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Témoignage Crise des migrants : "On est des pions utilisés pour mettre la pression sur l'Europe", raconte un Syrien de retour de Biélorussie

Ahmad*, un Syrien d'une trentaine d'années, a tenté de passer la frontière entre la Biélorussie et la Pologne pour rejoindre l'Union européenne, sans succès. Rentré au Liban, il témoigne des conditions difficiles mais aussi de la convoitise des passeurs.

Article rédigé par franceinfo - Aurélien Colly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des migrants près de Kuznica, le poste frontière polonais situé entre la Biélorussie et la Pologne, le 15 novembre 2021. (OKSANA MANCHUK / BELTA VIA AFP)

Aux portes de l'Europe, entre Biélorussie et Pologne, des milliers de personnes sont toujours bloquées, avec l'espoir de réussir à traverser la frontière. Le régime biélorusse est accusé d'avoir organisé un afflux de migrants et la filière est désormais connue : des réfugiés payent pour obtenir un visa de touriste pour la Biélorussie et un billet aller-retour vers Minsk, en Biélorussie, avant de rejoindre la frontière pour tenter le passage en Pologne. Certains finissent cependant par rebrousser chemin, face à la fermeté des autorités polonaises et aux difficultés sur place. C'est le cas d'Ahmad*, un réfugié syrien d'une trentaine d'années rentré au Liban. Il raconte à franceinfo son parcours. 

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Si Ahmad accepte de témoigner, il tient cependant à rester discret : il n'y a pas de rencontre et il répond aux questions par téléphone. "Je témoigne parce qu'il y a des milliers de personnes bloquées là-bas." Il redoute les représailles des passeurs omniprésents au Liban. "On a peur. Des gens nous cherchent parce qu'on parle à la presse, s'inquiète ce réfugien syrien. Ce sont des criminels qui gèrent ce business."

Ces réseaux, bien rôdés, lui ont extorqué plus de 8 000 dollars en lui vendant le rêve de l'Europe selon une méthode désormais classique : 4 000 dollars pour le billet d'avion et le visa de touristes vers Minsk, 4 000 autres sur place, pour payer des intermédiaires qui lui ont fait croire qu'ils l'aidaient.

"A les écouter, cela paraissait très simple : 700 mètres de marche pour franchir la frontière, trois kilomètres en Pologne et une voiture pour nous conduire en Allemagne."

Ahmad, réfugié syrien de retour de la frontière Biélorusse

à franceinfo

Mais une fois sur place, le rêve d'Ahmad se transforme en cauchemar. "La priorité de la Biélorussie était de nous laisser passer mais c'était trop difficile d'aller en Pologne, raconte-t-il. Il y avait une rivière, des barbelés et des policiers polonais qui nous éloignaient. Quand on essayait de revenir en Biélorussie, ils nous tabassaient et nous renvoyaient vers la Pologne."

Six jours sans eau ni nourriture

Au total, Ahmad est resté six jours à multiplier les tentatives dans le froid, sans nourriture ni eau. Des journées entières d'errance, dans le no man's land qui sépare les deux pays. A ses côtés, des milliers d'autres candidats au passage vers l'Europe. "Il y avait des familles, des enfants et des femmes enceintes", se souvient le réfugié syrien.

Parmi ces candidats à l'exil, il retrouve des compatriotes mais aussi des Kurdes, des Irakiens, des Égyptiens, des Indiens, des Iraniens... "Tous sont venus en avion avec des visas de touristes", affirme Ahmad*, choqué par ce qu'il a vécu et vu. "Je n'oublierai jamais. Des gens sont morts autour de nous, certains se sont noyés. Des enfants grelottaient. On est des pions utilisés pour mettre la pression sur l'Europe." Il a le sentiment d'être "revenu à la case départ". "J'imaginais une vie meilleure", se souvient-il.

*Le prénom a été modifié

"J'imaginais une vie meilleure" : le témoignage d'un Syrien de retour de Biélorussie, recueilli par Aurélien Colly

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