Guerre en Ukraine : l'Allemagne divisée sur l'avenir de son modèle économique
La première économie d'Europe tente de se débarrasser de ses liens avec Moscou et veut repenser son modèle économique en raison de la guerre en Ukraine. Mais l'Allemagne reste très dépendante des hydrocarbures russes et les avis divergent dans le pays sur les conséquences et l'opportunité d’un embargo.
Pas un jour ne passe sans qu’un responsable politique allemand ne fasse acte de contrition expliquant s’être trompé au sujet de Vladimir Poutine. “Nous avons été des crieurs solitaires dans le désert, ça fait plus de 15 ans”, déplore la professeure Claudia Kemfert, économiste à l’institut DIW à Berlin. L’ancienne chancelière Angela Merkel est responsable de cette politique énergétique qui nous a rendus dépendants et les politiques sont en train de reconnaître leurs erreurs.”
Avec la guerre en Ukraine, l'Allemagne a pris conscience de sa très grande dépendance aux énergies fossiles importées de Russie. Notre voisin cherche donc à y mettre un terme jusqu’à sans doute devoir repenser le modèle économique qui a fait son succès ces dernières années. La tâche est vertigineuse et crée beaucoup d’inquiétude, notamment dans l’industrie.
"L’économie nationale est prise en otage"
À part l’ancien patron de Siemens, les grands capitaines d’industrie n’ont pas participé à cette œuvre de transparence et d’explication sur la Russie. L’économiste Claudia Kemfert note que ces patrons ont été, en revanche, très bruyants pour mettre la pression sur le gouvernement et s’opposer à tout embargo énergétique. “L’économie nationale est prise en otage”, selon Claudia Kemfert.
“Des scénarios d’horreur sont présentés selon lesquels l’ensemble de l’économie s’effondrerait si l’industrie chimique ne recevait plus de gaz de Russie, alors que, dans les faits ce n’est pas le cas.”
Claudia Kemfert, économisteà franceinfo
Ainsi, le président du groupe BASF, numéro 1 mondial de la chimie et le plus gros consommateur de gaz en Allemagne, redoute "la plus grave crise depuis la fin de la seconde guerre mondiale". Dans les médias, les économistes se livrent à des batailles de chiffres. Sur la chaîne ARD, Veronika Grimm, une économiste réputée explique qu’un embargo "entraînerait une baisse de 2 à 6% de l’économie, et non de 20 % comme on l'entend souvent". Il n'y aura pas plus de 3% de baisse disent de leur côté des chercheurs de l’université de Bonn.
"Je ne vois pas par quoi on remplace ce gaz"
“Ce ne sera pas 3%, ce sera plus”, lance Martin Kopf, un grand patron qui envisage le scénario du pire : “On ne peut pas continuer ces embargos de la sorte ou alors l’industrie en Allemagne est morte !” Ce représentant du secteur de la métallurgie allemand affirme ne pas pouvoir se passer de gaz russe : "On va perdre des centaines de milliers d’emplois d’un point de vue économique, je ne vois pas par quoi on remplace ce gaz. Cela n’a jamais été une question avant, car tout le monde se sentait en sécurité. Et puis, pourquoi réduire les importations d’un gaz russe bien moins cher. Les cadeaux rendent aveugles.”
Dans ce contexte hors norme, le gouvernement allemand a récemment mis sous tutelle une entreprise privée russe : Gazprom Germania. C’est inédit. Une mesure temporaire que le ministre de l’Économie allemand est prêt à rééditer pour des raisons de sécurité nationale et d’approvisionnement.
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