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"On veut que justice soit rendue" : la famille du journaliste franco-irlandais tué en Ukraine en mars se confie à "Complément d’enquête"

Article rédigé par franceinfo - avec "Complément d'enquête"
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Temps de lecture : 4 min
Grégoire et Nicolas, les frères de Pierre Zakrzewski, le journaliste franco-irlandais mort le 14 mars 2022 en Ukraine, photographiés le 19 mai 2022 à Dublin (Irlande). (GUILLAUME COUDERC / FRANCEINFO)

Le caméraman Pierre Zakrzewski est mort le 14 mars au nord-ouest de Kiev. Une équipe du magazine de France 2 "Complément d'enquête" a pu rencontrer ses frères, qui confient pour la première fois à un média français leurs sentiments face à ce drame, alors qu'un journaliste français de BFMTV a été tué en Ukraine lundi.

"On veut la vérité. On veut savoir ce qu'il s'est passé et on espère que les responsables seront trouvés et la justice, rendue. C'est ce que Pierre voudrait, alors nous devons le faire." La voix empreinte d'émotion, Nicolas Zakrzewski affiche sa détermination. Avec son frère Grégoire, il a accueilli l'équipe de "Complément d'enquête" chez lui, le 19 mai, dans une banlieue de Dublin (Irlande). Tous deux s'expriment pour la première fois dans un média français depuis la mort de leur frère aîné, Pierre Zakrzewski, cameraman franco-irlandais de 55 ans, qui travaillait pour la chaîne Fox News, tué en Ukraine le 14 mars.

Il a été le premier journaliste français tué en Ukraine. Lundi 30 mai, un confrère de BFMTV, Frédéric Leclerc-Imhoff, vient lui aussi d'y trouver la mort, au cours d'un reportage sur un convoi humanitaire.

"Je pense qu'il était inquiet"

Pierre Zakrzewski était un cameraman passionné et expérimenté, ayant couvert de nombreux conflits : Irak, Syrie, Afghanistan. "Un modèle" pour ses frères, qui décrivent un homme "honnête, humain et drôle" qui voulait avant tout "raconter à travers ses images l'impact de la guerre sur les gens". Pour autant, "il faisait attention, précise Grégoire. On ne passe pas trente ans dans ces endroits dangereux sans être prudent". 

Depuis l'Ukraine, où il était arrivé début février, Pierre envoyait régulièrement des textos rassurants à sa famille. "Il ne nous le disait pas mais je pense qu'il était inquiet", poursuit cet architecte de 50 ans qui vit à Dublin.

A cette période, les troupes de Moscou étaient aux portes de Kiev. "C'était un terrain de guerre très difficile parce qu'il n’y avait pas de véritable ligne de front, souligne-t-il. Les Russes étaient partout, les Ukrainiens étaient partout, donc la situation était compliquée à gérer."

Lorsque le drame survient, le 14 mars, Pierre est en reportage au nord-ouest de Kiev, selon une source judiciaire ukrainienne interrogée par "Complément d'enquête", dans la petite ville de Moshchun, une zone à haut risque. "On sait qu’il était en voiture avec le journaliste de Fox News Benjamin Hall et leur fixeuse ukrainienne Oleksandra, raconte Grégoire. Il y a eu un tir d'obus ou de missile, pas des balles, et ils sont tous morts, sauf Benjamin Hall qui a été gravement blessé." Pierre serait mort sur le coup, à l'extérieur de la voiture.

"Pour toute la famille, ce fut un choc énorme"

La nouvelle de sa mort arrive le lendemain à toute la famille. Sa femme, Michelle, est prévenue la première, puis ses cinq frères et sœurs. "Je ne veux plus jamais vivre un moment pareil", souffle Nicolas. "Pour toute la famille, ce fut un choc énorme, ajoute cet informaticien de 49 ans. On savait que son travail était dangereux." 

"Intellectuellement, oui, on se disait que quelque chose pouvait lui arriver. Mais on ne peut jamais être prêt à apprendre la mort de son frère."

Nicolas Zakrzewski

à "Complément d'enquête"

Le rapatriement du corps, géré par les équipes de son employeur, Fox News, prend cinq jours. Pierre Zakrzewski est inhumé en Irlande, pays où il a grandi. Les médias du monde entier relayent son décès tragique. "Cela nous a beaucoup surpris, glisse Nicolas. Le lendemain de sa mort, je me suis arrêté dans une station pour prendre de l'essence, il y avait des journaux, et sa photo, avec son visage, était partout. Ça m'a bouleversé".

"C'est important de savoir comment tout cela s'est déroulé"

Depuis, cette famille très soudée veut connaître les circonstances précises de la mort de Pierre. Des questions cruciales restent en suspens. Pierre et ses collègues étaient-ils identifiés comme journalistes ? Qui a tiré et étaient-ils visés délibérément ? Ils ont ainsi accueilli avec espoir l'ouverture d'une enquête pour crime de guerre, le 16 mars, par le Parquet national antiterroriste français (Pnat). "Nous sommes très contents de cette décision des autorités françaises. C'est important de savoir comment tout cela s'est déroulé, pour Pierre et pour tous les reporters qui prennent des risques", martèle Grégoire.

"Il faut protéger les journalistes et la seule façon, quand de tels drames se produisent, c'est de faire savoir qu'il y a des conséquences, qu'un système judiciaire va suivre et découvrir la vérité."

Nicolas Zakrzewski

à "Complément d'enquête"

En raison de la dimension internationale de l'enquête, qui doit être menée dans un pays en guerre, les deux frères se préparent à une procédure qui durera des années.

Depuis le début du conflit, huit journalistes ont déjà été tués en Ukraine, le pays désormais le plus dangereux pour les professionnels de l'information. A la suite de la mort du journaliste de BFMTV, Frédéric Leclerc-Imhoff, le Parquet national antiterroriste a également ouvert une enquête pour crime de guerre.

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