. Les exilés sont ensuite déposés dans une gare SNCF du département, après une partie de cache-cache avec les gendarmes, pour monter dans un train.
Ces allées et venues ont fini par fatiguer les habitants de la vallée. Ils sont 300 à avoir porté plainte contre X, pour non-assistance à personne en danger et négligence envers les mineurs, afin que les autorités, disent-ils, fassent enfin leur travail d'accueil.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.