Cet article date de plus de six ans.

Calais : ce que l'on sait des affrontements entre migrants qui ont fait quatre blessés graves

Une vingtaine de migrants ont été blessés jeudi dans de violentes rixes entre Erythréens et Afghans notamment. Plusieurs ont été touchés par balles.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des migrants, pour certains armés de barre de fer et de bâtons, le 1er février 2018 à Calais (Pas-de-Calais). (MAXPPP)

Une vingtaine de blessés, des tirs d'arme à feu... Des affrontements ont éclaté jeudi 1er février en divers endroits de Calais (Pas-de-Calais) entre des migrants afghans et africains. Voici ce que l'on sait de ces rixes

Que s'est-il passé ?

Vers 15h30, une première bataille rangée éclate entre une centaine de migrants érythréens et une trentaine d'Afghans, près du centre hospitalier de Calais, où a eu lieu une distribution de repas, selon la préfecture, citée par l'AFP. Des coups de feu sont entendus, rapporte La Voix du Nord. Cinq migrants sont touchés par balles, dont quatre grièvement.  

Vers 16 heures, un deuxième affrontement a lieu à environ 5 km de là, à Marck-en-Calaisis. "Une centaine de migrants africains armés de bâtons [veulent] s'en prendre à une vingtaine d'Afghans", indique le parquet de Boulogne-sur-Mer. La police protège les Afghans pris à partie par 150 à 200 Erythréens, selon la préfecture.

En fin d'après-midi et jusqu'en début de soirée, de nouveaux affrontement se déroulent dans la zone industrielle des dunes de Calais, non loin du site de l'ancienne "jungle".

"Les Afghans sont venus pour une distribution de repas rue des Verrotières et sont tombés sur une forte présence africaine. On a eu un mouvement de foule qui a entraîné des blessés avec des barres de fer", indique le parquet. Six migrants sont blessés, selon le parquet, dont un grièvement à la tête.

Des migrants, pour certains armés de barre de fer et de bâtons, le 1er février 2018 à Calais (Pas-de-Calais). (MAXPPP)

Combien y a-t-il de blessés ?

Selon le dernier bilan officiel, vingt-deux personnes ont été hospitalisées. Cinq migrants ont été touchés par balles. Pour quatre d'entre eux, qui seraient âgés de 16 à 18 ans et de nationalité érythréenne, le "pronostic vital était engagé", selon le parquet.

Les autres blessés souffrent de nombreux traumatismes et de blessures diverses provoqués pour certains par des armes blanches, selon la préfecture. Deux policiers ont également été légèrement blessés.

Un migrant, blessé après une rixe, pris en charge par des pompiers, le 1er février 2018 à Calais (Pas-de-Calais). (MAXPPP)

Quelles sont les raisons de ces affrontements ?

Environ 800 migrants, qui veulent passer en Grande-Bretagne, vivent actuellement à Calais, selon les derniers chiffres des associations. Entre 550 et 600 selon la préfecture. Et "le conflit entre Afghans et Africains a toujours été sous-jacent", explique une source de l'AFP à la préfecture. "C'est malheureusement un schéma classique" de voir des affrontements éclater entre ces deux groupes ethniques de migrants. "Sur les aires de distribution des repas, il y a des Erythréens, des Afghans, qui marquent leur territoire et qui se font la guerre, s'agressent violemment", détaille à fraceinfi la maire Les Républicains de Calais Natacha Bouchart.

Pour Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam, joint par franceinfo, ces violences sont dues à "une exaspération" et "une tension énorme" au sein des migrants, dues notamment au "harcèlement au quotidien" des forces de l'ordre. "La grande difficulté aujourd'hui, c'est le harcèlement quotidien", explique-t-il. "Jeudi dernier il y a eu une rixe entre la police et des migrants, un migrant a perdu son oeil. Depuis, chaque matin, la seule solution, c'est le désquattage, c'est démolir les tentes, etc... Donc il y a une exaspération, il y a une tension énorme."

Et jeudi matin, avant que ces nouveaux affrontements n'éclatent, une centaine de policiers, de CRS et de gendarmes avaient été mobilisés pour le démantèlement d’un camp de migrants, situé dans le bois à proximité de la route de Gravelines et de la rue des Verrotières, rapporte La Voix du Nord.

Cette tension a une répercussion : ça laisse le champ libre aux passeurs. La précarité est tellement forte que ça a renforcé le rôle des passeurs. Je présume que derrière tout cela il y a la répartition des terrains, des parkings, pour pouvoir passer en Angleterre.

Jean-Claude Lenoir, président de l'association Salam

à franceinfo

D'autres rixes aussi violentes ont-elles déjà eu lieu ?

Le bilan des violences de ce jeudi est le plus lourd depuis le 1er juillet 2017. A l'époque, des bagarres inter-ethniques avaient fait 16 blessés, dont un grave. Un an plus tôt, le 26 juin 2016, d'autres rixes s'étaient soldées par 40 blessés, mais aucun n'avait été atteint gravement. 

La dernière rixe entre migrants ayant débouché sur des blessures par balles remonte au 25 novembre 2017. Deux groupes d'Afghans s'étaient tirés dessus dans ce qui ressemblait à un règlement de comptes entre passeurs. Cinq d'entre eux avaient été blessés.

Des policiers déployés le 1er février 2018 à Calais (Pas-de-Calais) après des affrontements entre migrants. (MAXPPP)

Comment réagissent les autorités ?

Après ces affrontements, une enquête a été ouverte. La Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) et la brigade mobile de recherches de la police aux frontières ont été saisies. Mais dans la soirée, aucune interpellation n'avait eu lieu. Les tirs d'arme à feu proviendrait d'un ressortissant afghan, selon les informations de l'AFP, ce qui accréditerait cette fois encore la thèse de la présence de passeurs sur place.

Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, s'est rendu sur place dans la nuit. "C'est un degré de violence jamais connu", assure-t-il, déplorant des événements "exceptionnellement graves", avant d'ajouter : "On a atteint une escalade de la violence devenue insupportable pour les Calaisiens et les migrants."

Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, dans la nuit du 1er au 2 février 2018 à Calais (Pas-de-Calais), après des rixes entre migrants. (MAXPPP)

La maire Les Républicains de Calais Natacha Bouchart dénonce pour sa part sur franceinfo "la complicité de certains passeurs, de certains activistes, de certains No Border ou de certains associatifs". "Ils sont complices parce qu'ils sont en permanence avec les migrants, leur font commettre des actes délictueux et ne les incitent pas à rejoindre les dispositifs d'Etat qui sont mis en place", affirme-t-elle. Quant aux armes à feu, "ce n'est pas à Calais qu'ils les ont trouvées", souligne l'élue. "Il y a bien eu des personnes extérieures pour les fournir."

"C'est une situation qu'on ne peut pas accepter, puisque ce sont des migrants qui ne demandent rien et qu'on laisse s'installer sur le périmètre de Calais, ce n'est plus possible", ajoute Natacha Bouchart. "J'attends beaucoup de la loi asile et immigration", actuellement en préparation, explique l'édile qui souhaite la mise en place de "dispositifs adaptés pour faire en sorte que les migrants qui sont à Calais, qui ne demandent rien, puissent être sortis et déplacés de l'ensemble du territoire".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.