La mort de Mawda, une Kurde de 2 ans tuée par un policier : on vous résume l'affaire qui bouleverse la Belgique
Après plusieurs jours de tergiversations autour des causes de la mort de la fillette, dans la nuit de jeudi 17 mai, les autorités ont reconnu que sa mort était bien due à un tir policier.
L'émotion est vive en Belgique après la mort de Mawda Shawri, une enfant kurde âgée de 2 ans. La fillette a été tuée jeudi 17 mai lors d'une tragique course-poursuite entre la police et une camionnette de migrants. Depuis, la polémique s'intensifie en Belgique où l'affaire "présente tous les ingrédients pour devenir un dossier symbolique", estime le quotidien Belge De Standaard (article en néerlandais). Franceinfo revient sur les circonstances de ce drame et l'émoi qu'il suscite chez nos voisins.
Dans quelles conditions la fillette est-elle morte ?
Tôt dans la nuit jeudi 17 mai, entre 2 et 3 heures du matin, des policiers repèrent une fourgonnette suspecte, munie de fausses plaques et stationnée sur un parking d'autoroute, dans les environs de Namur. À son bord, 30 migrants kurdes, dont quatre enfants qui tentaient de se rendre vers la France avant de gagner le Royaume-Uni.
Refusant de se soumettre au contrôle, le convoi prend la fuite. Débute alors "une course-poursuite dangereuse" sur l'autoroute E42, en direction de Mons, selon les termes du parquet, qui estime que la camionnette roulait à une vitesse de 90 km/h. La course effrénée s'achève au bout de 60 kilomètres à Maisières, une ville située à une vingtaine de kilomètres de la frontière franco-belge. La petite Mawda, 2 ans, qui se trouvait sur les genoux de sa mère à l'avant du véhicule, est blessée et meurt dans l'ambulance qui l'emmenait à l'hôpital.
Qui est responsable ?
Comment un tel drame a-t-il pu se produire ? La question va vite se retrouver au centre d'une polémique, alimentée par les hésitations du parquet de Mons. "La fillette n'est pas décédée des suites des coups de feu des policiers" assure dans un premier temps Frédéric Bariseau, le premier substitut, le jour-même. Le magistrat évoque alors trois causes possibles : une maladie, un accident lié au comportement du chauffeur de la camionnette – la tête de l'enfant aurait pu par exemple heurter une paroi du véhicule – ou un coup porté à la fillette. Mais le lendemain, le parquet revient sur ses déclarations.
L'autopsie a permis de déterminer que la cause de la mort était une balle entrée au niveau de la joue.
Frédéric Bariseau, premier substitut du parquet de Mons
Face à ces multiples versions, les parents de Mawda Shawri décident de sortir de leur silence, lundi 21 mai, lors d'une conférence de presse. La mère, le père et les frères de la petite réclament une enquête indépendante sur les causes de sa mort. "Pour la famille de Mawda Shawri, il n’y a aucun doute, c’est un policier qui a tué leur enfant", assure alors Olivier Stein, leur avocat. Il affirme que les parents ont attendu une journée entière avant d'apprendre la mort de leur enfant et qu'ils n'ont pas pu l'accompagner à l'hôpital.
Une question de confiance se pose : le récit des parents de l’enfant est totalement différent de celui de la police et du parquet.
Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l'Homme en Belgique
Le lendemain, mardi 22 mai, le parquet de Mons confirme finalement la version de la famille : c'est bien un tir policier qui a provoqué la mort de la fillette. Le parquet précise qu'il n'y a eu "qu'un seul tir", dans l'intention de "stopper le véhicule". Le procureur général ajoute : "Le policier qui a tiré est défait et abattu. Il n'a jamais voulu, ni imaginé cela." Une enquête a été lancée, confiée au "Comité P", la police des polices belge, pour clarifier les conditions de la mort de la fillette.
Pourquoi l'affaire fait-elle polémique ?
Très vite, cette annonce suscite l'émotion dans le pays.Le quotidien Belge De Standaard (article en néerlandais) fait le lien avec l'affaire Semira Adamu, une jeune nigériane, morte en 1998, étouffée par les gendarmes lors de son rapatriement forcé. L'opposition et plusieurs associations pointent la responsabilité de la politique migratoire du ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, et de son secrétaire d'Etat à l'asile et la migration, Theo Francken. La RTBF relaie notamment les accusations d'Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l'Homme : "Comment est-il possible que les policiers commencent à tirer sur une camionnette en fuite, dont ils savent qu'elle est pleine de gens, y compris un enfant de deux ans ?"
L'emballement médiatique gagne en ampleur, notamment après la réaction de Jan Jambon, qui évoque vendredi sur Twitter un événement "tragique avec des conséquences dramatiques". Il met en cause "le trafic d'êtres humains" et relaie un article évoquant la morte de la fillette par une "balle perdue".
Événement tragique avec conséquences dramatiques. L’enquête est en cours. Cet événement met à nouveau en évidence les tristes circonstances dans lesquelles le trafic d’êtres humains prospère. https://t.co/gBNPla4fn5
— Jan Jambon (@JanJambon) 18 mai 2018
Voyant la polémique se profiler, le Premier ministre belge, Charles Michel, tente d'apaiser les tensions : "Aujourd’hui, une famille est dévastée par la mort d’un enfant et je réagis en tant que père de famille. Tous les responsables doivent faire preuve de réserve et de retenue", déclare-t-il sur la chaîne privée RTL-TVI.
Mercredi, l'annonce officielle de la responsabilité du policier a relancé la mobilisation de la population. D'après la RTBF, 600 personnes se sont rassemblées devant le palais de justice de Bruxelles "en signe de deuil et de protestation". Un internaute a posté une vidéo du rassemblement réclamant de "cesser de justifier l'injustifiable".
Maintenant Place Poelaert. Justice pour Mawda. Merci Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant pour vos mots humanistes. Il faut cesser de justifier l’injustifiable. pic.twitter.com/v0ftMLnawA
— Grégor Chapelle (@GregorChapelle) 23 mai 2018
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