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Guerre en Ukraine : l'ONG Human Rights Watch appelle à "renforcer les capacités pour enquêter sur les crimes commis" à Kramatorsk

Philippe Dam, directeur du plaidoyer pour l'Union européenne à l'ONG Human Rights Watch, demande également à ce que l'Ukraine enquête sur les crimes qui seraient commis par ses troupes.

Article rédigé par franceinfo
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Des voitures calcinées sà l'extérieur d'une gare de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine, touchée par une attaque à la roquette, le 8 avril 2022. (FADEL SENNA / AFP)

"Il faut renforcer les capacités pour enquêter sur les crimes commis dans cette zone", a affirmé vendredi 8 avril sur franceinfo Philippe Dam, directeur du plaidoyer pour l'Union européenne à l'ONG Human Rights Watch, alors que des tirs de missiles ont tué au moins 39 personnes dans un bombardement sur la gare de Kramatorsk, dans l'est de l'Ukraine. Philippe Dam insiste également sur le fait que l'Ukraine doit aussi enquêter sur les crimes qui seraient commis par ses troupes, alors que des vidéos, montrant des hommes en uniforme ukrainien tirant et achevant des combattants russes blessés, circulent depuis plus d'une semaine. "Si l'Ukraine souhaite démontrer qu'elle mène une guerre sans commettre de crimes, c'est indispensable", martèle le représentant de l'ONG.

franceinfo : Après l'attaque de la gare de Kramatorsk qui a tué au moins 39 civils, faut-il s'attendre à une accentuation de ce genre de frappes ?

Philippe Dam : Ce qui s'est passé à Kramatorsk ce vendredi matin doit être étudié très précisément. Ce ne serait pas la première fois que les autorités russes ciblent le réseau ferroviaire ukrainien. Cette fois-ci, très clairement, c'est une gare, où des civils étaient réunis, qui a été ciblée. Il faut que les armes soient étudiées afin que la responsabilité de la Russie soit confirmée. On peut effectivement s'attendre à une augmentation des crimes commis contre les civils dans le sud-est de l'Ukraine. Il faut une vigilance absolue et il faut surtout renforcer la mise à disposition de capacités pour enquêter sur les crimes qui seront potentiellement commis dans cette zone désormais.

Des vidéos, montrant des hommes en uniforme ukrainien tirant et achevant des combattants russes blessés, circulent depuis plus d'une semaine. Votre ONG demande une enquête sur les faits reprochés aux Ukrainiens. Ce ne sont pas les premières qui sont repérées ?

C'est en fait le deuxième cas dramatique qui a émergé. Il y avait un premier cas le 27 mars dernier, près de Kharkiv, où une vidéo tournée là-bas montrait que des combattants ukrainiens brutalisaient et tiraient dans la jambe de prisonniers de guerre russes de manière complètement délibérée. Nous avions étudié cette vidéo. On avait constaté qu'elle était crédible, qu'elle était légitime. On avait appelé à une enquête. Plus grave, c'est le cas qui est apparu cette semaine où là, délibérément, on voit des combattants de l'armée ukrainienne ou apparentés à l'armée ukrainienne à l'ouest de Kiev qui exécutent plusieurs prisonniers de guerre, une vidéo analysée et authentifiée par le New York Times. Un soldat semble avoir les mains liées. Cela s'ajoute à des cas précédents de publications de vidéos et de photos de soldats sur les comptes sociaux officiels ukrainiens qui avaient à l'époque l'intention, sans doute, d'humilier ces prisonniers de guerre.

"Très clairement, il faut que le gouvernement ukrainien mette en pratique sa promesse d'enquêter sur ces faits et, surtout, publie les résultats de ses enquêtes et montrent que les responsables seront punis."

Philippe Dam, directeur du plaidoyer pour l'Union européenne à l'ONG Human Rights Watch

à franceinfo

Qui peut lancer une enquête ?

D'abord, les autorités ukrainiennes sont les premières à être responsables de ce devoir d'enquêter sur le comportement de leurs propres troupes. Elles doivent démontrer que les responsables seront punis, que les instructions seront très clairement données à l'ensemble des combattants, que ces actions seront sanctionnées et punis. Très clairement, ce genre de comportements pourra constituer des crimes de guerre. C'est interdit par les Conventions de Genève. L'échec d'enquêter, l'échec de répondre à ces actions par le gouvernement ukrainien pourra lui-même finir devant la Cour pénale internationale.

Est-ce que ce genre d'enquête est une priorité pour le gouvernement ukrainien ?

Je pense que c'est essentiel. Si l'Ukraine souhaite gagner la bataille des opinions publiques, c'est indispensable. Si l'Ukraine souhaite démontrer qu'elle mène une guerre sans commettre de crimes, c'est effectivement indispensable. Il faut rappeler aussi que l'Ukraine a exprimé son intention de devenir candidate à l'Union européenne. C'est d'autant plus important que l'Ukraine soit au-dessus de tout reproche et que l'Union européenne elle-même demande à son partenaire, à son allié, que ces crimes ne restent pas impunis.

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