Ukraine : "Des enquêtes approfondies" doivent être "menées le plus rapidement possible" après le massacre de Boutcha, lance Human Rights Watch
Plusieurs centaines de corps de civils ont été retrouvés près de Kiev, à Boutcha, après le retrait des troupes russes.
Philippe Dam, directeur de plaidoyer Union européenne pour l’ONG Human Rights Watch, appelle lundi 4 avril matin sur franceinfo à ce que "des enquêtes absolument approfondies soient menées le plus rapidement possible" à Boutcha, près de Kiev en Ukraine, où plusieurs centaines de corps de civils ont été retrouvés, selon les autorités locales, après le retrait des troupes russes.
franceinfo : Peut-on déjà parler de crimes de guerre ?
Philippe Dam : Il est effectivement essentiel d'enquêter de la manière la plus approfondie possible sur les cas qui émergent, comme ceci. Je pense qu'il faut considérer qu'on est sur une scène de crime. Dans la mesure du possible, il faut identifier les causes des décès des personnes, les types de blessures, les positions des victimes, identifier les noms, collecter les témoignages des témoins et des survivants. C'est sur cette base que l'on pourra confirmer effectivement qu'il s'agit ici d'attaques délibérées de la part des forces russes et donc de crimes de guerre. Une chose est déjà possible : une ONG comme la nôtre, ainsi que beaucoup d'autres, ont commencé à collecter ces témoignages et ces informations sur la base des éléments disponibles, notamment des photos, des vidéos, des témoignages des victimes. Sur cette base, nous-mêmes avons déjà conclu que certains crimes commis pourraient constituer des crimes de guerre.
Cela corrobore de précédents faits d'exécutions et de viols que vous aviez documentés depuis le début de la guerre ?
Exactement. Les images qui commencent à émerger à Boutcha ce week-end reflètent à grande échelle ce que l'on a déjà pu observer au cours des dernières semaines. On a documenté trois cas différents d'exécutions sommaires à Boutcha et Vorzel, près de Kiev, ainsi que près de Tcherniguiv, et un cas de violences sexuelles près de Kharkiv, dans l'est du pays. C'est effectivement très consistant, malheureusement, avec les images qui émergent à Boutcha. Il faut que des enquêtes absolument approfondies soient menées le plus rapidement possible parce que les preuves disparaissent très rapidement, et il est important que ces enquêtes commencent dès maintenant.
Les Russes affirment avoir quitté la ville le 30 mars, et accusent les Ukrainiens de manipulation : comment identifier les responsables ?
Il faudra identifier la position, les noms des victimes, la situation dans laquelle les corps ont été retrouvés. Les photos et les vidéos devront être analysées pour confirmer leur authenticité. Il est important de faire venir sur place le plus rapidement possible des médecins légistes afin qu'ils puissent établir des rapports médicaux sur les blessures occasionnées aux victimes, sur ce qui s'est véritablement passé. Il faudra également faire en sorte que des experts en ce type de crime puissent identifier les corps. S'il y a des fosses communes, il est essentiel qu'elles soient protégées afin que des exhumations professionnelles soient menées pour obtenir un narratif le plus le plus précis possible de ce qui s'est passé à Boutcha et dans les autres zones affectées par ces violences. C'est sur cette base que les enquêtes d'organes comme la commission d'enquête des Nations unies établie au début du mois ou la Cour pénale internationale pourront se baser pour identifier les faits, et reconstruire la chaine de commandement et de responsabilité : qui a pris ces décisions, qui aurait dû les empêcher et qui est responsable personnellement, pénalement, des crimes qui ont été commis s'ils sont confirmés.
La Cour pénale internationale a ouvert une enquête dès début mars : quelles sont les suites possibles ?
Je pense qu'il est important d'identifier cette chaîne de commandement et de responsabilité, depuis les officiers des unités présents sur le terrain qui ont pu participer à ces crimes jusqu'aux plus hauts niveaux. Cette chaîne de commandement, il est possible de la reconstruire sur la base des informations disponibles, sur ce qui est su au niveau de la présence de troupes russes dans les zones affectées par les combats et occupées. Je pense qu'il faut aussi compter sur l'utilisation de la compétence universelle qui permet à des cours [de justice] pays individuels, notamment la France, de faire rendre des comptes à ceux qui sont responsables de ces crimes du fait de leur extrême gravité.
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