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Témoignage Guerre en Ukraine : "Il n'y a aucun moyen de gagner cette guerre", confie un ancien mercenaire russe du groupe Wagner

Le groupe paramilitaire intervient en Ukraine pour combler les manques de l'armée russe, mais la situation est de plus en plus compliquée sur le terrain. Franceinfo a recueilli le témoignage rare d'un ancien mercenaire réfugié en France. 

Article rédigé par Eric Biegala - Denis Kataev
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un char ukrainien dans la région de Donetsk, le 19 octobre 2022.  (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Il est retenu depuis le début du mois d'octobre dans une "zone d'attente" pour les personnes en instance. Alexandre Zlodeev, la cinquantaine, a demandé l'asile politique en France après avoir quitté la Russie. Il a fait partie du groupe Wagner, qu'il a quitté en 2017, et reste aujourd'hui en contact avec des combattants souvent aguerris. Cette société de mercenaires russes a combattu en Syrie, en Libye, en Centrafrique ou encore au Mali, et envoie, depuis le début de la guerre, des combattants en Ukraine pour le compte du Kremlin. 

Wagner est très présent notamment dans le Donbass ukrainien, où des mercenaires étaient déjà intervenus depuis 2014. D'ailleurs, avec l'entrée en vigueur de la loi martiale, décrétée par Vladimir Poutine, Ievegueni Prigojine, le patron du groupe paramilitaire Wagner, va former et encadrer une milice populaire dans la région de Belgorod pour surveiller la frontière, selon les termes officiels. Alexandre Zlodeev, lui, y a été missionné en 2015. "Les combattants de Wagner sont essentiellement des groupes d'assaut", raconte-t-il. "Toutes nos victoires en Ukraine se sont faites grâce au groupe Wagner, c'est grâce à eux qu'ils parviennent encore tant bien que mal à avancer", assure Alexandre. 

"Wagner a plus d'expérience, plus d'esprit de corps, plus de motivation. Ce sont des chiens de guerre, des gens nés pour la guerre."

Alexandre Zlodeev

à franceinfo

Les hommes du groupe Wagner "savent se battre", mais il n'empêche que cette guerre est terriblement meurtrière pour les Russes, confirme Alexandre Zlodeev. Et les combattants de Wagner ne sont pas épargnés. "Tout le monde dit que les troupes russes subissent en ce moment de très lourdes pertes. Au-delà du groupe Wagner, j'ai des sources dans les forces spéciales et dans le renseignement du district militaire de l'Oural qui disent que leur régiment a perdu 80% de ses hommes", insiste-t-il. 

Un engagement dans le Donbass en 2014

"Je suis entré chez Wagner après mon engagement dans le Donbass en 2014, raconte Alexandre Zlodeev. "C'est à Louhansk que j'ai rencontré des types biens... qui avaient le même état d'esprit que moi", dit-il. L'"état d'esprit" en question c'est une slavophilie volontiers conquérante. Le "nom de guerre" d'Alexandre Zlodeev c'est d'ailleurs "Vélès" l'antique dieu de la guerre chez les Slaves. Une idéologie qui ne cadre pourtant plus très bien avec l'actuelle opération russe en Ukraine explique encore l'ancien de chez Wagner : "Aujourd'hui, les combattants les plus anciens de Wagner demandent plutôt à être envoyés en Afrique... Ils ne veulent pas combattre en Ukraine parce qu'ils considèrent sincèrement les Ukrainiens comme des Slaves, un peuple frère".

Alexandre Zlodeev, vétéran du groupe Wagner. (ERIC BIEGALA / RADIO FRANCE)

Des difficultés de recrutement

Bien sûr Wagner ne recrute pas que des idéologues, le service des combattants, souvent d'anciens militaires mais sans exclusive, est dument rémunéré. "Quand on est en caserne on est payé 60 000 roubles par mois ; pour une mission dans le Donbass c'est 120 000 roubles... et 240 000 roubles dans le cas d'un engagement au combat", témoigne Alexandre Zlodeev. Soit l'équivalent de 1000 à 4000 euros. Une solde Intéressante en Russie ou le revenu moyen ne dépasse pas les 700 euros.

Depuis l'été, Wagner s'est mis à recruter un peu n'importe où et surtout n'importe qui, notamment les détenus des centres pénitentiaires, leur promettant une remise de peine. De nouvelles recrues tenues en piètre estime par Alexandre Zlodeev, qui assure que "toute armée qui se respecte refusera d'aller au combat aux côtés de ces détenus : c'est évident !

"Aucun combattant normalement constitué ne peut faire confiance à des criminels pour assurer ses arrières. Ces anciens taulards ne seront pas acceptés par les forces combattantes... j'en suis sûr à 100%"

Alexandre Zlodeev

à franceinfo

Mais les anciens détenus seront aussi sans doute employés à des tâches non combattantes. Le Groupe Wagner a ainsi entrepris depuis trois semaines la construction de kilomètres de fortifications le long de la ligne de front du Donbass. Sorte de mini ligne Maginot, que tout le monde n'appelle déjà plus que "la ligne Wagner".

Les perspectives d'avenir pour l'armée russe en Ukraine sont de plus en plus compliquées, Le général Sergueï Sourovikine, commandant de l'armée russea même reconnu mardi 18 octobre que la situation était "tendue" sur le front ukrainien. Et particulièrement depuis les contre-offensives ukrainiennes lancées fin août, que les Russes ont de plus en plus de mal à contenir. 

L'hypothèse d'une victoire de l'armée russe n'est même pas crédible selon Alexandre Zlodeev. "Gagner ? Non, il n'y a aucun moyen de gagner cette guerre aujourd'hui !, avoue-t-il, même avec les hommes de Wagner". "Pour gagner, il faudrait multiplier leur nombre par centaines, explique-t-il. Et pour lui, c'est impossible : Où trouver ces gens ? Depuis l'époque où Wagner a été créé, beaucoup de combattants les plus expérimentés ont été tués. Maintenant, il n'y a plus personne."Actuellement, les combattants du groupe Wagner ne dépasseraient pas les 8 000 hommes en Ukraine depuis le début de la guerre. Plusieurs milliers d'entre eux ont déjà été tués. 

Ukraine : le témoignage d'un ex-soldat de la milice Wagner, recueilli par Denis Kataev et Eric Biégala

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