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Reportage Une semaine après la découverte du massacre, Boutcha continue de rechercher ses morts : "Si on ne le fait pas, qui va le faire ?"

franceinfo est retourné dans cette ville d'Ukraine où l'armée russe est accusée d'avoir commis des exactions. Tous les jours, des équipes sillonnent la ville pour chercher et ramasser des cadavres.

Article rédigé par franceinfo - Thibault Lefève et Benjamin Thuau - édité par Valentine Joubin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une équipe de pompes funèbres et de volontaires de Boutcha (Ukraine) enveloppe les dépouilles des victimes de la guerre dans des sacs mortuaires, jeudi 7 avril 2022. (BENJAMIN THUAU / RADIO FRANCE)

Sergueï ferme le sac mortuaire, soulève le corps, puis ouvre la porte de la benne. Il dispose le cadavre à côté des deux autres. C'est la vingtième dépouille que ce responsable d'une des deux équipes de fossoyeurs de Boutcha transporte depuis le début de la journée, jeudi 7 avril. Une semaine après la découverte de plusieurs centaines de victimes civiles et après le départ des troupes russes, les habitants de cette petite ville au nord-ouest de Kiev, en Ukraine, peinent encore à prendre l'ampleur du massacre. 

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"Trois corps ont été brûlés et on ne sait pas si c'étaient des femmes, raconte Sergueï. Tous les autres sont des hommes. Et pour le moment, il n'y a pas d'enfants. Là, il ne reste que le crâne et c'est difficile de l'identifier. Il y en a beaucoup dans cet état là. Les Russes ne nous laissaient pas les récupérer et les corps sont restés là, dans les rues. Ces gens ont été assassinés."

Sergueï, avec l'équipe qui recherche et ramasse les corps de civils à Boutcha (Ukraine). (BENJAMIN THUAU / RADIO FRANCE)

Sergueï poursuit en désignant le corps d'une victime : "Pour cette personne, c'est comme partout ici, elle marchait dans la rue et elle a été tuée, juste comme ça, pour s'amuser. Les soldats russes ont volé de l'alcool dans les magasins. Ils étaient saouls, ils commençaient alors à tirer". Des accusations d'exactions que la Russie a rejeté "catégoriquement", selon les mots du porte-parole du Kremlin.

"Les Russes ont tout détruit par jalousie"

Tous les jours, depuis le départ des troupes russes, Sergueï sillonne la ville pour chercher et ramasser des cadavres : "On tient le coup, si on ne le fait pas, qui va le faire?" Et comme tous les habitants de Boutcha, Sergueï essaie de comprendre les raisons qui ont poussé les Russes à commettre un massacre pour le moment unique par sa violence et son ampleur : "Boutcha, c'est une ville européenne et moderne. Et eux, ils sont arrivés de villages perdus, ils n'ont rien, pas d'électricité, pas d'asphalte, rien. Ils ne savent pas comment les gens vivent. Ils sont venus chez mon oncle et ils ont été surpris de voir sa maison. Ils nous ont dit qu'il n'avaient pas d'habitations comme ça dans leurs villages. Mon oncle, c'est un homme simple qui a travaillé et construit sa maison. Heureusement, il n'est pas mort. Les Russes ont tout détruit par jalousie."

Dans la benne de la camionnette, ce jour-là, l'équipe de Sergueï collectera vingt corps. (BENJAMIN THUAU / RADIO FRANCE)

Les corps sont rassemblés en fin de journée près du cimetière de Boutcha. Ils sont ensuite identifiés quand c'est encore possible, avant d'être déplacés dans plusieurs morgues de la région.

Une semaine après la découverte du massacre, Boutcha continue de rechercher des morts - le reportage de Thibault Lefèvre et Benjamin Thuau

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