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Bruxelles en alerte maximale à cause des menaces d'attentats : "Cela commence à devenir lourd et usant", selon des habitants

Depuis samedi, la capitale belge est en état d'alerte maximale. Ses habitants racontent à francetv info comment ils s'organisent. 

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un soldat belge sur la Grand-Place de Bruxelles (Belgique), le 23 novembre 2015. (YVES HERMAN / REUTERS)

Rues désertes, écoles fermées, métro à l'arrêt, militaires en patrouille... Bruxelles s'est réveillée, lundi 23 novembre, en état de siège, pour le troisième jour consécutif. Les autorités belges, qui craignent un attentat de l'ampleur des attaques de Paris, ont décidé de maintenir le niveau d'alerte maximale pour la journée de lundi. 

Alors qu'une décision doit être prise pour la suite de la semaine, francetv info a interrogé des Bruxellois. Ils nous racontent cette vie cloîtrés à la maison.

"La ville tourne au ralenti", Vincent, 25 ans

Pour se rendre au travail, Vincent, un jeune Français expatrié, prend la voiture. "Ce matin, il y avait beaucoup moins de monde. On aurait dit une semaine de vacances. La ville tourne au ralenti", constate-t-il. Son week-end s'est déroulé dans "une ambiance bizarre". "On était tout le temps sur nos smartphones à regarder ce qu'il se passait, mais il n'y avait pas beaucoup d'infos, on était dans le flou".

Vincent se demande "combien de temps cela va durer". "Nous attendons un signe des autorités pour nous permettre de revenir à la normale", explique-t-il. Il espère que les perquisitions de dimanche soir vont permettre de repasser au niveau 3, le niveau d'alerte en dessous. Mais, "s'ils n'arrivent pas à arrêter la personne visée, j'ai l'impression qu'il n'y aura pas de retour à la normale", redoute-t-il.

"Mon entreprise nous a proposé de faire du télétravail", Nathalie, 36 ans

Peu après l'annonce des autorités belges, l'entreprise de Nathalie a envoyé un message à l'ensemble des salariés pour leur proposer de travailler depuis chez eux lundi. "Le problème, c'est qu'il n'est pas prévu que les enfants soient présents lorsque l'on fait du télétravail", s'amuse cette mère de deux enfants, de cinq et trois ans. Elle s'est levée plus tôt qu'eux pour s'occuper de ses mails et espère bien qu'ils feront la sieste pour sa téléconférence prévue à 14 heures. "C'est toute une organisation", ironise-t-elle.

Elle n'a pas voulu leur expliquer la situation. "Ils sont trop jeunes. Je ne veux pas qu'ils imaginent que l'école est un lieu où leur sécurité n'est pas assurée", justifie-t-elle. Certaines de ses amies ont plus de mal à gérer les angoisses de leur progéniture. Elle doit jouer lundi soir avec son équipe de hockey à Liège, la ville où aurait été aperçu Salah Abdeslam selon Le Soir. "Certains enfants ont peur que leur maman aille là-bas", explique-t-elle.

"Je subis cette situation, cela ne va pas pouvoir durer longtemps comme ça", Murielle, 38 ans

Pour garder ses trois enfants, de six, cinq et deux ans, Murielle et son mari se sont partagés la journée en deux. "Nous sommes tous les deux indépendants. Il est allé bosser ce matin, je vais y aller cet après-midi", explique cette Française installée à Schaerbeek, une commune de Bruxelles. Elle en profitera pour faire quelques courses, car elle refuse d'aller au supermarché avec ses enfants. "Même si tout le monde dit qu'il ne faut pas, j'avoue que j'ai assez peur", confie-t-elle.

"Je subis cette situation. C'est contraignant, cela ne va pas pouvoir durer comme ça", explique-t-elle à propos de l'état d'alerte, même si elle se dit que la situation est grave pour que "des choses comme ça soient décidées". "Heureusement, on a la chance d'avoir trois enfants jeunes, qui nous apportent de la joie. On est obligés de jouer, de faire des gâteaux, c'est chouette", se félicite-t-elle.

"C'est difficile de trouver les bons mots pour expliquer la situation aux enfants", Corinne, 38 ans

Assistante sociale dans une école, cette mère de famille belge n'a pas eu de mal à trouver quelqu'un pour garder ses deux filles. Son école est également fermée. Le problème est ailleurs. "On ne leur avait rien dit pour les attentats de Paris, parce que j'estimais qu'elles étaient trop petites (cinq ans et deux ans et demi). Là, on a été un peu obligés de dire pourquoi l'école était fermée", regrette-t-elle.

Cette habitante d'Uccle, une commune de Bruxelles, leur a expliqué que des "gens avaient tué des personnes dans d'autres pays et qu'ils pouvaient faire la même chose en Belgique". "C’est difficile de trouver les bons mots", déplore-t-elle. Son aînée s'est immédiatement inquiétée pour son père, qui est allé travailler comme d'habitude. "Elle m'a dit 'mais si ces gens vont au travail de papa ?'" raconte Corinne.

Avec cette situation, une phrase d'une réfugié afghane lui est revenue en mémoire. "Elle me disait : vous ne vous rendez pas compte la chance que c’est de pouvoir se promener dans la rue sans avoir peur", se souvient-elle. Elle réalise un peu mieux aujourd'hui.

"Si on reste fermé cette semaine, cela va être catastrophique pour mon commerce", Jean-Pierre, 58 ans

Jean-Pierre tient un magasin de photographie, dans l'un des centres commerciaux de la capitale belge. Samedi matin, il a ouvert sa boutique à 10 heures, "normalement". Mais il a dû fermer deux heures plus tard et n'a pas pu rouvrir depuis. "Dans mon domaine, le samedi et le lundi sont les deux meilleurs jours. Un bon samedi, j'arrive à faire 1 200 euros, là, j'ai fait 60", calcule-t-il. 

A l'inverse, l'un de ses amis, qui tient un commerce d'alimentation à l'extérieur de Bruxelles, a vu défiler dans son magasin "tous les Bruxellois qui ne pouvaient venir chez nous". Jean-Pierre espère donc que les mesures de sécurité seront rapidement levées. "Si on ferme encore quelques jours, cela peut être catastrophique pour mon commerce", prévient-il.

Au-delà de son cas personnel, il n'est pas certain de l'intérêt de la mesure. "Même si on attrape Salah Abdeslam, il y en aura d'autres, remarque-t-il. On va fermer tout le temps ?"

"Ce serait bien qu'on en finisse", Fayçal, 21 ans

Etudiant à Louvain-la-Neuve, ce jeune Belge vit à deux pas de Molenbeek, le quartier dont une partie des assaillants du 13 novembre étaient originaires. "Ce week-end, il faisait gris, froid, et il pleuvait, je ne vous raconte pas l'ambiance avec l'armée partout et les rues vides, confie-t-il. En plus, les cinémas et les restaurants sont fermés, on n'a pas grand-chose à faire et on reste cloîtrés chez nous."

Avec l'arrêt des métros et la grève des transports, il n'a pas pu aller en cours depuis samedi. "Cela commence à devenir lourd et usant. Ce serait bien qu'on en finisse", témoigne-t-il. Il n'imagine pas la situation durer toute la semaine. "C'est limite hors de question, lance le jeune homme, un peu circonspect devant la décision du gouvernement : "Je me demande si cela ne va pas un peu trop loin, même si j'imagine qu'ils ont des informations que nous n'avons pas." L'étudiant a "quand même le sentiment d'une privation de liberté".

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