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Guerre en Ukraine : le départ du général Vidaud vise "peut-être à faire le ménage de l'héritage Le Drian", suggère un spécialiste du renseignement

"En termes de renseignement, on est dans le top 3 ou 4, il n'y a pas de souci. Là, on est sur un problème plus de politique française", estime Gérald Arboit, responsable de l'étude du renseignement au Cnam.

Article rédigé par franceinfo
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Derrière le départ du directeur du renseignement militaire français, est-ce l'héritage de Jean-Yves Le Drian qui est visé ? (photo du 28 février 2022) (LUDOVIC MARIN / AFP)

Gérald Arboit, responsable de l'étude du renseignement au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), chercheur associé à l’unité mixte de recherche Sorbonne Identité relations internationales et civilisation de l’Europe, a suggéré jeudi 31 mars sur franceinfo que le départ du général Éric Vidaud à la tête du renseignement militaire français est peut-être une "question politique" qui vise à "faire le ménage de l'héritage Le Drian". Le général Éric Vidaud, qui avait pris ses fonctions il y a seulement sept mois, a été mis en à cause dans sa gestion de la guerre en Ukraine. Le chef d'état-major des armées, le général Burkhard, avait regretté que les analyses françaises sur l'Ukraine n'aient pas eu le niveau des américaines. "On peut difficilement le rendre responsable de beaucoup de choses", estime Gérald Arboit.

franceinfo : Que vous inspire le remplacement du général Vidaud à la tête du renseignement militaire ?

Gérald Arboit : Le général Vidaud était là depuis sept mois, dont on peut difficilement le rendre responsable de beaucoup de choses. Ensuite, le général Burkhard n'a pas critiqué le renseignement, il a simplement dit, par les capteurs que la France avait, que les Français avaient un renseignement différent de ce que les Américains avaient. Il n'a pas jeté l'opprobre sur le renseignement militaire. De toute manière, le renseignement militaire dans la question ukrainienne intervient très peu puisque les forces militaires françaises ne sont pas impliquées. Donc, ce n'est pas son travail à lui, c'est le travail de la DGSE.

Pourquoi a-t-il été mis sur la touche ?

Les hypothèses sont multiples. Ça peut être un coup d'État dans la majorité gouvernementale, puisque c'était un ancien du cabinet Jean-Yves Le Drian. Donc, on veut peut-être faire le ménage de l'héritage Le Drian. C'est peut-être aussi le coup de pied de l'âne de la DGSE vis-à-vis de la DRM. Cela peut être simplement une question politique politicienne si c'est Le Drian ou simplement politique parce qu'on a voulu mettre quelqu'un d'autre à la place.

"On est à la veille d'élections et on a besoin de libérer les postes pour pouvoir mettre d'autres personnes à la place."

Gérald Arboit, responsable de l'étude du renseignement au Cnam

à franceinfo

Il y a des agents français en Ukraine ?

Oui, il y a des agents français. Il y a des opérations françaises qui sont en cours. Moins qu'on voudrait le voir puisqu'on n'a pas grand-chose à leur apporter. Il suffit de regarder les statistiques que les Ukrainiens ont sorties sur les dons que les pays de l'OTAN et les pays occidentaux ont donnés à l'Ukraine en termes de matériel militaire. On n'a pas donné grand-chose.

Au plus haut niveau, on reproche au renseignement français de ne pas avoir vu venir ce conflit contrairement aux Américains. Qu'est-ce qu'on a raté ?

Le problème, c'est qu'on a tous vu le conflit venir. Sauf qu'on ne l'a pas vu avec la même précision. On a la même capacité d'analyse, mais on est en France, les États-Unis et les Britanniques sont au-delà des mers. Donc, ils ont une autre vision et un autre intérêt dans l'affaire. On s'attendait à ce que les Russes interviennent après le printemps, c'est-à-dire à partir du moment où les terres étaient sèches et où on pouvait faire passer des chars ou des véhicules blindés à travers champs.

La France possède aussi de nombreux outils de renseignements comme des satellites ?

On a tout un appareil de renseignement, depuis les capteurs humains jusqu'aux capteurs électroniques et satellitaires. On a les capacités d'analyse qui vont bien. Après, on n'est pas dans la divination. Il faut voir ce que les Américains ont fait entre novembre et février. Ils ont dit : "Ils attaqueront demain". À chaque fois, ils changeaient de date. Là où il y avait une différence, c'est qu'apparemment, les Britanniques avaient deux sources implantées dans l'appareil politique russe qui donnaient ces informations. Mais les dernières informations qui sont sorties de la part des Américains, c'est que l'opération serait lancée entre le 12 février et le 22 février. Et on voit bien que Poutine réalise les objectifs qu'il a dits le 22 février.

La France est à la peine en termes de renseignement ?

En termes de renseignement, on est dans le top 3 ou 4, il n'y a pas de souci. Là, on est sur un problème plus de politique française que de guerre en Ukraine. Si on avait quelque chose à reprocher à la DRM, c'était plutôt les coups d'État qui n'avaient pas été prévus au Mali. Mais là, le général Vidaud n'y est pour rien puisqu'il n'était pas en poste à ce moment-là.

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