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La double vie de Franco A., faux réfugié et vrai lieutenant allemand soupçonné de préparer un attentat

Un officier de l’armée allemande nostalgique du régime nazi a été arrêté, soupçonné de vouloir s'en prendre à des personnalités politiques de son pays. Il se faisait passer pour un réfugié syrien, dans le but de faire accuser les immigrés.

Article rédigé par franceinfo - Yacha Hajzler
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La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, s'est rendue à la base militaire franco-allemande d'Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), près de Strasbourg, le 3 mai 2017.  (RONALD WITTEK / EPA)

Soupçonné de préparer un attentat, Franco A., un lieutenant allemand de 28 ans, a été arrêté mercredi 26 avril, à Hammelburg, en Bavière. Il était stationné dans une importante base militaire franco-allemande, à Illkirch-Graffenstaden, en banlieue de Strasbourg. Les éléments dont dispose le parquet allemand permettent, selon sa porte-parole Nadja Niesen, de soupçonner "qu'il ait planifié un attentat". Le quotidien allemand Bild (article en allemand) affirme que des personnalités de premier plan étaient visées, notamment le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, ou l’ancien président Joachim Gauck. De leur côté, les enquêteurs sont beaucoup plus prudents, et ne citent pas de noms.

Repéré pour possession d'arme

La police s'est intéressée pour la première fois à Franco A. il y a trois mois. Le journal allemand Die Welt (article en allemand) relate que, fin janvier 2017, le soldat rentre d'un bal des officiers, à Vienne, en Autriche. Il se rend à l’aéroport de la ville. En sa possession, un pistolet 7.65 mm, qu’il cache dans un local technique de l'aérogare. A ce stade de l'enquête, on ignore comment l'homme s'est procuré cette arme. Mais le pistolet est découvert quelques jours plus tard, par hasard. La police autrichienne décide de placer des caméras dans le local, afin d'arrêter la personne qui viendrait la chercher. C'est ainsi qu'elle procède à l'arrestation, le 3 février, de Franco A. qui revient à Vienne pour récupérer son pistolet. Il ne possède pas de permis pour cette arme, et déclare aux enquêteurs l’avoir trouvé.

Les forces de l’ordre analysent alors ses empreintes digitales et font une étrange découverte : elles correspondent à celles d’un réfugié syrien, enregistré auprès des autorités allemandes en décembre 2015 : David Benjamin. Depuis janvier 2016, il bénéficie d’une place dans un centre de réfugiés, à Hammelburg, en Bavière (Allemagne) et d’aides sociales. En réalité, Franco A. et David Benjamin ne font qu'un. Et David Benjamin n'est qu'une invention de Franco A.

Le (faux) fils d'un vendeur de fruits de Damas 

De l’aveu du parquet allemand, Franco A. est passé sous tous les radars. Pendant plus d’un an, il est parvenu à effectuer régulièrement des allers-retours entre sa caserne d’Illkrich-Graffenstaden, près de Strasbourg, en France, et son centre de réfugiés à Hammelburg, en Allemagne.

Il a mené tout ça en parallèle, une sorte de double vie. […] Je n’ai pas connaissance qu’une pareille affaire se soit jamais produite.

Nadja Niesen, porte-parole du parquet

à "Die Welt"

Les sources divergent quant à la manière dont il a réussi à s’enregistrer comme réfugié syrien en Allemagne. Plusieurs médias affirment en effet que l’homme ne parle pas arabe et s’est exprimé en français. France 24 affirme de son côté que Franco A. n’aurait même pas eu à s’exprimer de vive voix lors de la procédure. Courrier International écrit pour sa part que le suspect, parlant "à peine arabe", s’est présenté comme le fils d’un vendeur de fruit de Damas.

Ce qui est établi, c’est que l’homme a profité de la surcharge de travail des centres d’accueil de réfugiés. Die Welt précise qu’à l’époque où Franco A. a fait sa demande, jusqu’à 10 000 réfugiés arrivaient en Allemagne chaque jour. Depuis 2015, le pays en a accueilli 1,5 million, principalement de nationalité syrienne, afghane ou irakienne. A titre de comparaison, la France s’était engagée en 2015 à accueillir 30 000 réfugiés d'ici à 2017. En août 2016, officiellement, seuls 1 330 réfugiés avaient bénéficié de cet accueil. 

Un nostalgique du IIIe Reich

La manœuvre de Franco A. visant à se faire passer pour un réfugié pourrait avoir eu pour but, selon les enquêteurs, de faire accuser les immigrés de l’attentat. Le parquet a fait état des "convictions xénophobes" du militaire. Dans sa chambre, à Illkirch-Graffenstaden, ont été retrouvés plusieurs objets, notamment un poster représentant un soldat du IIIe Reich ainsi qu'un casque de la Wehrmacht datant de la seconde guerre mondiale et un fusil de la même époque, gravé d’une croix gammée.

L’hebdomadaire Der Spiegel (article en allemand) raconte que, dès 2014, les autorités allemandes avaient été alertées de ses convictions racistes et complotistes. C’est un général français de l’académie militaire de Saint-Cyr, où le soldat allemand était en formation, qui avait lancé cet avertissement : Franco A. venait de rendre un mémoire de 140 pages dans lequel il dénonçait le risque de "génocide" de la civilisation occidentale. 

S’il avait été en formation pour intégrer l’armée française, il aurait été renvoyé sur-le-champ

un général de Saint-Cyr

Der Spiegel

Mais étonnamment, Franco A. n'a eu droit qu'à un simple entretien de recadrage par sa hiérarchie. Selon la ministre de l’Intérieur allemande, Ursula von der Leyen, ce profil xénophobe, bien que rare, n'est pas une exception dans la Bundeswehr, l'armée allemande. D'après elle, outre-Rhin, le service du renseignement militaire enquête aujourd'hui sur 275 soldats soupçonnés de sympathie ou de nostalgie pour le régime nazi. 

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