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Guerre en Ukraine : "Pour arriver à libérer les territoires, on devra payer extrêmement cher en termes de vies humaines", estime la responsable d'une ONG ukrainienne

Tetyana Ogarkavoa, journaliste et responsable du département international à l'ONG Ukraine Crisis Media Center, réagissait sur franceinfo dimanche 20 août, au lendemain de l'attaque russe qui a fait sept morts et 144 blessés à Tcherniguiv.
Article rédigé par franceinfo
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Le bombardement russe sur la ville de Tcherniguiv, en Ukraine, a fait au moins 7 morts samedi 19 août2023. (ANATOLII STEPANOV / AFP)

"Pour arriver à libérer les territoires, on devra payer extrêmement cher en termes de vies humaines", estime Tetyana Ogarkavoa, journaliste et responsable du département international à l'ONG Ukraine Crisis Media Center, sur franceinfo dimanche 20 août, au lendemain de l'attaque russe qui a fait sept morts et 144 blessés à Tcherniguiv, alors que la contre-offensive ukrainienne s'installe dans le temps. Début juillet, Volodymyr Zelensky avait admis que cette opération de reconquête militaire n'était "pas rapide", mais qu'elle avançait tout de même.

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franceinfo : Selon vous, pourquoi la Russie a-t-elle visé Tcherniguiv ?

Tetyana Ogarkavoa : Tcherniguiv se situe assez près de la frontière russe, à 90 kilomètres seulement. La version la plus discutée aujourd'hui en Ukraine, c'est que ce jour-ci, à Tcherniguiv, il y avait une réunion des constructeurs de drones de combat ukrainiens. L'information était tenue secrète. L'adresse avait uniquement été communiquée à ceux que participaient à cette réunion. Mais visiblement, il y avait une fuite de l'information, donc le lieu a été frappé par un missile Iskander.

C'est un missile balistique qui a mis moins de deux minutes pour arriver là, tout près de la frontière russe, en causant malheureusement beaucoup de morts, beaucoup de blessés surtout. Samedi, les gens, les enfants, étaient dans la rue, donc plusieurs enfants ont été blessés. Malheureusement, la guerre continue de faire des blessés et des morts parmi les civils.

Encore un bombardement. Ils sont incessants depuis le début de la guerre. Comment réagissent les Ukrainiens à un drame comme celui-là ?

Il y a eu une vive réaction hier, parce que c'est vrai que Tcherniguiv est une ville qui est épargnée, même si elle se retrouve très près de la frontière nord de l'Ukraine. C'est une ville qui a beaucoup souffert en 2022, en février et en mars elle était encerclée, elle était bombardée, il y avait des combats. C'est une atrocité de plus et une nécessité de plus d'avoir plus de moyens de défense aérienne. On sait qu'aujourd'hui la capitale ukrainienne est assez bien protégée, donc on est relativement calme quand il y a une alerte aérienne à Kiev. Mais il y a beaucoup d'autres villes qui sont beaucoup moins protégées.

"Malheureusement, les bombardements vont continuer tant que la guerre continue. C'est inévitable, donc il faut se protéger."

Tetyana Ogarkavoa

à franceinfo

Il faut plus de défense aérienne. Il faut être prêt et, surtout, respecter les règles, les consignes, c'est-à-dire descendre dans les souterrains en cas d'alerte aérienne. Mais contre des missiles balistiques Iskander, on a très peu de temps pour des manœuvres parce que c'est extrêmement rapide.

La contre-offensive ukrainienne prend du temps, peut-être plus qu'espéré par les Ukrainiens. Est-ce qu'il y a une forme de pessimisme dans la population ukrainienne ?

Je n'utiliserais pas les termes optimisme et pessimisme. Je parlerais plutôt en termes d'usure. C'est vrai qu'il y avait l'espoir que vers la fin de l'été, on serait déjà à Melitopol, tout près de la Crimée, que des territoires allaient être libérés, comme on a vu pendant l'opération Kharkiv. Mais l'ennemi s'est bien préparé et on voit tous que ça avance lentement, donc c'est une certaine fatigue et usure.

Ça ne veut pas dire qu'on ne croit pas qu'à la fin on puisse arriver à des objectifs, mais, pour arriver à libérer les territoires, on devra payer extrêmement cher en termes de vies humaines et ce n'est pas abstrait. Ça nous touche tous directement parce que chaque famille ukrainienne a quelqu'un qui est lié d'une manière ou d'une autre au front, à l'armée. Il y a un prix à la liberté, à la souveraineté, à la justice. Chacun prie de son côté pour que ses proches ne soient pas touchés, mais malheureusement, ce n'est pas toujours possible. La réalité de la guerre est extrêmement lourde, elle est extrêmement tragique et elle touche tout un chacun.

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